CONCESSION : Bolloré et APM s’opposent au PAD sur le Terminal à conteneurs
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L’Etat du Cameroun a engagé le processus de désignation d’un nouvel opérateur de l’espace portuaire à partir du 1er janvier 2020. Candidats à leur propre succession, les principaux actionnaires de DIT, l’exploitant actuel, ont été disqualifiés. Ils saisissent les juridictions pour excès de pouvoir.

Quel sera l’opérateur du Terminal à conteneurs (TAC) du Port de Douala au lendemain du 31 décembre 2019, date d’expiration de la convention conclue le 28 juin 2004 entre l’Etat du Cameroun, via le Port Autonome de Douala (PAD), et un groupement d’entreprises ayant pour principaux actionnaires le groupe Bolloré et APM Terminals (APMT), l’un des principaux opérateurs mondiaux du trafic des conteneurs ? A cinq mois de la fin du mandat de la société Douala International Terminal (DIT), qui exploite le TAC depuis le 1er janvier 2005, pour le compte du groupement Bolloré - APM Terminals et autres, la réponse n’est pas encore connue.

Le PAD avait engagé, depuis 2018, le processus de désignation du prochain opérateur de son terminal à conteneurs. Et ce processus suit son cours normal. Sauf que le groupement en place a engagé des contestations judiciaires. Selon des informations puisées à bonne source, le groupement Bolloré - APM Terminals a introduit, le 12 juillet dernier, auprès du Tribunal administratif de Douala, un recours dirigé contre le Directeur général du PAD. M. Cyrus Ngo’o, auteur d’une décision rendue le 8 janvier 2019, est accusé d’excès de pouvoir au détriment du groupement.

Et pour cause : la décision en question exclut les principaux actionnaires de DIT de la suite du processus de désignation des candidats à l’exploitation du TAC à la fin de leur mandat actuel, en indiquant la liste des cinq candidats restés en lice. Le groupement estime que cette décision viole les principes fondamentaux de la commande publique et des lois en vigueur. En d’autres termes, les actionnaires de DIT estiment que leur candidature a fait l’objet d’une éviction frauduleuse. Ils entendent obtenir que le PAD revienne sur cette décision. Le recours du 12 juillet 2019, qui est sans doute en cours d’instruction devant le Tribunal administratif de Douala, n’est pas la première procédure judiciaire engagée par le groupement depuis le 8 janvier 2019. Déjà, le 10 mai 2019, les mandataires de Bolloré et APM Terminals avaient déposé devant la même juridiction une requête dans le cadre d’une procédure de référé administratif. C’est une procédure d’urgence par laquelle les requérants demandaient à la justice d’ordonner aux dirigeants du PAD de leur communiquer les documents de la Commission ad hoc chargée de la procédure d’appel d’offre concernant le TAC.

Actions judiciaires

L’objectif était d’obtenir davantage de clarté sur les critères de sélection des cinq candidats invités par le PAD à participer à la suite de la compétition, notamment une «consultation internationale restreinte». Et les documents attendus par le groupement sont notamment les procès-verbaux de séance d’ouverture des plis et d’évaluation des candidatures et les rapports d’analyse des candidatures par la Commission ad hoc chargée de la procédure querellée d’appel d’offre. En mage du référé administratif, le groupement a aussi déposé, le 13 juin 2019, toujours devant le Tribunal administratif de Douala, une «requête aux fins de sursis à exécution». Cette procédure, elle aussi d’urgence, vise à suspendre la procédure d’appel d’offres en cours, dans l’attente d’une décision définitive à la suite du recours engagé pour annuler la décision du PAD du 8 janvier 2019 disqualifiant le Groupement.

Il s’agit d’essayer d’empêcher que la procédure d’appel d’offre continue d’avancer «alors qu’un risque important pèse sur la légalité de la décision du 8 janvier 2019», selon les explications reçues par Kalara. Cette multiplication des actions judiciaires par le groupe Bolloré et son allié ne semble pas entamé, outre mesure, la sérénité des autorités du PAD sur la poursuite du processus engagé. Dans un entretien publié le 18 juillet dernier dans les pages de Jeune Afrique, le DG du PAD, M. Cyrus Ngo’o, réfute en effet toute éviction frauduleuse des actionnaires de DIT dans la compétition engagée. Il rappelle les fondements du processus engagé par son entreprise pour déterminer le prochain opérateur du TAC : «C’est, dit-il, le dispositif que prévoit la Convention de concession N°389 du 28 juin 2004 du terminal à conteneurs du Port de Douala, en son article 25, relatif au renouvellement et à la révision de la concession».

