Le Cameroun aux urnes pour des élections sans suspense
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Le Cameroun aux urnes pour des élections sans suspense :: CAMEROON

Les Camerounais ont voté dimanche pour élire leurs députés et conseillers municipaux, dans un pays au pouvoir verrouillé depuis près de quatre décennies par le président Paul Biya et en proie à de sanglants conflits, dans l'ouest anglophone et dans l'Extrême-Nord. Un vote qui s’est toutefois déroulé sans incident majeur à l'échelle du pays.

Le parti Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) de l'inamovible Paul Biya, 86 ans, dont 37 au pouvoir, jouit d'une très large majorité au parlement. Bien que ces élections reportées à deux reprises depuis 2017 laissent peu de place à la surprise, l'enjeu résidait dans le taux de participation.

Le double scrutin n'aura effectivement pas déplacé les foules dimanche.

Dans les deux régions anglophones, où un conflit fait rage depuis trois ans entre les indépendantistes et les militaires – et qui a fait plus de 3000 morts et 700 000 déplacés – les séparatistes avaient appelé à des journées "ville morte" pour empêcher la tenue du scrutin en raison de l’insécurité. Ce vent de boycott des urnes s’était également propagé dans les partis d’opposition.

Le président Paul Biya s'était voulu rassurant en décembre dernier en assurant qu'il prendrait "toutes les mesures nécessaires pour garantir le bon déroulement des élections dans ces régions".

« Calme, ordre et discipline »

La peur dominait tout particulièrement à Buea, une ville située au sud-ouest du pays et d’où est originaire Samuel Ajonina Abugiche, un Camerounais vivant à Toronto depuis 2016. Ce dernier explique que, depuis plusieurs jours, à Buea, les commerces sont fermés, les habitants cloîtrés par peur des représailles ou d'être contraints d'aller voter.

"Il n’y a pas d’élections libres au Cameroun, soutient M. Ajonina Abugiche. Au moment où l’on se parle, ils ont déjà les résultats", affirme-t-il, en mentionnant que la situation est inquiétante dans les régions à majorité anglophone et qu’il craint pour sa famille demeurée sur place.

L’ONG Amnistie internationale avait d'ailleurs tiré la sonnette d’alarme jeudi dernier sur la flambée de violence à l'approche des élections. L’armée a mené de violentes opérations ces dernières semaines, tandis que les séparatistes armés se sont livrés à des exactions.

Dans ces deux régions troublées, les bureaux de vote étaient donc quasiment vides et les rues désertes dimanche. Policiers et soldats, déployés en nombre dans la ville, étaient presque les seuls à voter dans certains bureaux.

Les violences redoutées n'ont pas eu lieu. Seuls des échanges de tirs entre soldats et séparatistes ont empêché le vote à Muyuka, un fief séparatiste du Sud-Ouest. Aucun bilan n’a été annoncé.

"Les opérations de vote se sont achevées sur l'ensemble du territoire national dans les 26 336 bureaux de vote dans le calme, l'ordre et la discipline", a déclaré le directeur général de la commission électorale, Erik Essousse, lors d'une conférence de presse.

Dans la capitale camerounaise Yaoundé, qui avait dépêché des centaines de soldats en renforts, comme à Douala, capitale économique, des observateurs ont relevé qu'à peine plus du tiers des électeurs se sont rendus aux urnes, selon le média français RFI. Les électeurs seraient venus au compte-gouttes, rapporte à son tour un journaliste de l'AFP ayant visité sept bureaux de Yaoundé.

Des inquiétudes planaient aussi sur la sécurité du vote dans l'Extrême-Nord, où les attaques du groupe djihadiste Boko Haram, originaire du Nigeria voisin, se sont intensifiées ces trois derniers mois. Mais rien n’a filtré dimanche sur d'éventuels incidents.

Un appel au boycott contesté

Le grand absent de ces législatives aura été le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), porté par le principal opposant, Maurice Kamto, arrivé deuxième lors de la présidentielle de 2018.

À la suite de manifestations pour protester contre les résultats officiels du scrutin, il avait été arrêté et emprisonné au côté de plusieurs de ses partisans en janvier 2019 avant d'être libéré en octobre dernier.

L'avocat et ancien ministre délégué à la justice du Cameroun, qui a appelé les citoyens camerounais à bouder les urnes, était de passage à Montréal vendredi, dans le cadre d'une tournée internationale, pour "mobiliser la diaspora camerounaise".

En conférence à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) sur le thème du droit international et de la décolonisation, Maurice Kamto a affirmé vouloir sensibiliser à "la situation dramatique que connaît [son] pays".

"Aller aux élections en sachant que les mêmes causes produiront les mêmes effets, ça n’a pas de sens", a-t-il déclaré en entrevue pour Radio-Canada. "Tout le monde a demandé que l’on révise le système électoral avant de nouvelles élections camerounaises", a-t-il ajouté en indiquant que ces élections ne permettront pas, selon lui, à l’opposition de jouer un rôle.

L’appel au boycott de M. Kamto est toutefois contesté au sein même de son parti, notamment par le Secrétaire national aux Droits de l’Homme du MRC, Celestin Djamen, qui a évoqué "une stratégie maladroite et vide de sens". Ce dernier croit plutôt qu’il faut "grignoter les espaces politiques" pour ne pas laisser le champ libre au pouvoir en place.

"Le citoyen camerounais doit savoir que la politique est une chose suffisamment importante pour ne pas la laisser aux mains des seuls hommes politiques", a-t-il déclaré dimanche dans une entrevue accordée au journal local Actu Cameroun.

Dans ce pays d'Afrique centrale, 75 % des quelque 24 millions de Camerounais ont moins de 35 ans et n’ont connu qu’un seul président. En l’absence de risque pour la majorité au parlement, les regards se tournent sur les mairies. Certaines grandes villes, dont Douala, pourraient ainsi passer à l’opposition.

Les résultats des municipales devraient être connus dans les 72 heures, et ceux des législatives au plus tard dans 20 jours.

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