Cameroun :PRESIDENTIELLE 2018: Le Conseil constitutionnel gagne contre le Peuple du Cameroun
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Cameroun :Presidentielle 2018: Le Conseil Constitutionnel Gagne Contre Le Peuple Du Cameroun :: Cameroon

Au Cameroun, 2018 aura été l’année de l’élection présidentielle dont les leçons, aussi multiples que diverses, sont fonction du lieu géométrique d’où l’on parle. Ce lieu de prise de parole n’est pas nécessairement géographique ; il peut se définir comme un milieu socioprofessionnel, une religion et une appartenance culturelle ; il peut être le militantisme dans un parti politique ou le repli primaire dans une identité ethnique.

Notre point de parole à nous c’est l’Upécisme, valeur fédératrice d’ouverture pour la réappropriation de la nation, que l’ensemble des populations reconnaissent - secrètement ou publiquement - comme la lame de fond qui a initié la marche patriotique du Cameroun vers nos rêves de liberté, de dignité et de souveraineté. C’est à la lumière de l’upécisme que nous voudrions esquisser une évaluation de l’élection présidentielle du 07 Octobre 2018, aux divers plans institutionnel et processuel, éthique et politique.

Il apparaît d’entrée de jeu que cette élection est marquée par la collusion institutionnelle, l’étranglement de certains partis politiques et des réflexes ethno régionaux.

S’AGISSANT DES TENDANCES ETHNO REGIONALES, le caractère globalement ethnique de l’élection présidentielle s’est confirmé dans les analyses postélectorales dont certains journaux donnent un aperçu : pendant que L’œil du Sahel du mercredi 24 octobre 2018 déclare que « Le Grand Nord pèse 47,5 % dans la victoire de Paul Biya », Essingan du 23 octobre 2018 proclame «Le Grand-Sud dominant pour la victoire de Paul Biya », carte à l’appui. En somme, pour le prochain partage du butin électoral, de nombreux « Experts » circonstanciels reprennent sous d’autres formes les Mémorandums et les revendications ethno régionales. Et quand elle n’est liée ni à une ethnie ni à une région, la revendication indirecte par les chiffres cible des individus et des personnages publics dont la moisson de voix pendant la campagne mériterait une promotion ou le maintien au poste. Car des portefeuilles ministériels ardemment convoités par les uns pourraient bien, sait-on jamais, s’envoler de certaines mains comme feuilles au vent. Sans doute est-ce dans cette perspective que The Guardian Post du 26 octobre 2018 interpelle le G20 : après ses premières prestations publiques en effet, la chorale de cette Congrégation des Repentis de l’Opposition a disparu du paysage électoral. Elle n’a resurgi qu’au lendemain du scrutin pour donner la chasse à tel ou tel candidat. Le Quotidien de langue anglaise, The Guardian Post, s’interroge donc avec gravité sur leur efficacité électorale: « Did G20 political parties contribute to Biya’s victory ? ». A elle seule, la question vaut réponse.

POUR LES INSTITUTIONS DE LA REPUBLIQUE, l’élection présidentielle de 2018 a été un révélateur de confirmation : qu’il s’agisse d’Elections Cameroon (ELECAM) , institution chargée de l’ensemble du processus électoral, ou du Conseil Constitutionnel en chargé, entre autres missions, des contentieux électoraux, les Camerounais ont vécu de profondes frustrations au regard des défaillances administratives, des entourloupes techniques et des embuscades juridiques accumulées ici et là, déplorées et au demeurant dénoncées tout au long du processus électoral.

ELECAM s’est confirmé comme Agence électorale du parti au pouvoir. Point n’est besoin d’insister, le contentieux électoral ayant montré que cette Agence s’est avérée non pas incapable, mais mal disposée et donc hostile à l’idée de fournir au Conseil constitutionnel les documents de preuve demandés par les justiciables et indispensables pour l’établissement de la vérité des urnes seule propre à convaincre de la sincérité du vote. ELECAM a eu le jeu facile : il a développé une collusion mal dissimulée avec le Conseil constitutionnel au point que ce dernier n’hésitait plus à prendre sa défense contre les interpellations des candidats justiciables.

