PREDICATION DU DIMANCHE 15 NOVEMBRE 2020 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA
FRANCE :: RéLIGION

FRANCE :: PREDICATION DU DIMANCHE 15 NOVEMBRE 2020 PAR LE REV. DR JOËL HERVE BOUDJA

Textes : Proverbes 31,10-31 ; 1 Thessaloniciens 5, 1-6 ; Matthieu 25,14-30

Il est difficile de lire cet évangile sans être scandalisé. Il y a une telle opposition entre les serviteurs de cette parabole. Bien plus, c'est le plus faible, celui qui n'a qu'un talent qui est le plus mal traité, tandis que les deux autres, déjà riches et sûrs d'eux, sont largement récompensés. Non, il y a quelque chose de trouble dans cette parabole.

Et pourtant à y regarder de plus près, on se rend compte que les choses ne sont pas aussi simples. Le serviteur au seul talent ne dit-il pas qu'il savait que son maître est un homme dur. Il est même un exploiteur. Le serviteur lui reproche de moissonner là où il n'a pas semé, de ramasser là où il n' pas répandu de grain. Et le maître ne nie pas. Il reconnaît que cela est bien vrai. « Tu savais que je moissonne là où je n'ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l'ai pas répandu ».

Le serviteur au seul talent fait penser à ces enfants qui ne jouent pas avec les autres dans la cour de récréation, mais qui regardent toujours de travers autour d'eux. Jamais ils ne regardent droit dans les yeux. Jamais ils ne disent toute la vérité. Ils se cachent, ils fuient, ils ont peur. « Je savais que tu es un homme dur ».

Ce qui est impressionnant dans cet Evangile : c’est que les serviteurs reçoivent leurs talents quand leur maître s’en va. C’est quand le maître est parti qu’ils peuvent déployer tous leurs talents et les faire fructifier. C’est comme le Nil en Egypte. Le grand fleuve inonde la vallée pendant ses crues. Il y dépose le limon fertile et il se retire pour que les plantes puissent pousser, croître et donner leur fruit.
De la même façon, les parents couvrent leurs enfants de leur affection, mais vient un moment où il faut se retirer pour que le petit puisse grandir et se développer.

De la même façon, Dieu nous comble de sa grâce et de ses biens, et Il se retire pour nous laisser vivre, croître et porter du fruit. De loin, Il veille sur nous. De près, Il nous laisse la liberté. En quittant son domaine, le maître n’a donné nulle consigne pour faire fructifier les talents. Les serviteurs auraient pu partir en Côte d’Azur, au Grand-Duché, aux Caraïbes. Dieu nous prend pour des adultes. Il nous donne l’énorme responsabilité de notre vie et de celle des autres.

L’Evangile d’aujourd’hui nous dit combien Dieu nous aime comme des adultes. Il nous comble de talents qu’il nous laisse fructifier à notre façon. Nous aussi, recevons-nous les uns les autres non pas comme des petits qu’il faut écraser de prévenances et de surveillances, mais comme des adultes infiniment différents les uns des autres, mais tous remplis de la même grâce, celle d’aimer et de déployer les ailes de nos talents.

« Je savais que tu es un homme dur ». Comment voulez-vous que cet homme puisse vivre et entreprendre ? Comment voulez-vous qu'il puisse prendre des risques et recommencer à vivre ?

Nous sommes parfois comme ce serviteur écrasé. Il y a des parties de notre vie, des parties de notre cœur, qui sont comme mortes. Il y a d'un côté l'expérience qui nous a appris à découvrir nos limites. Non, je ne serai jamais chanteur dans un opéra ou champion de boxe. Il y a d'autres parties de notre vie et notre cœur qui sont bien mortes, nécrosées, durcies et parfois encore bien douloureuses. Ce sont les trahisons et les mensonges, la cruauté parfois de nos proches qui nous ont parfois ensevelis et écrasés sous des tonnes de rocher. Et maintenant encore nous n'osons plus entreprendre ou faire quoi que ce soit dans ce domaine où nous avons été si bien détruits.
Car il y a plusieurs manières de détruire quelqu'un. Il y a bien entendu la violence physique, mais il y a aussi - et c'est bien plus subtil - la violence psychologique. On peut écraser quelqu'un en lui répétant sans cesse qu'il est incompétent, en l'obligeant de faire des choses qu'il est incapable de réaliser et de lui expliquer ensuite qu'il est un incapable. Cela peut se voir dans certains milieux professionnels, mais aussi à l'intérieur d'un couple ou entre frères et sœurs. Avec quel plaisir sadique, certaines personnes, usant et abusant de leur position de force, peuvent ainsi faire sentir leur supériorité, toute relative d'ailleurs.
Et c'est alors que l'on comprend mieux le défi qui nous est lancé par cette parabole. Nous laisserons-nous être écrasés et détruits par notre entourage ou aurons-nous le courage de saisir la main que Dieu nous tend pour nous relever et reprendre la merveilleuse histoire d'amour avec lui ?