Après avoir pris le soin de préciser qu’un «appel public international à manifestation d’intérêt et/ou un avis de consultation internationale restreinte sont des compétitions qui mettent en lice plusieurs candidats, le DG explique-t-il à son interlocuteur que le groupement Bolloré - APM Terminals «a pris part librement à la compétition et n’a tout simplement pas été admis parmi les cinq premiers, après examen et évaluation des candidats classés selon des critères rigoureux, par la Commission Interne ad hoc de passation de la concession du terminal à conteneurs du Port de Douala dans laquelle siègent plusieurs administrations. » L’autorité portuaire ajoute que «le processus, qui est dans sa seconde phase, se poursuit normalement, en toute transparence, dans le strict respect de l’éthique et de l’équité». Cyrus Ngo’o espère que le futur opérateur du TAC pourra s’arrimer «à la dynamique de développement et de modernisation en cours d’implémentation au PAD et contribuer efficacement à la croissance économique du Cameroun».

Critères financiers

Les assurances du DG du PAD, quant au respect de l’éthique et de l’équité dans le processus évoqué, sont aux antipodes de ce qu’en pensent les principaux actionnaires de DIT. «Il ne fait aucun doute que la candidature du Groupement était objectivement et inévitablement, eu égard à la prépondérance des critères techniques et financiers dans l’appel d’offre, supérieure à celles de la plupart des candidats présélectionnés. L’expérience des membres du Groupement et leurs capacités techniques et financières auraient dû conduire le PAD à présélectionner sa candidature », juge, péremptoire, un cadre de DIT. Il en veut pour preuve la computation des informations collectées sur les places boursières au sujet des performances des cinq candidats qui ont été préférés au groupement Bolloré - APM Terminals. Pour l’interlocuteur de Kalara, ces données contredisent de façon catégorique le DG du PAD.

Il apparait par exemple de la synthèse de ces données (voir tableau ci-dessous), notamment concernant le nombre de terminaux exploités par les concurrents à l’appel à manifestation d’intérêt du PAD que les principaux actionnaires de DIT, soit Bolloré et APM Terminals gèrent 73 terminaux à conteneurs à travers le monde entier, dont 21 en Afrique, depuis plus de 10 ans. Et il se trouve que la société Red Sea Gateway, présélectionnée par le PAD, est novice dans le secteur. Elle opère depuis 2 ans seulement un seul terminal à conteneurs. C’est en Arabie Saoudite. Le gap, si ces données sont confirmées, est très grand pour passer inaperçu. De même, sur le critère de la solidité financière, le Groupement Bolloré - APM Terminals dit avoir réalisé plus de 51 milliards de dollars, en 2017, alors que les chiffres de la société Red Sea Gateway et d’un autre concurrent, Terminal Investment Ltd, ne sont tout simplement pas connus sur les places boursières. Ces candidats sont cependant surclassé les actionnaires de DIT, dont les représentants n’en croient pas leurs yeux. Le même constat est fait concernant le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (en anglais, Ebitda).

Opacité dénoncée

Il est clair pour eux que leur candidature a été déclassée par le PAD au profit de concurrents beaucoup plus fragiles. «La décision du PAD a été prise en toute opacité, le PAD se contentant de publier la liste des entreprises autorisées à participer à la seconde phase de la sélection sans indiquer les raisons de son choix, ni préciser les motifs du rejet de la candidature du Groupement BAL - APM», déclare le cadre de DIT. Raison pour laquelle Bolloré et son allié demandent à avoir les offres et les résultats de leur évaluation par la Commission ad hoc du PAD.

A titre de rappel, le terminal à conteneurs du Port de Douala est exploité depuis le 1er janvier 2005 par la société DIT sur la base d’une convention de concession conclue le 28 juin 2004 avec l’Etat du Cameroun via le Port Autonome de Douala (PAD) pour une durée de 15 ans. Cette convention arrive à échéance le 31 décembre 2019. Pour la suite de l’exploitation de cette plateforme logistique, le PAD a lancé, depuis le début de l’année, une procédure d’appel d’offres international restreint en deux phases : une première phase sous la forme d’un appel public international à manifestation d’intérêt publié le 12 janvier 2018, puis une seconde phase sous la forme d’un avis de consultation internationale restreinte publié le 21 mars 2019.

Disqualifié du processus suite à la lettre du PAD du 8 janvier 2019, le groupement Bolloré - APM Terminals avait d’abord adressé une correspondance au DG du PAD, le 25 février 2019, sollicitant des clarifications quant aux critères de sélection des candidats pré-qualifiés et aux raisons ayant conduit aux résultats querellés. Une lettre restée sans réponse. Mais, le 7 avril 2019, le groupement revenait à la charge auprès de l’autorité portuaire à travers un recours gracieux sollicitant le retrait de la décision du 8 janvier 2019. Et devant le silence renouvelé du PAD, un recours contentieux précédé par deux procédures en référé a été introduit devant le Tribunal administratif de Douala. A ce jour, les trois recours sont en cours d’instruction devant cette juridiction.

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