PREDICATION DU DIMANCHE 21 MARS 2021 PAR LE REV. DR. JOËL HERVE BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 21 MARS 2021 PAR LE REV. DR. JOËL HERVE BOUDJA

Textes : Jérémie 31,31-34 ; Hébreux 5,7-9 ; Jean 12,20-33 Jésus était-il suicidaire ?

Comprenez ma question : des Grecs cherchent à le voir. Ils s'adressent à Philippe, qui porte un nom grec lui aussi.

Ce sont des Juifs de la diaspora venus à Jérusalem, la capitale du judaïsme, pour y adorer Dieu. Puisque Jésus sait la radicalité du rejet dont il est l'objet de la part des autorités, pourquoi ne part-il pas avec ces Grecs sympathisants, vers d'autres horizons, d'autres peuples, d'autres cultures, mieux disposés à son égard ? Nous le voyons : Jésus choisit délibérément de rester.

Son horizon n'est pas de recommencer ailleurs, il est de poursuivre jusqu'au bout, là où il se trouve et là où la perversion est la plus développée, son affrontement au mensonge, à l'imposture et à l'instrumentalisation de Dieu. Son attitude peut sembler suicidaire, elle vient en fait d'une confiance paradoxale en son message, en sa mission et dans la victoire de la vérité.

S'il partait, il éviterait la mort mais il esquiverait une part essentielle de sa mission. Jésus n'est pas un lâche, il n'est pas un fuyard, il n'est pas non plus un passif résigné. Ce n'est pas par faiblesse qu'il reste, ce n'est pas une forme de capitulation. Il dévisage le mal et le combat sur son terrain, de toutes ses forces et par-delà même l'échec apparent. Il n'a pas peur des oppositions, de la calomnie ni du mépris, et cela de la part même de ceux qui devraient l'accueillir et l'aider : les disciples de Moïse, ses frères selon la foi d'Abraham, le monde juif qui est le sien. Chaque chose, chaque peuple en son temps. Alors que Paul se dispose à partir pour l'Asie, une vision d'un Macédonien l'oriente vers l'Europe.

La première culture étrangère que rencontrera l'Evangile sera celle du monde grec et sa rencontre avec la philosophie produira ce que nous appelons la théologie. En attendant, Jésus est pleinement lucide sur ce qui l'attend : l'injustice, l'humiliation, l'exclusion. Mais il a fait son choix. Ce choix passe par la mort mais il est celui de la vie : « L'heure est venue pour le Fils de l'homme d'être glorifié. Oui, vraiment je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jn 12, 23-24).

Soyons honnête : qui accepterait aujourd'hui que son chemin passe de cette manière par la mort ? Si je mesure mon comportement à celui de Jésus, je ne peux qu'être frappé de l'immense fossé qui me sépare de lui ! Je prends conscience par-là, de la trempe exceptionnelle de cet homme, de son envergure spirituelle inégalée, de sa clairvoyance inouïe sur les vrais chemins de la vie et de sa connivence profonde avec Dieu. Sa Parole, son action, son désir profond sont tellement accordés à Dieu qu'il en est pleinement la manifestation.

Il est Dieu manifesté, qui vit comme nous, sans aucunement s'échapper de notre condition, qui ne fait pas semblant d'être un homme, qui ne fait pas semblant d'être Dieu. Sa manière d'assumer son humanité dans la finitude et la particularité, la misère et la douleur, l'angoisse et la souffrance a quelque chose d'absolu.

Il s'avance vers la mort, nullement suicidaire, nullement victime consentante, mais fidèle aux plus hautes valeurs de la vie. Même s'il a conscience que sa détermination a un sens, il a horreur de ce qu'il va subir et il éprouve l'angoisse de tout être humain devant la souffrance et la mort. Dans son désarroi, il s'adresse à son Père : « Maintenant, je suis bouleversé.

Que puis-je dire ? Père, délivre-moi de cette heure ! » (Jn 12, 27). Il aimerait échapper à la mort, il n'est nullement complice avec le mal qui va subir. Mais, parce que tout le mouvement de sa vie est de rejoindre ceux que détruit la mort, il s'avance vers l'abîme et descend aux enfers pour en faire sortir ceux qui s'y trouvent enfermés, les mener vers la vie et l'amour retrouvé.

Tout est paradoxal ici. « Christos paradoxos paradoxôn » paradoxe des paradoxes, disait un père de l'Eglise. Il va souffrir parce qu'il aime trop la vie. Il est mis à mort parce qu'il est trop vivant. Il exprime son angoisse parce qu'il est pleinement croyant. « Mais non ! C'est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » (Jn 12, 28). Jésus est entièrement référé à ce Père. De lui, il dépend totalement. Sa vie tout entière veut le manifester. Son souffle vient de Lui et le Père lui répond.