Car, parfois, le plus difficile n'est pas d'aimer, mais d'être aimé, de prendre le risque d'être à nouveau dépendant de l'attention, de la gentillesse, de l'amour de l'autre. Et c'est ainsi que nous comprenons le risque admirable que Dieu a pris et prend chaque jour avec chacune et chacun d'entre nous. Il a pourtant été trahi depuis le début de l'humanité et nous-mêmes, parfois, nous nous montrons bien indignes de son amour.

Tout autre est l'attitude des deux premiers serviteurs. C'est debout, droit dans les yeux, qu'ils se présentent devant leur maître. Et les deux autres serviteurs ont bien l'air d'être les dindons de la farce puisque ce sont eux qui enrichissent un tel maître. Le serviteur au seul talent ne serait-il pas plus lucide que les autres ? Les deux autres serviteurs ne seraient-ils pas un peu innocents ?
C'est une bonne question : qu'est-ce que l'innocence ? Devons-nous, nous, chrétiens, être innocents comme des enfants et accepter tous les mauvais traitements ?
Certainement pas. Il n'y a rien de plus criminel dans une famille quand les parents ne réagissent pas comme des adultes, mais se comportent comme des enfants, en gaspillant l'argent en des achats inutiles ou imprudents, en laissant faire leurs enfants sans avoir une perspective pédagogique. Ce n'est pas de l'innocence. C'est de l'inconscience.
L'innocence n'est pas une qualité à cultiver, c'est un handicap à corriger. Il faut apprendre aux enfants à se méfier des inconnus qui veulent les emmener en voiture, leur offrir des bonbons, les faire rentrer chez eux. La beauté du sourire d'un enfant peut être souillée par la perversion de certains adultes. Nous-mêmes, nous avons perdu depuis longtemps cette innocence.
Les épreuves de la vie, les mensonges, les trahisons, la cruauté même de certains comportements nous ont blessé de telle façon que c'est avec prudence, ou même avec méfiance, que l'on continue à vivre en société. Plus encore, dans une communauté paroissiale, comme dans un couple, l'enthousiasme du début a cédé la place à la désillusion, et parfois même à la rancœur. Et c'est là sans doute tout le défi qui nous est lancé comme être humain et comme chrétien. Non pas de retrouver l'innocence des enfants, mais la générosité de l'âge adulte.

Quand Jésus se lance dans sa vie active et annonce partout la bonne nouvelle, il sait qui va le trahir, il sait que Pierre va l'abandonner, il sait que tous les apôtres vont s'enfuir. Et pourtant il donne son amour sans compter, car il est lui-même porté par l'amour de son Père. Et c'est là sans doute la clef de la réussite des deux premiers serviteurs : c'est la confiance immense qu'ils ont en leur maître et cette confiance, ils l'ont parce que leur maître lui-même leur fait confiance.

La confiance, ce n'est pas quelque chose qu'on se donne, c'est quelque chose qu'on reçoit. Et c'est riche de cette confiance reçue, qu'on peut avoir confiance en soi-même et avoir confiance dans les autres. Cet évangile est l'évangile de la confiance. Le serviteur au seul talent n'a aucune confiance en son maître.

Frères et sœurs dans le Seigneur,
Dans ma vie, je n'ai jamais eu aussi peur qu'il y a quelques années. J’avais connu des problèmes graves de santé et mes bilans étaient catastrophiques. Un jour, le médecin qui s’occupait de moi est venu me voir dans ma chambre d’hospitalisation pour me dire qu’il était désolé et qu’il n’avait pas de bonnes nouvelles pour moi. Il m’a annoncé la mauvaise nouvelle qui m’avait assommé et déstabilisé. La question qui me taraudait l’esprit était de savoir combien de temps il me restait. Le moral était à zéro et je comptais les heures. J’avais décidé de ne rien dire à personne. J’ai porté cette épreuve tout seul.

