Crise sociopolitique: Jusqu’où Paul Biya peut-il aller dans le pardon ?
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Le chef de l’Etat appelle à faire une croix sur le passé et à regarder l’avenir après avoir déclaré la guerre aux sécessionnistes.

En dépêchant son Premier ministre, Joseph Dion Ngute, dans le Nord-Ouest la semaine dernière et dans le Sud-Ouest hier jour , pour aller dire aux populations, aux chefs traditionnels et aux leaders des partis politiques et de la société civile qu’il était désormais disposé à ouvrir un « dialogue formel » dans la perspective d’un retour à la pays dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, le président de la République, Paul Biya, a complètement changé d’approche dans la résolution de la crise anglophone.

Même si les contours de ce dialogue ne sont pas encore connus, tout porte à croire qu’en lieu et place de la rigueur de la loi et de la détermination des forces de défense et de sécurité promises aux sécessionnistes dans son discours d’investiture, le 06 novembre 2018 et même bien avant, la position du chef de l’Etat a évolué vers une solution pacifique. Peu avant le voyage du chef du gouvernement dans les régions anglophones, il avait commencé à préparer le terrain à un tel revirement.

« L’important, aujourd’hui, est de pardonner et d’oublier, de tendre ensemble vers un but commun. Nous ne pouvons, à la fois, regarder l’avenir et vivre au passé. Le pardon mutuel est le chemin qui conduit vers la paix durable », écrit-il sur twitter, le 07 mai. « Oublions nos ressentiments, nos dissensions, nos divisions. Restons attachés à notre idéal d’unité et regardons l’avenir avec confiance. C’est à cette condition que nous pourrons vivre en paix », a-t-il poursuivi dans un autre tweet, le 11 mai. Il n’est pas dans les habitudes de Paul Biya de faire profil bas, mais, par cette option – prise sous la pression extérieure, certes -, il cherche à mettre fin aux massacres intolérables qui durent depuis trois ans. Selon les chiffres de International Crisis Group (ICG), contenus dans son dernier rapport, la crise anglophone a fait, au cours des 20 derniers mois, 1850 morts, 530.000 déplacés internes, plus de 160.000 réfugiés du côté du Nigeria, etc. Pour matérialiser son pardon, le chef de l’Etat pourrait, de sources crédibles, accorder la grâce et ordonner l’arrêt des poursuites contre des leaders anglophones dans les prochains jours.

Une perspective qui n’était pas envisageable il y a encore quelques mois. De fait, beaucoup soutiennent que le lourd bilan précédemment évoqué traduit en partie l’échec de l’option armée prise dès le départ par le gouvernement pour calmer ces tensions. Toutefois, est-il envisageable que ce pardon soit sans limites, au risque de laisser prospérer un sentiment d’impunité après tant d’atrocités ? Le président de la République se dit aujourd’hui ouvert à discuter sur tous les thèmes, sauf la sécession. Reste maintenant l’équation des radicaux tels que Sisiku Ayuk Tabe, incarcéré depuis deux ans avec les 47 membres de son gouvernement, Mancho Bibixy, etc., qui ne veulent entendre parler de rien d’autre que de la séparation.

Chez les modérés qui penchent pour le fédéralisme, par contre, le discours du pardon passe plus facilement. « Pour qu’on parle de pardon, il faut que les différentes parties concernées par les tensions ou par le mal qui a été fait le reconnaissent. Qu’il y ait d’un côté reconnaissance des tords, et qu’il y ait de l’autre une disposition des autres à accepter ce qui est apporté en termes de réparation pour arriver à faire table rase sur la tension qui s’est déroulée. C’est donc nécessairement un travail qui demande que chacun de son côté mette de l’eau dans son vin, de manière à pouvoir se rencontrer et se mettre dans une logique de réconciliation », analyse le sociopolitiste Claude Abe.

« Dans un cadre plus global, et dans le but de sortir également du climat de déprime politique ambiant, le pardon national envisagé pourrait-il s’étendre aux leaders et militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) incarcérés depuis trois mois ? On ne peut pas traiter des deux questions au même moment. De mon point de vue, il n’est pas sûr que la situation du Mrc soit une situation politique. Il va falloir clarifier les choses là-dessus. Le problème que le Cameroun a actuellement est un problème de réconciliation avec la partie anglophone. On ne peut pas loger les deux problèmes à la même enseigne, si tant qu’il s’agit d’un problème pour le Mrc », estime l’universitaire.

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