Sentiment mitigé dans les journaux camerounais, après le Grand dialogue national
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Sentiment Mitigé Dans Les Journaux Camerounais, Après Le Grand Dialogue National :: Cameroon

C’est un sentiment mitigé qui anime les journaux camerounais parus lundi, au lendemain du Grand dialogue national (GDN) censé ramener la paix dans les régions anglophones du pays, une perspective renforcée par l’arrêt de poursuites judiciaires contre des sécessionnistes et opposants politiques.

Les titres de La Voix du Centre et de Aurore Plus, «Grand dialogue national : un coup d’épée dans l’eau» et «Grand dialogue national : le grand bluff de Paul Biya», respectivement, semblent traduire un certain malaise du public, au moment où une autre opinion croit au retour de la paix et de la cohésion nationale dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest secouées, depuis trois ans, par une violente guerre sécessionniste.

Pour le premier journal cité en effet, au-delà des nombreuses défaillances observées dans les recommandations de la grande palabre, plusieurs facteurs demeurent des pierres d’achoppement au plan de la construction d’un Etat homogène. Le chef de l’État a, soupire son confrère, une fois de plus, réussi à embrouiller la scène sociopolitique nationale en convoquant une assise populaire pour se tirer de la crise sécessionniste anglophone. Un conclave qui aura permis, une fois de plus, de se convaincre avec quelle légèreté le chef de l’État aborde les grandes questions nationales, l’essentiel pour lui étant de se maintenir aux affaires.

«Des résolutions, et quoi après ?» moque Mutations, pour qui les grandes résolutions prises n’auront aucune valeur si elles traînent pendant longtemps dans les tiroirs du président de la République.

Tout était décidé d’avance, explique, dans le colonnes de Défis Actuels qui commente par ailleurs des principales résolutions du GDN, l’avocat et homme politique Akere Muna, justifiant son départ spectaculaire du conclave par le fait qu’il avait compris que le pouvoir voulait juste des spectateurs pour accompagner sa mise en scène.

C’est le moment, pour The Guardian Post, de célébrer le Premier ministre Joseph Dion Ngute, coordinateur du GDN qu’il élève au rang de «mythe», un homme dont la maestria a permis de retourner plusieurs guerriers qui se sont repentis, mais aussi de bâtir une romance avec les milices sécessionnistes. Grâce à son tact, le chef du gouvernement a réussi à fédérer des énergies contraires pour une tenue presque sans heurts des assises, confirme Mutations.

«Les anglophones obtiennent un statut spécial», titre fièrement The Sun, ajoutant que le président Paul Biya a promis de se pencher avec attention sur cette préconisation, promettant par ailleurs au moins 3,5 milliards FCfa pour la reconstruction des régions sinistrées. Quelques minutes seulement après les travaux de la capitale, Yaoundé, le chef de l’État, confirme le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune, a réagi en assurant que les recommandations des délégués feront l’objet d’un examen attentif et diligent.

L’Essentiel, sous le titre «La clémence de Paul», émet l’espoir que le Cameroun, après ce forum, ne sera pas divisé et que les régions anglophones pourraient désormais bénéficier d’un statut spécial tenant compte de leur spécificité culturelle.

Pour Eden, par contre, cette approche consacre l’enterrement populaire du rêve fédéraliste, pour la communauté anglophone qui, à tout le moins, espérait une solution à la canadienne établissant la coexistence de deux entités linguistiques dans un même pays. La question d’un statut spécial pour le Nord-Ouest et le Sud-Ouest divise l’opinion, constate The Median.

«La création préconisée d’un statut spécial, pour certaines régions et pour éviter le retour au fédéralisme, constitue une fuite en avant et enterre, du même coup, la notion de gouvernance uniforme de l'ensemble du territoire national. Elle ouvre également, ailleurs, la voie à d’autres tentations potentielles de surenchères sociopolitiques diverses», confirme Aurore Plus.

Pour le bihebdomadaire, les activistes sécessionnistes n’ont certes jamais exigé de statut administratif particulier pour leur aire culturelle mais, pour le régime de Yaoundé, qui tient à sortir tête haute d’un conflit alambiqué, il est question de créer intrinsèquement des Camerounais différents des autres Camerounais, avec un risque bien réel de tensions permanentes entre citoyens d’un même pays.

Tant qu’on y est, renchérit L’œil du Sahel, la région de l’Extrême-Nord devrait également accéder à un statut spécial, avec à la clé des mesures présidentielles de grâce pour certaines de ses élites aujourd’hui en prison pour des crimes économiques. C’est d’une amnistie générale qu’il s’agit désormais, prolonge L’Anecdote qui, dans le droit fil des mesures d’apaisement, plaide également pour la remise en liberté de plusieurs figures de la scène sociopolitique, condamnés ou encore en détention préventive pour détournement de deniers publics, en même temps que les victimes de la crise anglophone attendent la réparation des actes criminels dont ils ont été victimes depuis trois ans.

Toujours est-il que, prenant le peuple à témoin, Paul Biya vient de pardonner en remettant en liberté des centaines de prisonniers, une réponse de ceux qui ont défié l’État étant désormais attendue. Selon Le Messager, la série d’arrêt de poursuites dont viennent de bénéficier plusieurs combattants sécessionnistes et membres du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC, opposition) procèderait, en réalité, des conséquences de pressions internationales.

Pour The Guardian Post et The Sun, citant les propos du leader du leader de ladite formation, Maurice Kamto, la prison n’a en rien émoussé la lutte pour le changement, le combat ne faisant en réalité que commencer. Paul Biya a libéré ses propres prisonniers, fait observer Le Jour alors que, pour La Voix du Centre, «Paul Biya libère ses otages», les deux publications ne semblant accorder aucun mérite aux actes de magnanimité présidentiels.

Ces libérations en série cachent d’âpres négociations et compromis entre les parties, croit savoir The Median. Pour Repères en tout cas, en remettant en liberté les figures de proue du MRC ainsi que certains prisonniers arrêtés pour des délits commis en zone anglophone, le chef de l’État prouve à l’Histoire qu’en matière de quête de la paix, il est prêt à tout, même là où on l’attend le moins.

«Tout est pardonné», note aussi L’Essentiel : «Comme Titus, Paul Biya aura donc renoncé à être sévère. Il aura décidé de pardonner à tous. De tout pardonner et d’enfiler le manteau d’humble mendiant de la paix. Si demain les enfants ne retournent pas à l’école dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, si les marchés ne s’ouvrent pas à nouveau, si les hôpitaux n’accueillent pas les malades et que la situation ne revient pas à la normale, il apparaîtra que le problème ce n’est pas Paul Biya, mais ceux qui ont décidé de vendre le Cameroun en sacrifiant celui que les Camerounais ont démocratiquement élu il y a quelques mois.»

«En démocratie, philosophe Le Jour, Dieu c’est le peuple et sa majorité. Ce n’est pas un homme, fut-il président de la République, qui s’arcboute sur des positions d’orgueil et regarde son peuple périr dans le sang. Il est grand temps de réhabiliter la fonction discursive de la démocratie pour exorciser les démons de la guerre. Seul un dialogue inclusif et sans tabous peut aujourd’hui dessiner l’horizon de la paix.»

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