De son côté, le Conseil constitutionnel est frappé d’une hémiplégie constitutionnelle qui le paralyse doublement : récusé par le candidat du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), mais handicapé par la loi même qui le crée, le Conseil a dû reconnaître qu’il y avait matière à récusation ; il s’est cependant déclaré en incapacité d’y remédier, l’autorité qui l’a nommé pouvant seule le (dé) gommer. La seconde porte de sortie que lui accorde la loi veut que dans l’exercice de leurs compétences, les Conseillers se saisissent eux-mêmes de la récusation dont ils sont l’objet, et décident de lui faire droit. Pour le Conseil constitutionnel, pareille démarche revenait à se faire hara kiri, donc à se suicider. Cette éventualité s’est donc imposée aux Conseillers non point comme une impossibilité de droit, mais comme une inaptitude humaine de leur part, une défaillance du Conseil pour tout dire.

Et comme pour aggraver la situation, le Président de cette institution n’a pas réussi à faire oublier à l’opinion qu’il était l’époux d’une parlementaire membre du parti dont le Président national se trouve être l’un des candidats. Le hasard veut que ce chef de parti soit le chef de l’Etat qui a nommé le Président du Conseil constitutionnel à sa prestigieuse fonction. La situation matrimoniale du Président du Conseil constitutionnel a donc créé un profond malaise pendant l’audience du contentieux électoral, jetant un voile de suspicion pesant sur son objectivité et son équité. D’aucuns prétendent sans sourire que le fait pour lui d’avoir prêté serment à sa prise de fonction suffit pour garantir son impartialité, l’équité du contentieux et la sécurité judiciaire des justiciables. Mais nos juristes de saison se hâtent d’oublier que dans tous les tribunaux du monde, le serment de vérité prêté par un justiciable n’a jamais garanti la vérité, plus d’un justiciable ayant, au nom d’intérêts inavouables, cédé à la tentation parjure de mentir sous serment. Quant au juge, son privilège de juge à tous les niveaux de juridiction reste exceptionnel : il décide en son « âme et conscience » certes, mais il ne rend justice qu’« au nom du peuple ». Dans le cas qui nous préoccupe, le juge constitutionnel a vocation à restituer la vérité des urnes au peuple électeur, de manière si propre que le peuple au nom duquel il prend ses décisions soit intimement persuadé d’avoir été jugé en toute justice.

Dans sa position de juge constitutionnel, le Président du Conseil constitutionnel s’est donc trouvé dans un inconfort cruel, à cause d’un conflit d’intérêts qui l’aura gravement exposé au risque de… parjure. Ce risque de parjure s’étend par ailleurs au reste du Conseil, puisqu’il est le même auquel s’exposent d’autres Membres dont la plupart sont militants de partis politiques en compétition. Mais pour revenir au Président du Conseil constitutionnel, le risque de parjure est double pour lui tout seul : il l’est a posteriori, - comme pour ses collègues Conseillers dont il est publiquement établi qu’ils sont encore militants du parti au pouvoir, - et il l’est surtout a priori, au départ même du processus de prise de fonction : en effet le Président du Conseil constitutionnel pouvait-il ne pas savoir que sa chère et tendre moitié était Député du parti dont il doit juger le Président national comme candidat ? Car une moitié de sa propre personne devait, en toute objectivité et ’’impartialité’’,

juger l’autre moitié ! Et s’il est établi qu’il ne pouvait pas ne pas savoir, comment a-t-il renoncé à…renoncer à cette fonction qu’il ne pouvait exercer que dans l’entièreté de sa personne, à cette fonction exigeante de sérénité qu’on ne peut exercer que sous serment?

Peut-on seulement imaginer, ne serait-ce que par simple hypothèse, que tout un Président de Conseil constitutionnel aura prêté serment au mépris de la vérité de sa spécificité matrimoniale, donc en flagrante violation de la lettre et, surtout, de l’esprit de la loi portant création du Conseil constitutionnel ? Ailleurs, les appartenances politiques des Conseillers ne sont pas dissimulées ; tout au contraire elles sont dévoilées. Mais l’influence partisane est atténuée soit par des équilibres conséquents entre la Majorité et l’Opposition, soit par un processus consensuel de désignation du Collège des juges. Au Cameroun, le même nomme et gomme de manière discrétionnaire, démocratiquement seul...