Il le fait publiquement pour la troisième fois dans l'Evangile (après le baptême et la transfiguration), pour lui promettre qu'il ne l'abandonnera pas : « Du ciel une voix vient qui disait : ‘‘Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore’’ » (Jn 12, 28). Quelle gloire ? Celle de l'amour vainqueur. Celle de la vie qui va se déployer, en lui et en ceux qui lui sont attachés. La gloire de communiquer à tous l'amour du Père qui renouvelle toute chose dans une nouvelle alliance et une nouvelle création, la Résurrection. Le grain tombé en terre d'Israël a produit partout du fruit.

Pour terminer, permettez-moi de vous raconter l’histoire d’une grande dame. Elle avait eu une belle vie, un mariage heureux, une famille nombreuse et elle s'est éteinte dans la paix à l'aube de ses quatre-vingt-six printemps. Jusqu'au dernier instant elle est restée paisible et consciente, heureuse de s'en aller après une vie accomplie. Elle n'avait aucun regret et se réjouissait de retrouver non seulement son époux mais également son Dieu en qui elle avait toute confiance. Il est vrai qu'elle avait une foi de charbonnier.

« J'ai donné tout ce que j'avais à donner, mes chers enfants, maintenant c'est à vous de poursuivre. Aimez-vous comme votre papa et moi nous nous sommes aimés tout au long de notre vie ». Tels furent ces derniers mots inscrits sur un petit morceau de papier. Peu avant son dernier souffle, elle avait émis un dernier souhait : « le soir de mon enterrement, faites-la fête. Ne soyez pas tristes car là où je vais, je serai heureuse pour l'éternité ». Nombreux furent ses descendants qui respectèrent sa volonté et firent la fête comme cela avait été demandé. Quel ne fut alors pas leur étonnement suite à certaines remarques de leur entourage. « Comment osez-vous faire la fête un tel jour ? N'avez-vous pas plus de respect pour votre maman ou grand-mère ? C'est choquant que vous ne portiez pas le deuil, ne fut-ce que quelques jours ».

L'entourage n'avait, me semble-t-il, rien compris au sens véritable de la résurrection. En effet, si nous sommes convaincus que la vie ne s'arrête par l'événement de la mort mais que cette dernière est l'entrée vers la vie éternelle, n'est-il pas nécessaire de nous réjouir, de faire la fête. Aimer, n'est-ce pas vouloir le bien de l'autre ? S'il en est ainsi, malgré la perte de la séparation, surtout au terme d'une vie que nous estimons accomplie, au nom de notre foi, ne devrions-nous pas être heureux pour celle ou celui qui vient de nous quitter pour vivre éternellement auprès de Dieu ? Où sont notre foi et notre espérance ? Il est sans doute bon d'oser se poser ce type de question.

Nous avons une destinée à réaliser. Chacun a la sienne et nous l'écrivons, comme croyantes et croyants, avec l'encre de Dieu. Une encre indélébile. Une encre lumineuse de vie, étincelante de confiance. Une encre d'éternité. Tel est notre sort à toutes et à tous. Dans la vie, nous n'avons que deux certitudes : la première, aujourd'hui, nous vivons ; la seconde, un jour, nous mourrons. Désolé de vous l'apprendre mais ainsi va notre chemin. Deux certitudes : la vie et la mort, et une espérance : le don de la vie éternelle en Jésus-Christ.

Face à cette réalité, nous sommes conviés à nous préparer dès à présent. Ne perdons plus de temps. C'est aujourd'hui que nous préparons notre vie éternelle, chaque jour, chaque instant. De quelle manière : peut-être en apprenant à mourir à certains projets que nous avons soit mis en place ou auxquels nous avons participé. Accepter de mourir à certaines de nos activités qui ont eu leur heure de gloire pour que d'autres prennent le relais et poursuivent ce qui a été commencé. Lorsqu'un futur existe, il est évidemment plus facile de mourir à soi pour laisser tout l'espace à l'autre. Il arrive également dans nos vies que certaines de nos activités se termineront avec nous.

Elles auront eu leur temps et leur raison mais les saisons varient et parfois, leur raison d'être disparaît. Il y a également certaines activités où nous devons apprendre à mourir à nous-mêmes et laisser la place au vide pour qu'autre chose puisse à nouveau naître ou renaître. C'est sans doute plus difficile à vivre car cela nous demande un lâcher prise et une confiance en l'avenir, c'est-à-dire accepter qu'il n'y ait pas de relève et que nous risquons de passer par un temps de désert plus ou moins long.

Vivre avec cette espérance forte qu'un jour quelque chose de nouveau émergera et ce, sans que l'on puisse s'y préparer. Mourir à soi pour que ce que nous avons un jour ensemencé puisse commencer à donner non pas des fruits mais beaucoup de fruits. Accepter de se détacher de sa vie en ce monde, pour entrer dans la vie éternelle. C'est ce que le Christ nous dévoile aujourd'hui dans son évangile. Vie et mort ou vie et vie éternelle. Cette dernière s'acquiert en acceptant parfois d'oser mourir à soi pour que notre grain donne beaucoup de fruits.

Amen

Rév. Dr Joël Hervé Boudja: Tel +336 61 69 47 27

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