Dans mon for intérieur, je trouvais que la vie était injuste avec moi, que Dieu m’avait délaissé et abandonné. J’ai décidé de ne pas baisser les bras, de continuer à avoir la foi et garder l’espérance, car les médecins soignent, mais c’est Dieu qui guérit. Deux années sont passées et je suis toujours là ! Mon témoignage est une victoire de la vie sur la mort !On m’avait donné quelques mois et Dieu m’a accordé un bonus de quelques années. Vous vous demanderez ce que c’est histoire a à voir avec le texte du jour.

L’histoire des Talents est d'abord et avant tout l'histoire d'une peur. Et des peurs, nous en avons toutes et tous. La première chose à faire, est d'abord de se l'avouer, de ne pas crâner sinon notre agressivité sera signe de cette peur intérieure. Ayant pris conscience de celle-ci, il y a lieu d'agir nous dit le Christ. A force d'avoir peur, nous risquons de ne plus rien faire à l'image de l'homme qui n'avait qu'un seul talent. Cet homme a manqué d'audace et de confiance. Il n'a pas pris ses responsabilités.

Nous ne sommes pas sur terre pour subir la vie, mais pour la vivre à fond et pour ce faire, il y a parfois des risques à prendre. Refuser d'agir au nom de la peur, c'est donner un terrible pouvoir à l'autre et c'est ne pas utiliser sa liberté. Si je ne fais rien à 15 ans parce que j'ai peur d'être renvoyé alors que j'assiste à une injustice. Si je ne fais rien à 40 ans, parce que j'ai peur de perdre mon emploi. Ou encore, quand j'ai vu quelque chose qui m'a choqué et j'ai failli réagir, mais je n'ai rien fait. Des si, si, et si et des j'ai failli jalonnent nos vies. Mais alors quand serais-je libre ? A 65 ans ?

Non parce qu'à ce moment là je commencerai à avoir peut-être peur de la mort ? Malgré nos fragilités, nos peurs sont à dépasser. Elles ne doivent pas guider nos vies. Un être qui a peur, enterre sa vie parce qu'il a trop peur de la perdre. Or, une seule vie nous a été donnée, ne passons pas à côté de celle-ci. Elle vaut tellement la peine d'être vécue en plénitude.
Pour ce faire, il nous suffit de repartir des talents, des dons que chacune et chacun nous avons reçus. Peu importe leur nombre, exploitons ce que nous avons, même si cela nous semble tout petit.

De toute façon, nous avons toujours l'impression que ce que les autres ont, c'est mieux que ce que nous possédons et nous en arrivons à oublier ce qui est nôtre, comme si c'était rangé au fond d'une caisse de notre être. Et pourtant pour exister, pour vivre pleinement, le Seigneur attend de nous de faire fructifier les talents qu'Il nous a donnés. Rien de plus, rien de moins.
C'est à partir de nos dons que nous pouvons construire la vie que nous souhaitons vivre. Gandhi ne disait-il déjà pas : « sois toi-même le changement que tu veux pour le monde ». Soyons d'abord nous-mêmes. Reconnaissons ce que nous avons puis aimons-nous. Oui, aimons-nous.

C'est dans le « je m'aime » que je peux trouver les forces nécessaires pour être moi en vérité, utiliser ma propre créativité pour exister. C'est vrai qu'il y a des lieux qui nous empêchent de développer nos richesses personnelles. A nous de les transformer pour qu'ils deviennent eux aussi des lieux invitant à la simplicité, à la spontanéité et donc au refus de posséder ce qui ne nous a pas été donné.
Il faut alors arrêter en nous cette machine infernale de passer son temps à tenter d'acquérir les dons des autres. Certains prétendent qu'améliorer ce que nous avons, c'est trop facile. Je crois sincèrement qu'ils se trompent en disant cela. Nous ne sommes pas sur terre pour souffrir mais pour grandir et vivre.

Essayons d'abord de prendre ce temps qui nous est donné pour faire fructifier ce qui est à nous, ou plutôt ce qui est nous. Alors et alors seulement nous pourrons devenir qui nous sommes et au retour, de son voyage, sans peur, nous pourrons répondre à la question de Dieu : qu'as-tu fait des dons que je t'ai donnés ?
Amen.

Re. Dr Joël Hervé BOUDJA

Contact: +336 61 69 47 27

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