La situation du Président du Conseil constitutionnel s’avère donc cocasse, douloureuse et moralement intenable. La tragédie qu’elle provoque ne relève plus strictement du légal, tant elle déborde les spéculations juridiques. Le drame éthique est concret, matériel et physique ; il ne saurait donc être couvert, encore moins évacué par des pirouettes juridiques, quelques savantes soient-elles. Sauf à nier la matérialité de …l’union du Président du Conseil constitutionnel et d’une Député en fonction d’un parti en compétition.

La constitutionnalité du Conseil constitutionnel s’étant trouvée aussi rudement mise à l’épreuve, l’auguste institution pouvait-elle encore valablement siéger et sereinement délibérer ? Le Cameroun avait déjà gravement mal à sa Constitution. Cette pathologie congénitale s’est répercutée sur le Conseil constitutionnel dès sa naissance, après vingt deux ans de gestation. Tel étant le tableau, que pouvait-on encore raisonnablement attendre d’un processus électoral compromis de manière aussi congénitale ? Pourtant, l’on a diligenté et accéléré la fuite en avant. Le Conseil constitutionnel vient donc de remporter une élection contre le peuple du Cameroun. En dehors des medias circonstanciels de propagande partisane financés pour l’occasion, la Presse nationale retient que la victoire proclamée a valeur de « défaite » (Mutations), comme un « triomphe sans gloire » (La Nouvelle Expression).

Cette situation de suspicion pour spoliation électorale marque négativement l’opinion camerounaise. Certaines formations politiques en souffriront durablement. Parmi les plus dramatiquement frappées, mentionnons le Social Democratic Front (SDF) et l’Union des Populations du Cameroun (UPC).

LE SOCIAL DEMOCRATIC FRONT (SDF) a été mutilé d’une grande partie de son électorat au bénéfice exclusif du parti au pouvoir. Ce dernier a disposé d’ELECAM comme Agence électorale et du Conseil constitutionnel comme arbitre organique ; il n’avait aucun souci à se faire dans les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ; le parti au pouvoir y a donc évolué seul, sous protection renforcée, comme juge et partie, joueur et arbitre dans la même compétition. Au point qu’il n‘est pas excessif de relever que dans ces deux régions, la guerre civile a servi de fonds de commerce électoral au Pouvoir. Ce dernier l’a donc entretenue par calcul électoral, pour faire d’une guerre deux victoires : provoquer l’anémie électorale du SDF sur son propre terrain et, ce faisant, l’asphyxier politiquement en s’attribuant arbitrairement et impunément des suffrages à l’abri des regards, sans risque de contradiction. « Le SDF peut-il se relever ? » s’interroge à juste titre Le Quotidien Le Jour (No 2797 du 25 octobre 2018).

L’Union des Populations du Cameroun a tenu bon depuis 1948, contre vents et massacres. Soixante dix ans de résistance et de résilience ont exaspéré le pouvoir. Hors de lui, le régime de traque a résolu de bannir l’UPC une fois de plus, récidivant en plus brutal et en plus illégal, en rappel de ce que Roland Pré a perpétré en 1955. Le Ministre de l’Administration Territoriale a donc entrepris de décapiter l’UPC pour l’exiler dans le pays même dont elle a obtenu la réunification et conquis l’indépendance. Cette arbitraire administratif vise à empêcher l’UPC de prendre dignement part à l’élection présidentielle, et aux prochaines échéances Législatives et Municipales.

