Héritage : les biens de la division
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Le 26 juin 2020, à l’occasion des 17 ans de la mort de Marc Vivien Foé, joueur international camerounais tombé sur le champ de bataille le 26 juin 2003 au stade Gerlan de Lyon en France, sa veuve Marie Louise était très active. Pas pour la célébration d’une messe d’action de grâce demandant le repos de son mari, mais pour un coup de force de revendication des droits de ses enfants. A son initiative, des scellés ont été apposés sur les différentes entrées d’un immeuble au quartier Elig Essono à Yaoundé. L’immeuble à usage commercial était géré par son beau-père Martin Amougou Foé. Aux médias présents lors de cette opération, la veuve a expliqué :

« Il y a quelque chose que je ne comprends pas, je ferme cet immeuble et je reste là, j’attends que justement les hommes de lois viennent me dire si cet immeuble appartient à mes enfants ou pas, parce que j’ai des documents qu’on fout à la poubelle complètement, tout le monde me dit que mes enfants n’ont pas droit, jusqu’à il y a deux semaines j’ai reçu par huissier un courrier venant de mes beaux-parents par le biais de leur avocat, me disant que mes enfants vont hériter après la mort de leur grand-père. Excusez-moi ! Je ne souhaite pas la mort de mon beau-père, je ne sais pas quand il va partir, mais j’ai besoin d’envoyer mes enfants à l’école. »

D’après d’autres explications, la femme s’occuperait seule des enfants depuis la mort de son mari, dans l’indifférence totale de ses beaux-parents.

De son côté le beau-père reste ferme. Dans une interview accordée à Radio Sport info, il répond à la question sur la propriété de cet immeuble : « Martin Amougou Foé, le papa de Marc Vivien que je suis est le propriétaire de cet immeuble. J’ai eu deux fils dans ma vie, Foé Marc Vivien qui est décédé et Foé Ateba Emmanuel qui m’héberge en ce moment en France. J’ai 8 petits fils et 2 arrières petits fils et j’ai donné à mes petits fils l’immeuble de 3 niveaux que Marc m’a laissé au quartier Nkomo à Yaoundé ainsi que 2 villas situées à l’ancien aéroport toujours à Yaoundé. Je rappelle que l’immeuble d’Elig Essono m’a été donné avant le mariage entre Marc Vivien et Marie Louise. Et pour l’achever j’ai dû prendre un crédit à la banque.

Tout est en mon nom. » On en est encore à parler de la succession de ce footballeur, 17 ans après sa mort, comme on en parle de biens d’autres 30, 40, 50 ans après, toujours en terme de batailles. Passe encore que ces batailles soient souvent entre les enfants du défunt, ou entre ceux-ci et leurs mères supposées ou pas, mais le cas d’espèce est plus pathétique du fait que la bataille pour le contrôle des biens oppose la belle-famille à la veuve. De quoi se poser une question simple, que font souvent les parents d’un homme dans la gestion de ses biens à sa mort, alors que parfois de son vivant ils étaient tous écartés ?

Flou à l’acquisition

D’après le code civil camerounais, les articles 718 et suivants traitent abondamment et dans les détails, les questions de succession. On peut retenir en substance que la succession revient aux enfants en premier degré des descendants, gérée par l’épouse s’ils sont encore mineurs jusqu’à ce qu’ils atteignent la majorité de 21 ans. Les parents du défunt peuvent aussi bénéficier des biens laissés par leur enfant décédé si ce dernier n’a pas laissé d’enfants. Mais toutes ces dispositions de la loi n’interviennent qu’en l’absence d’un testament, ou quand le testament est contesté. Dans tous les cas de figure, les enfants sont prioritaires, c’est dire qu’ils doivent être les premiers à jouir des fruits de l’héritage.

Dans le cas d’espèce, il apparait clairement d’après les plaintes de la veuve que les enfants souffrent, alors que d’autres jouissent des biens de leur père. Et beaucoup de femmes dans la société camerounaise se retrouvent dans cette situation. Sauf que parfois, et c’est ce qui transparait dans le cas Foe, le problème est créé par le défunt, qui donne l’impression d’avoir un bien alors qu’il ne lui appartient pas. Il importe dès lors de procéder d’abord à la reconstitution du patrimoine du défunt, avant de chercher à qui reviendra quoi. Le père Martin Amougou Foe déclare que l’immeuble querellé est en son nom. Il déclare même avoir déjà donné à ses petits-fils un autre immeuble et deux villas que son fils lui avait laissés. Plus, le complexe sportif que le défunt avait entrepris de construire, est sur un terrain qui porte le nom de son père.

En somme, bon nombre de biens immeubles que l’opinion croyait appartenir à Marc Vivien, appartiennent légalement à son père. La question devient désormais celle-ci : a-t-il trompé son épouse et ses enfants, ou a-t-il été manipulé par son père ? Comment se fait-il qu’autant de biens acquis portent le nom de son père, alors qu’il était légalement marié et déjà père d’enfants ? Et maintenant, s’il n’est pas contesté que tous ces biens portent le nom du père Martin Amougou, cela veut dire que sur le plan légal ses petits-fils ne pourront en jouir qu’à sa mort. Là c’est la loi.

Question de bon sens

Mais au-delà des subtilités de droit, qui ne servent en définitive qu’à nourrir avocats, huissiers, notaires et autres juges, il importe de s’arrêter parfois et se poser de simples questions de logique : est-ce normal que des enfants d’un homme souffrent alors qu’il a eu des biens dont d’autres profitent ?

Est-ce normal qu’un parent accepte que son fils acquièrt des biens et mettent plutôt en son nom, alors qu’il est en train de fonder une famille ? Pourquoi une femme devrait se retrouver à courir après les biens qu’elle croit appartenir à son mari, pour avoir de quoi subvenir aux besoins de la famille ? Pourquoi devrait-on se retrouver devant les tribunaux pour se disputer au sujet des biens d’un mort, alors que de son vivant ce dernier n’avait jamais mis les pieds dans un tribunal pour quoi que ce soit ?

Toutes ces questions reposent le problème de la refondation sociale au Cameroun, qui doit être bâti sur un socle de confiance. En tout état de cause, le respect dû aux morts, quelles que soient leurs erreurs de vivant, devrait pousser tous ceux qui vivent après eux à avoir un peu de retenue dans la gestion des biens de l’héritage, et se dire en toute situation, qu’un mauvais arrangement, vaut mieux qu’un bon procès

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