La capsule de bière détrônera-t-elle le franc CFA au Cameroun?
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La capsule de bière détrônera-t-elle le franc CFA au Cameroun? :: CAMEROON

Tout est possible dans ce pays depuis bientôt quelques années. On dirait un pays transformé en un casino indicible où l’on joue , où l’on fait ses courses dans les marchés locaux , où l’on remporte des lots en buvant, où tout es possible en buvant….

Au Cameroun, les brasseurs se livrent une concurrence acharnée à coups de bouteilles gagnantes avec comme rabiot l’espoir de faire  gagner les candidats  rien qu’en achetant de la bière. Les prix, que l’on découvre sous les capsules, vont du téléphone portable, des villas haut standing, des voitures de luxe, en passant par des bouteilles de bière gratis.

Dans un petit bar du quartier Fiango à Kumba, région du Sud-Ouest, des clients découvrent avec joie qu’un concours est depuis peu lancé sur la consommation de leur bière préférée. Il suffit, pour gagner un des nombreux lots, de découvrir le dessin caché sous la capsule. Il n’en faut pas plus pour attiser la soif de la bande de joyeux lurons. 

A peine quelques minutes plus tard, une équipe motorisée de jeunes filles fait irruption dans un grand carrefour public. Ce sont des agents commerciaux d’une des principales sociétés brassicoles du pays. Le sourire très large, elles proposent un nouveau produit en promotion depuis quelques mois. Sur les murs avoisinantes tapissés d’affiches, on peut lire des messages incitatifs ou admirer l'image d'un  récent gagnant....Dans  toutes les grandes villes du Cameroun et même au fin fond des villages les plus reculés, tout le monde est invité à cette pratique. Boire une bière et gagner…

Les brasseurs prennent le soin d’inscrire sur des capsules de bière non gagnantes des messages vous invitants à  reprendre avec l’exercice : «  Essayez encore ». Et quand vous gagnez la capsule vous arrache le sourire. 

Chaque année, des millions de  bouteilles de bière sont ainsi gagné par les consommateurs nous affirment  E. Ebongué, journaliste à Bafoussam.. “Presque tous les consommateurs de bière au Cameroun ont une chance de gagner », ajoute-t-il.

On peut sortir prendre une bière et rentrer avec quatre ou six bouteilles gratuites.” Du coup, les capsules gagnantes servent désormais de monnaie d’échange. Beaucoup règlent ainsi leur repas ou leurs courses en taxi. “Nous prenons quelques fois des capsules gagnantes”, commente Fando, conducteur de moto taxi à Douala. “La bière est  plus coûteuse qu’une course à 400 ou 500 francs CFA.” Ce dernier affirme par la suite d’avoir parfois échappé aux tracasseries de la police en lâchant une voire deux  capsules de bière  gagnante.

Chaque jour, on ne cesse de lire en grand titre dans la presse locale des messages du genre : «  A Bamenda, un tôlier gagne une Toyota land cruiser grâce au bouchon de sa bière, A Ebolowa, « X » gagne une villa haut standing grâce à sa capsule, à Douala  « Y » une jeune étudiante, grâce à 700 francs CFA devient propriétaires d’un véhicule de 70 millions de francs CFA etc….

Au Cameroun on fait plus qu’inviter les gens à boire et du coup, tout le monde ne pense qu’à ça nous confie Jules Fando, enseignant à Yaoundé. Tout doucement ajoute-t-il, le Cameroun se transforme en terre d’alcooliques où il suffit de boire pour être récompensé.

Selon les rapports statistiques du Cabinet Truemann publié le 15 aôut dernier, le taux de consommation d’alcool au Cameroun est l’un des plus élevés d’Afrique centrale, mais le phénomène ne semble guère émouvoir les autorités. Si la guerre des prix a animé l’ambiance des buvettes, elle ne décourage guère les habitués. Une étudiante a récemment traîné dans un commissariat de police de Buéa Town, chef lieu de la région du Sud-Ouest, un jeune homme à qui il avait offert une bière donnant droit à un téléphone portable. Verdict : la bouteille offerte devait “entièrement” bénéficier à Monsieur. Des cas similaires sont nombreux.

Les brasseurs à chaque remise de gros lot laissent croire qu’ils contribuent ainsi à la lutte contre la pauvreté. Dommage, on ne combat jamais la pauvreté en buvant de la bière et le combat contre la pauvreté ne se déclenchera jamais dans une bouteille.

Au Cameroun désormais, pour reprendre Rüdiger Maack , le slogan d’après lequel "La bière pour toi - le couvercle pour moi" est devenu le mot de passe des consommateurs d’alcool. Et ainsi se passent de plus en plus des scènes peu conviviales dans les buvettes : des serveuses qui décapsulent trop tôt sont parfois reprochées de vouloir dissimuler une capsule gagnante. les jeunes et même des personnes âgées invitent des amis et proches pour une bière avec sous les lèvres la fameuse phrase suivante :  "la bière est pour toi, et la capsule reste pour moi".

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