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© Mutations : Propos recueillis par Georges Alain Boyomo
- 09 Jul 2015 16:35:53
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CAMEROUN :: Viviane Madeleine Ondoua Biwolé : « Ces conflits entre ministres et secrétaires généraux sont sources d’inertie » :: CAMEROON
Docteur en sciences de gestion et enseignante consultante à l’Institut supérieur de management public, elle décrypte les rivalités entre ministres et Sg.
Les rapports entre ministres et secrétaires généraux sont tendus dans certains ministères. Qu’est ce qui peut expliquer cette animosité entre des gens qui sont appelés à travailler ensemble ?
Au regard de la Programmation neurolinguistique (Pnl) qui est une science qui offre des une grille d’observation pour améliorer la perception que nous avons de nous-mêmes et des autres, je peux dire que cette question fait référence globalement à la relation à soi et à l’autre. A l’exception des problèmes relatifs à l’absence de transparence, à un sentiment d’iniquité, à une répartition peu claire et pas partagée du travail, à un sentiment de désamour ou simplement à une incompétence technique, au moins quatre hypothèses peuvent être émises pour expliquer les conflits que vous évoquez.
La première hypothèse est qu’il n y a pas eu d’échanges préalables entre les deux responsables au sujet de leurs motivations et ambitions professionnelles. En effet, en Pnl, pour obtenir le meilleur de l’autre il est conseillé de lui confier des responsabilités en cohérence avec ses ambitions professionnelles. La deuxième hypothèse est que dans une équipe comme c’est le cas du tandem ministre-Sg, on ne peut véritablement parler d’équipe que s’il y a une vision commune des résultats à atteindre et des activités à mener. Ce consensus est parfois obtenu après moult discussions et divergences. Il est donc normal qu’il y ait des conflits entre deux personnes qui transigent, les conflits ne sont pas toujours néfastes, au contraire, ils peuvent permettre de construire le consensus et d’engager des changements.
En troisième hypothèse, il faut reconnaitre que le ministre et le Sg sont d’abord et avant tout deux personnalités différentes. Lorsque deux personnes sont en présence des phénomènes d’influence mutuelle se manifestent, de manière consciente ou inconsciente. De même, si les personnes sont à des polarités opposées, des conflits surviennent. A titre d’exemple, nous avons des introvertis et les extravertis (les premiers puisent leurs énergies de l’intérieur et les seconds à l’extérieur) nous avons des personnes qui prennent des décisions sur la base de l’intuition et d’autres qui convoquent un raisonnement plus structuré, ce sont des personnes qui s’opposent donc par nature. Il est alors possible que plusieurs conflits émergent seulement de leurs différences, il faut en être conscient. La quatrième et dernière hypothèse est qu’il est possible qu’il y ait une incompatibilité profonde entre le ministre et le Sg, une incompatibilité au niveau des valeurs ou des convoitises inconciliables. Dans ces conditions, la collaboration peut être plus difficile.
Le poste de secrétaire général est souvent un tremplin vers celui de ministre, est ce que c’est une clé pour comprendre ces rivalités ?
Non, je ne pense pas. Les nominations de ce niveau dépendent sans doute de plusieurs variables. Il serait un peut naïf de croire que le Sg rivalise le ministre juste pour cette intention. L’un assure une fonction éminemment politique et l’autre une fonction technique. Il me semble que c’est essentiellement à ce niveau que se trouve la pomme de discorde Par ailleurs, il peut arriver qu’il y ait des jeux de pouvoirs, des informalités et des alliances qui gênent le fonctionnement normal du ministère. Dans ce cas, la coexistence des groupes informels peut alors participer à opposer ces deux responsables dont les missions sont bien connues et distinctes. Il ne s’agit pas de nier les rivalités possibles au regard des convoitises diverses, mon objectif est d’attirer l’attention sur des aspects sournois et normaux dont il faut tenir compte.
Quelles sont les conséquences que cette ambiance peut avoir sur l’atteinte des objectifs assignés aux ministères concernés ?
A priori et cela parait évident, une ambiance antagoniste nuit à l’atteinte des résultats. Mais il faut nuancer. Dans la situation où les conflits sont bien gérés et utilisés comme leviers de changements, c’est un véritable atout pour l’atteinte des résultats. C’est la technique managériale qui consiste à transformer les menaces en de véritables opportunités. Tout dépend alors de la maturité émotionnelle des responsables en situation et leur capacité à mettre l’intérêt général au-dessus de leurs « égos » spécifiques. Au contraire en cas de conflits de valeurs ou dans un contexte où les informalités et les rapports sociaux ne sont pas mis à la disposition de la production des résultats, ceux-ci sont inévitablement hypothéqués.
Que faut-il faire (patron et collaborateurs) afin de tirer le meilleur de chaque responsable et employé dans un ministère ou une administration ?
Vous posez là le problème fondamental des administrations africaines à l’aune de la Gestion axée sur les résultats. C’est l’enjeu principal de toutes les réformes récentes qui sont implémentées ici et là. Mais jusqu’à ce jour c’est toujours un casse-tête pour les décideurs. Par conséquent, il ne saurait exister un principe miracle pour rendre efficace la collaboration entre les responsables et ceux avec qui ils travaillent au quotidien. En un mot comme en mille, on peut esquisser une réponse en disant qu’il faut nécessairement promouvoir le leadership dans les administrations. En d’autres termes, il convient de disposer de véritables leaders dans les ministères ! Des responsables exempts de reproches ou soupçons de corruption, exemplaires parce que respectueux des règles de discipline auxquelles ils sont les premiers soumis. Ils doivent faire preuve de fermeté et être capables de montrer le cap et d’assurer l’adhésion de tous les membres de l’équipe. Il s’agit en réalité de dénicher la perle rare de « créer » un être somme toute « extraordinaire » car une société modèle est celle qui dispose de vrais leaders !
Plusieurs conditions doivent être réunies pour assurer le fonctionnement optimal d’une équipe de travail. En focalisant uniquement sur les conflits et en référence au domaine biologique, il faut garantir un seuil de conflits au-delà duquel les objectifs sont hypothéqués. Comme l’organisme humain, le système doit être maintenu en équilibre, à l’exemple de la température, une valeur supérieure ou inférieure à 37°, c’est le signal d’un dysfonctionnement. C’est la raison pour laquelle autant il est important de se concentrer sur la production des résultats, autant il faut consacrer du temps pour dénouer les conflits et mener des activités de solidarité. L’équipe manipule de manière consciente ou inconsciente trois énergies : l’énergie de production (résultats à atteindre), l’énergie d’entretien (résolutions de conflits) et l’énergie de solidarité (relations entre les membres). C’est l’équilibre entre ces trois énergies qui assurent l’équilibre de l’équipe. Une trop grande attention à la production entrainera une atmosphère tendue, de même une primauté de l’énergie de solidarité pourrait être propice aux affinités et moins à la production. Si par contre toute l’énergie du groupe est concentrée à la gestion des conflits les résultats seront hypothéqués ou réalisés à un rythme très lent. Ces conflits peuvent alors être des sources d’inertie tant décriée dans nos administrations. Il faut alors disposer d’un code de conduite partagé et d’une culture d’entreprise bien entretenue et rénovée qui constitue l’âme du ministère. L’enjeu étant de faire cohabiter de manière harmonieuse le corps (résultats à atteindre) et l’âme (l’ambiance, la collaboration, l’épanouissement) du ministère. J’avoue que dans le contexte qui est le nôtre, c’est encore un idéal lointain.
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