Élections régionales : le statut « quo » spécial du NoSo
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La campagne électorale pour les élections régionales a été lancée au Cameroun le 21 novembre 2020, et pour une fois, le ministre de l’Administration territoriale convoquait 3 jours après, les partis politiques engagés dans la course à passer dans ses services rentrer en possession de la première tranche du financement public de cette campagne. La célérité avec laquelle cet argent est mis à la disposition des parties est à saluer, car par le passé et pour des élections plus couteuses, les candidats et partis politiques ont souvent eu ce financement à deux jours de la fin de la campagne.

La prompte disponibilité cette fois est la preuve que l’administration territoriale aura été sensible aux critiques et se serait mieux préparée cette fois. Cela peut aussi vouloir témoigner de l’importance accordée par le gouvernement à ces élections, qui se déroulent pour la toute première fois de l’histoire du Cameroun, et viennent en fait boucler, si l’on peut le dire ainsi, le processus de mise en place de la décentralisation au niveau des institutions.

Atmosphère peu propice

Des élections qui se tiennent aussi dans un contexte d’insécurité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où la sérénité n’est toujours pas revenue malgré les assurances du gouvernement. Ces deux régions, en raison de cette insécurité, bénéficient pourtant depuis le 24 décembre 2019, d’un statut spécial, à la faveur de la loi 2019 /024 du 24 décembre 2019 portant Code général des collectivités décentralisées. L’article 3 de cette loi dispose

  1. « les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest bénéficient d’un statut spécial fondé sur leur spécificité linguistique et leur héritage historique.
  2. le statut visé à l’alinéa 1 ci-dessus se traduit, au plan de la décentralisation, par des spécificités dans l’organisation et le fonctionnement de ces deux régions.
  3. Le statut spécial se traduit également par le respect des particularités du système éducatif anglophone, et la prise en compte de spécificités du système judiciaire anglo-saxon basé sur la Common Law.
  4. des textes particuliers précisent le contenu des spécificités et particularités visés à l’alinéa 3. »

Il faut dire que cette loi a été prise dans le but d’apporter une solution à la crise qui sévit dans ces régions depuis 4 ans, et limiter les bains de sang et les atrocités qui y sévissent. Un an après, les textes particuliers prévus par la loi sont toujours attendus, et l’organisation des élections régionales dans ces régions fait s’éloigner davantage les chances de les voir un jour. De quoi se poser la question de savoir si l’introduction de cet article 3 dans la loi portant Code général de la décentralisation, ne visait pas simplement à contenter les participants au grand dialogue national, d’où est en réalité partie l’idée de statut spécial.

Mainmise du pouvoir central

La mise en place des régions, a en effet été de tout temps présentés comme la possibilité donnée aux populations locales de se prendre en charge, ce qui est l’’une des revendications qui revient dans les griefs des séparatistes. Sauf que dans les faits, il s’agit simplement de dupliquer au niveau de la région ce qui se fait déjà au niveau de la commune, où la chèvre est donnée aux populations à travers l’Exécutif communal issu des conseillers élus par la population, mais la corde est ferment tenue par le pouvoir central. Outre le fait que le gouverneur de la région exerce la tutelle sur la région et peut bloquer les actes du président du Conseil régional s’il estime que l’intérêt de l’État est en péril, le pilier central de l’administration de toute la région reste contrôlé par le pouvoir central à travers un secrétaire général nommé par le président de la république. Le Code général de la décentralisation prévoit en effet à l’article 323

  1. le président de la république nomme aux fonctions de secrétaire général de la région, sur proposition du ministre chargé des collectivités territoriales. Il met fin aux dites fonctions.
  2. le secrétaire général, haut cadre disposant d’une bonne expérience en matière de management du développement local, anime les services de l’administration régionale, il assure, sous l’autorité du président du conseil régional dont il est le principal collaborateur, l’instruction des affaires et l’exécution des décisions prises par celui-ci. Il reçoit à cet effet les délégations de signature nécessaires.
  3. il assiste aux réunions du bureau et du conseil régional dont il assure le secrétariat. » Sur le plan financier également, si les présidents des conseils régionaux sont les ordonnateurs du budget suivant l’article 434, ils sont étroitement surveillés par les contrôleurs financiers nommés par le ministre des finances. Ces contrôleurs qui peuvent rejeter les dossiers soumis à leur visa par les ordonnateurs, et justifier ce rejet dans les 72 heures.

Saupoudrage

Dans l’absolue, l’apport des instances régionales qui seront mises sur pied par les élections régionales dans la résolution de la crise anglophone reste questionnable, puisqu’elles ne vont pas conférer plus d’autonomie que ces régions en avaient. Si donc ces élections ne pourront pas apporter une réponse sérieuse au problème qui tient le pays en haleine, qui a mis l’économie à genoux, provoqué le déplacement des centaines de milliers de camerounais tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, qui a emporté la vie de centaines de vaillants soldats et qui offre des scènes effroyables d’assassinat au quotidien, pourquoi donc  les organiser à tout prix dans ce contexte, alors qu’elles attendent bien depuis 24 ans que la notion est inscrite dans la Constitution ?.

Surtout que sous prétexte de causer du tort à ces élections, les séparatistes n’ont cessé de menacer les vies des candidats ? À l’issue de ces élections, les résultats seront proclamés et susciteront sans doute la joie des vainqueurs. On entendra dire le parti X a gagné ici, là-bas c’est le parti Y qui a gagné. Mais la question essentielle reste posée : quand est-ce que le Cameroun gagnera les élections ?

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