BIYA, KAMTO ET LA BAS : LA DANSE DES ABEILLES ?
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Dans la vie, lorsqu’on est sommé de choisir entre la bêtise et la connerie des hommes, il faut renoncer à la parole et se contenter d’admirer les grands animaux, les insectes ou les mollusques, bref tout ce qui dégage une odeur saine et une spontanéité naturelle. Le spectacle que les bêtes offrent, au quotidien, est moins déroutant que les turpitudes qui dominent nos écrans de télévision et les réseaux sociaux, et qui tiennent lieu de débats d’universitaires. Qui n’est pas fasciné par l’élégance d’un lion mûr aux yeux mi-clos, recroquevillé sur ses quatre pattes, tignasse ébouriffée, tête droite et langue pendante, respiration saccadée ? On s’interroge : savoure-t-il sa royauté ou prépare-t-il une attaque décisive contre une proie ou un mâle égaré sur son territoire ? Qui ne serait également subjugué par l’éblouissant spectacle qu’offrent de milliers d’abeilles agglutinées dans une fraternité aussi féconde que meurtrière ? Or, qui peut sensément déterminer si elles dansent, fabriquent du miel ou se mettent en ordre de bataille pour l’attaque coordonnée d’une cible humaine ? Actuellement au Cameroun, on nous ravit le bonheur de ces amusements édifiants. Nous assistons au spectacle avilissant des commissaires de police fourbes et malades de leur duplicité, des universitaires menteurs compulsifs, des cuistres si méthodiquement engagés dans des déraisonnements dont l’enjeu est d’émarger longtemps, sans scrupule, auprès des officines d’État.

Cependant que quelques comédiens se souviennent qu’ils sont les « philosophes » les plus gradés du pays. Ils ressuscitent comme Osiris, par enchantement – « menace » de la retraite oblige. Ces adeptes de la partisannerie, si oublieux que la dialectique est l’approfondissement d’un itinéraire critique, une lucidité enflammée, ne sont guère amoureux de la sagesse : ce sont des passionnés de la méchanceté. Lorsqu’on se rend par ailleurs à l’évidence que la sécurité nationale et l’avenir de la nation sont ainsi hypothéquées par des serviteurs publics si vils, par des hauts dignitaires affectés de cleptomanie quasi congénitale et des hommes politiques paranoïaques, il faut vraiment se ressourcer auprès des fourmis ou des abeilles. N’étant pas capable des prouesses de Benveniste, le linguiste qui parlait la « langue » des abeilles, je vais me faire « l’interprète de la vérité et de la franchise ».

 Cela ressortit à mes compétences. Je précise d’abord que lorsque je traite de Biya ou de Kamto, ces mots ne représentent pas des noms propres ; ils désignent des cailloux (I) ; je poursuis en démontrant que la BAS et des patriotes sont des marques de la souillure (II) ; j’indique également quelles sont les leçons politiques et éthiques de notre histoire récente (III) ; enfin, je montre que Kamto est un gourdin utilisé par les contempteurs de la politique de la « rigueur et moralisation » (IV).

BIYA ET KAMTO SONT DES CAILLOUX

L’écrasante majorité des Camerounais est à présent dans cette situation. Puisqu’on leur impose de choisir entre la forfaiture et la sottise, ils choisissent d’observer la scène infâme, en attendant…. Les camps qui s’affrontent dans l’espace public et qui animent la vie politique camerounaise, au pays et dans la diaspora, sont constitués autour de ces compromissions légicides et  populicides.  En effet, depuis octobre 2018, le Cameroun est sous une dictature inédite, non pas nécessairement sous la tyrannie du pouvoir en place, comme il est de coutume dans les régimes politiques inclassables comme le nôtre, mais sous la férule de figures tutélaires de contestation de rue : Biya-Kamto, Kamto-Biya. Ces mots ne sont pas des noms ; ce sont des choses ! Tenez. Ici Biya ou Kamto ne sont pas nécessairement considérés comme des personnes physiques, mais comme n’importe quoi, un caillou ou un ustensile pratique pour les besoins de la cause, lorsqu’on s’étripe sur internet ou dans les marches de circonstance. La brigade anti-sardinards (BAS) n’est pas en reste. Dans tous les cas, cet acronyme et ces noms propres sont une aubaine pour tous ceux qui sont malades de leur imaginaires, les voleurs et les prévaricateurs professionnels ; ce sont non seulement une hantise pour les esprits obtus, ligotés par la peur, mais surtout une boîte de Pandore pour les aigris, les désespérés et les haineux incorrigibles.

