Législation : Le Cameroun fuit le combat en matière de corruption
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Législation : Le Cameroun Fuit Le Combat En Matière De Corruption :: Cameroon

Le Code pénal continue d’ignorer l’enrichissement illicite. La déclaration des biens n’est pas appliquée.

Le 6 février 2006, la Cameroun ratifiait la Convention des Nations unies contre la corruption. L’article 20 de ce texte définit l’enrichissement illicite ainsi qu’il suit : « une augmentation substantielle du patrimoine d’un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapport à ses revenus légitimes. »

Dix ans plus tard, le droit camerounais n’a toujours pas intégré la notion d’enrichissement illicite. Elle a encore été ignorée dans le nouveau Code pénal adopté en juin dernier par le Parlement. En convoquant sa conférence de presse le 12 juillet 2016, le ministre de la Justice se savait attendu sur ce point précis. Laurent Esso a alors affirmé qu’il est impossible de punir l’enrichissement illicite par le biais du Code pénal.

Le Garde des Sceaux a même confié qu’une disposition y relative a été retirée du projet de loi avant l’envoi du texte au Parlement. Pour Laurent Esso, l’Etat camerounais ne peut pas appliquer les textes internationaux prenant en charge l’enrichissement illicite. Des textes dont il est pourtant partie prenante, à commencer par la convention des Nations unies contre la corruption.

Ces textes ne sont pas « conformes » à la Constitution et au Code de procédure pénale du Cameroun, selon Laurent Esso. Pour lui, pénaliser l’enrichissement illicite reviendrait à violer un « principe intangible » du système juridique national, à savoir la présomption d’innocence. « On ne peut pas le remplacer par la présomption de culpabilité et l’introduire dans le Code pénal. Ce n’est pas possible », a martelé le ministre de la Justice. Il a d’ailleurs ajouté : « La charge de la preuve appartient à celui qui accuse. Renverser la charge de preuve c’est créer des conditions qui rendraient difficile la vie en société, parce que tout le monde deviendrait suspect de tout. »

Laurent Esso fait même une caricature d’un Cameroun où le citoyen serait interpellé dans la rue, devrait présenter la facture des chaussures qu’il porte et la preuve que ses revenus lui permettent d’acheter ces chaussures. Pourtant, le Garde des Sceaux n’ignore guère qu’il est question ici de justifier les villas cossues, les immeubles, les grosses cylindrées que plusieurs agents de l’Etat affichent ostentatoirement, sans qu’on ne sache où ils ont pris l’argent pour acquérir ces biens ou pour garnir leurs comptes en banque. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le concept juridique de l’enrichissement illicite fait d’abord allusion aux fonctionnaires et autres employés de  l’Etat.

Déclaration des biens

Il est vrai que les professionnels et les théoriciens du droit s’accordent pour dire que l’Onu ne donne pas une définition exhaustive de l’enrichissement et qu’il est d’ailleurs difficile de le faire. Surtout que « l’enrichissement illicite n’est véritablement pas une infraction, mais le résultat d’une autre infraction », pense le Pr Mody Boiro de l’université Gaston Berger au Sénégal et avocat au barreau de Paris.

Pourtant le Cameroun pourrait faire un premier pas si le président Paul Biya signait enfin le décret d’application de la loi sur la déclaration des biens, respectant ainsi l’article 66 de la Constitution. Luimême, le chef de l’Etat, et les principaux dirigeants de la République ne seraient pas tenter de s’enrichir de manière illicite.

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