On sait que l’excès de vacarme est l’indice de la manipulation. Les manipulateurs sont donc recrutés à grand renforts de promotions et d’espèces sonnantes et trébuchantes. Tous ont dans leur bouche sans goût le mot magique de patriotisme ! Les Obama, les Nguini, les Zogo, les Ze, les Assam, les Beyala et autres Nganang (car il ne faut point croire que ce dernier fait pire que les autres que je viens de citer), tous ces colporteurs de l’infamie de notre peuple, tous ces larrons gavés de suffisance inepte et d’une rentable imposture montrent les muscles de leur intelligence avariée comme la preuve irréfutable du triomphe de leurs raisons aussi partisanes qu’espiègles. De part et d’autre, ils s’autoproclament défenseurs de la patrie en danger devant la déferlante des « Bamiléké » (avec leur plan agraire secret mais miraculeusement dévoilée) ou combattant anti-« Beti-Bulu » (avec leur plan de conservation du pouvoir, tout aussi secret et néanmoins mystérieusement dévoilé) !

Actuellement au Cameroun, outre la misère ambiante et la guerre envahissante, règne une nouvelle forme de terreur, la terreur ratiocinante des hommes et femmes tenant la plume ou le micro, l’imagination en feu et le regard rempli de sortilèges : on convoque les théories complotistes les plus hardies pour convaincre de la bestialité générique de Biya et de Kamto ; on vante les vertus des appartenances tribales ; on affine les thèses communautariste et la transparence ethnique ; et, sans oublier de s’emplir de suffisance affectée et de remplir les poches et le coffre-fort de liquidités, on affûte le moule à sophismes pour faire le maximum de dégâts sur l’image, la réputation et la dignité des personnes attaquées. Entre-temps, ce qui tient lieu de philosophe dans ce terreau infertile de la connivence et de la mort vient en renfort au nom de la lutte contre l’ennemi postmoderne et néocolonialiste, qui se cache dans ces corps qui convulsent sous la dictée du démon blanc qui les possède. Telle est le tableau de l’imposture politique dont nous sommes actuellement les spectateurs. Que faire alors ?

LES SOUILLURES DE LA BAS ET DES PATRIOTES

Que ce soit la BAS ou les soi-disant Patriotes, personne parmi eux n’est mandaté pour porter les aspirations et la voix du peuple camerounais à l’international, quoique certaines actions puissent s’avérer stratégiquement compréhensibles. Le dire n’a pas pour conséquence de rejeter en bloc les demandes et revendications formulées par ces compatriotes. L’on ne devrait pas également les vouer aux gémonies sous le prétexte qu’ils saliraient l’image du Cameroun. Si vous ne voulez pas qu’on ternisse votre pays, il faut le développer. Le progrès est une muselière imparable contre les mauvaises langues ! Donc, le problème est ailleurs, dans notre absence de goût et nos réserves intarissables de la haine et de méchanceté.

Car, quoique la BAS puisse être considérée comme le somnicide des partisans des flammes, on peut admettre que l’on puisse manifester dans une ambassade ; on peut même comprendre qu’on l’occupe pour manifester. C’est notre pays. Mais comment comprendre que les manifestants entrent, saccagent et pillent les pièces personnelles de leurs compatriotes ? Tu as quel goût, tu es animé par quels sentiments lorsque tu emportes les documents officiels, diplômes, passeports ou actes de naissance d’autrui et autres préservatifs comme autant de trophées de la révolution ? Si la personne propriétaire de ces préservatifs veut les utiliser, il fait comment, avec le SIDA qui est dehors-là ? Non moins sérieusement, comment peut-on convaincre que de telles expéditions visent le changement ? En quoi es-tu différent de ce policier, ce militaire ou ce gendarme camerounais qui, dans les rues de nos villes et de Genève, ne se convainc de l’indéchirabilité de son uniforme et de la force du pistolet automatique accroché à sa hanche que s’il saute sauvagement sur le citoyen non armé, le rudoie et le torture impunément ?        Et que dire de cette meute de soi-disant Patriotes, sinon que j’ai appris à me méfier des gens qui changent de camps comme le volant de voiture qui change de direction en fonction de la destination qu’impose le chauffeur. Si vous avez des doutes sur vos intentions, renoncez à l’engagement politique ! Le patriote authentique n’attend pas qu’on suscite ou excite son patriotisme en berne ou qu’on l’achète comme on achète un beignet au marché de l’école pour remplir le ventre d’un marmot obèse qui perd du volume.

Être patriote, c’est prendre ses distances avec les anti-patriotes et rappeler à ceux-ci les attentes et aspirations fondamentales du peuple, au lieu d’écumer l’espace public avec les dénonciations fallacieuses et à l’emporte-pièce. C’est pourquoi je pense que si nos leaders avaient un agenda politique et un programme économique orienté exclusivement vers la satisfaction des besoins de notre peuple, la BAS n’existerait pas. Si le RDPC et ceux qui gravitent autour des cercles de décision au plus haut sommet de l’État avaient une bonne lisibilité du cours de notre monde et une réelle stratégie dans la gestion de leur pouvoir, le MRC et Kamto n’en seraient pas arrivés là.

LES LEÇONS POLITIQUES ET ÉTHIQUES DE NOTRE HISTOIRE RÉCENTE

À mon humble avis, s’en prendre au MRC et à Kamto armé uniquement d’insinuations sans base factuelle est aussi risible que contreproductif. Je ne suis pas membre du MRC, alors pas du tout. Mais considérons que mon ami saccage, vole ou tue en prononçant mon nom. Me tenir responsable de ces forfaits est, du point de vue logique, un sophisme. Politiquement, c’est une impasse ; juridiquement, c’est une bêtise qui coûtera certainement cher au contribuable camerounais, puisqu’elle est initiée par des agents publics en fonction. La perspective que le peuple camerounais va devoir payer des milliards à cause de l’arrestation de Kamto et de son directoire à cause de la décision de quelques copains, de quelques coquins malfaisants me rebute au plus haut point.

De toute évidence, les insinuations rendant Kamto responsable de ceci ou de cela sont puériles. Ce sont des sophismes énervants. J’ai l’intime conviction qu’il sera établi que le MRC, comme parti politique, n’a rien à voir avec les prétendus appels à la prise violente des ambassades, à la systématisation de la haine dans l’opinion ou je ne sais quoi d’autre d’infecte. Si des brebis galeuses s’y accrochent pour distiller les antivaleurs, Kamto (que je critique vertement dans non texte en ligne « Maurice Kamto et Cabral Libii : deux egos incurvés » ; je lui dis en substance qu’il a organisé un gâchis alors que l’avenir était pour lui, pour tous) et ses lieutenants ont toujours pris leurs distances avec ces tribalistes notoires. Il ne faut pas suspecter les gens pour rentabiliser la forfaiture et consacrer l’impasse ; il faut les arrêter la main dans le sac du vivre-ensemble. Il ne faut pas entretenir l’amalgame pour défendre le pouvoir par tous les moyens du désespoir ; il faut comprendre les événements, comme nos philosophes oublient de le faire, c’est-à-dire en maintenant la distance critique qu’impose l’irréductibilité du fait humain.

Or, il est établi que la fixation sur le MRC ou la BAS est une diversion de ceux qui noient notre pays au quotidien. Si l’on dit qu’on est doué de bon sens, on ne peut manquer de s’interroger sur ce qui est plus pernicieux, plus dangereux, plus scandaleux, plus mauvais, plus criminel, plus satanique ...., entre revendiquer une élection présidentielle dans la rue ou chahuter le Président d’une part, et entretenir l’industrie des cadavres des Camerounais pendant des années d’autre part. Qui fait plus mal au pays, à l’avenir de nos enfants, ceux qui vandalisent les ambassades et qui pissent sur les portraits présidentiels ou ceux qui défèquent sur notre prospérité en pillant systématiquement la fortune publique, en organisant les crimes économiques et les massacres et en se cachant derrière le prétexte de la défense supposée patriotique du Chef de l’État contre le magnicide de la BAS, ceux précisément qui espèrent dissimuler leur cynisme sous la figure avenante du combattant du tribalisme « bamiléké ». Je sais que le même goût des sophismes va conduire certains à ma demander si je cautionne ces actes. Je réponds donc ceci par anticipation : je me place au niveau esthétique et éthique où il faut apprécier suivant le critère ultime, UNIQUE, de la valeur de la vie humaine, en lieu et place des abstractions. D’ailleurs les prétendus conseillers, si amoureux de l’image du Cameroun (ceux-là même qui saccagent nos acquis, nos aspirations et notre destinée), ne pouvaient-ils pas conseiller à notre Président de ne pas effectuer ce déplacement hasardeux ? Toujours la hargne de contraindre,  la tendance à esseuler,  le plaisir d’essorer, l’esprit de la domination, le goût des défis inutiles, la passion du massacre, l’attrait de la suffisance meurtrière...

LE GOURDIN PROFESSORAL ET LA PROPHÉTIE DE LA « RIGUEUR ET MORALISATION »

Désormais, dans l’imaginaire de ses partisans, et même pour les aspirants à la succession au sommet de l’État au sein du RDPC, Kamto est intimement lié à Biya. Pour les uns, les cyniques collaborateurs du grand Camarade, l’intégrité psychosomatique et la survie politique de cet opposant – qui, à leurs yeux, représente une infamie fort opportune – doivent être contemporaines de la déchéance programmée du Patron. Le Professeur Kamto est donc une sorte d’arme blanche qu’ils ramassent pour « exécuter » leur créateur. Pour les fidèles de Kamto, par contre, le triomphe de leur champion marquerait la renaissance du pays. Les uns veulent donc tuer le Père par ce gourdin professoral, alors que le Professeur Kamto veut accomplir la prophétie de la rigueur et de la moralisation. Logiquement Kamto est celui qui haïrait le moins Biya. Politiquement Kamto aimerait voir Biya assister le redressement d’un pays qu’il voit en ruines. C’est pourquoi il plane dans l’air comme une sorte d’abêtissement médiatique systématique des masses qui ne dit pas son nom. La rhétorique est implacable : Kamto est un danger ; il faut le liquider. En fait les plus forts du moment veulent distraire et brouiller les pistes.

On me demande avec insistance de faire bloc avec les miens. Le problème c’est que l’expert du jugement que je suis ne peut identifier et accréditer ce « mien », car il est ontologiquement et historiquement la structure de l’altérité : il est tout le monde en même temps. La responsabilité qui m’incombe donc est de rétablir les équilibres dans ces horreurs disgracieuses. Je refuse que l’heure soit à des leçons télévisuelles éthérées de politique tribale risible et partisane. La conjoncture commande de voir juste et de penser dangereusement. L’urgence est de promouvoir un système qui permettrait aux Camerounais d’exercer et la pensée critique et la liberté. Rappelons à cet égard, à tous ceux allument le feu de la division, qui entretiennent la flamme de la stigmatisation et incendient tous les acquis accumulés dans notre courte histoire moderne en déversant des torrents d’ignominies, de haine et de souffrances crues dans notre société, que l’histoire se comprend dans la durée et non dans l’instantanée des préférences vindicatives. Le tribalisme n’est pas le fait de Maurice Kamto.

Toutes les administrations et tous les grands corps de l’État et les dirigeants du pays fonctionnent suivant les affinités tribales, que ce soit les Directions d’entreprises publiques et parapubliques, les ministères, l’Assemblée nationale, etc. Il y a des exceptions, certes. Mais la règle générale est le partage (inégal) du gâteau national ! Il faut par conséquent tout réformer.  Si le pouvoir en place ne peut pas instituer une république bienveillante et enraciner dans les consciences l’esprit patriotique qui va avec, sous le prétexte que Kamto et la BAS font obstruction, si les dignitaires du régime en place se réfugient derrière le prétexte du discours de Kamto au Conseil constitutionnel, alors on considérera que le tribalisme est institutionnalisé. Et on aura raison. Le verdict de l’histoire sera implacable. Il faut y insister : la responsabilité première incombe à l’État, au pouvoir en place! Car s’il y avait la bonne gouvernance, il n’y aurait pas tous ces bruits de bottes et ces crépitements d’armes dans la plupart des régions de notre pays. Les Camerounais affronteraient ensemble les comploteurs, les conspirationnistes et les contempteurs de leur avenir, parce que les traîtres de la patrie et les autres néocolonialistes blancs s’abreuvent à satiété auprès de nos turpitudes. Je ne cesserai de le dire : ce qui fait véritablement mal à ce pays, ce ne sont pas tous ces gens qui braillent, marchent ou écument les réseaux sociaux de leur visage sans épaisseur ; les obstacles au progrès, les racines du mal, ce sont ceux gouvernent mal, avec l’espoir qu’ils sortiront leur épingle du jeu dans ce désordre qui s’enracine sous notre nez. Nous sommes à la dérive, des frères du NOSO testent leur bombes tous les jours.

On laisse quand même la situation pourrir. Notre pays devient la terre natale d’Hercule, le roi des cyniques. La saveur mutilante de la torture et du meurtre s’y répandent comme un gaz suffoquant, effaçant méticuleusement du front des dirigeants les rougeurs du scrupule et de la honte. Lorsqu’on s’offusque de cette inertie pathogène, on dit qu’on perturbe la convivialité. Y a-t-il un lieu où l’expression du bon sens est proscrite? Ne doit-on pas penser partout si l’occasion ou le devoir nous l’impose ? Comme tous les Africains, nous les Camerounais, nous nous aveuglons chaque jour un peu plus parce que nous sommes manipulés par des gens sans cœur, qui s’abritent derrière notre ignorance, nos peurs, notre torpeur et nos œillères de partisans pour mieux nous désorienter et fructifier ainsi leur espérance de vie politique. Scrutons l’horizon lointain, au-delà de notre instinct de conservation, de nos colères et du bréviaire officiel. Des lacs de folie nous emportent. Forçons de comprendre les ressorts de notre enlisement !

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