Il se trouve que le MINAT a, hélas, trouvé un terrain fertile auprès de certains Cadres de l’UPC, le Secrétaire Général s’étant précipitamment aplati devant le parti au pouvoir. Pour avoir dansé plus vite que la musique, il s’est fendu de son soutien au candidat dudit parti avant même que ce dernier ne se soit lui-même déclaré. Cette démarche intempestive de soutien s’étant faite hors et à l’insu des instances statutaires de l’UPC, la Base du parti historique ne s’y est pas reconnue. Aussi a-t-elle opposé une fin de non recevoir au Secrétaire Général, le réduisant à végéter comme un ’’Général’’ sans troupes. Conscient de ce que ce soutien fébrile ne leur apportera aucune voix, le MINAT a changé son fusil d’épaule par un abus d’autorité : au prétexte d’être la tutelle des partis politiques et des associations, un certain Atanga Nji s’est arrogé le pouvoir de nommer un Secrétaire Général à l’UPC, alors que dans cette formation politique, il n’y a de Secrétaire Général qu’élu au cours d’un Congrès.

La combinaison des deux forfaitures - politique et administrative - a ulcéré les militants de l’UPC ; elle leur a fait prendre conscience que la mort de l’UPC avait été une nouvelle fois décidée par le Pouvoir, mais cette fois avec la complicité active de cadres carriéristes, impatients de dégoter en d’éventuelles récompenses en de prébende. Les militants de l’UPC se sont indignés de constater que le parti du crabe, leur UPC, n’avait plus qu’une Direction végétative, coupée de sa Base mais fascinée par les ors et les honneurs des palais. Ils ont surtout déploré que leur UPC ne soit plus qu’une coquille que l’opportunisme des uns d’une part et l’arbitraire du MINAT d’autre part auront vidée de son contenu. Ils refusent de se reconnaître dans une UPC de mendicité, qui plus est une UPC supervisée par un Atanga Nji.

L’électorat nationaliste s’est donc présenté à l’élection présidentielle avec la résolution de punir les deux ’’Secrétaires Généraux’’, - l’élu et le nommé qui offrent à l’opinion un spectacle désespérant. En effet, ces deux frères de clan sont frileusement entrés en compétition l’un contre l’autre pour remporter la coupe de l’allégeance et le trophée de la soumission au bourreau du parti dont ils se réclament. Dans cette saga clanique et déshonorante, leur caractéristique commune est d’avoir, au nom de leurs rêves personnels de promotion individuelle, bradé, vendu et dévalorisé « l’âme immortelle du peuple camerounais ».

Le message de l’électorat upéciste à leur adresse est donc sans appel : ’’Vous avez jeté notre crabe dans leurs flammes pour vos intérêts égoïstes! Et vous nous invitiez à votre rendez-vous de mendicité politique ! Vous irez là-bas seuls, et les mains vides ! Aucune pitance ne comblera le creux profond de vos mains vides’’.

Il suffit de prendre les chiffres - même tels qu’ils ont été ’’traités’’ - de l’électorat traditionnel de l’UPC pour comprendre que les upécistes en particulier, et les populations du Nyong et Kellé et de la Sanaga Maritime en général ont honni les deux ’’Secrétaires Généraux’’ en compétition de mendicité politique. Ces populations le disent à qui veut l’entendre : ni aujourd’hui ni demain, elles ne se reconnaîtront dans l’UPC d’atalaku (mendicité) que l’un et l’autre ont livrée au Pouvoir, sous le racolage et le pilotage d’Atanga Nji.

Leur vote de colère et d’indignation vis-à-vis du pouvoir qui les étrangle certifie la sanction qu’ils infligent aux deux quémandeurs qui, à leurs yeux, ne représentent plus rien de crédible. Ces populations pourraient bien prendre d’autres décisions stratégiques, non plus par sanction mais par adhésion, pour à la fois sauvegarder l’honneur de leur héritage de militants et valoriser la culture patriotique dans leurs localités respectives comme dans le reste de la Nation.

Si tel venait à être leur choix, ces populations militantes maintiendraient froidement le cap de l’Upécisme en s’ouvrant à des perspectives nouvelles, plutôt que de se laisser embastiller avec un parti que le Pouvoir a brutalement décidé de liquider, et que certains de ses cadres viennent de vider de son honneur et de sa substance patriotique, par opportunisme et par imposture.

Chacun réalisera alors, une fois de plus, que l’upécisme est une valeur d’ouverture et d’engagement patriotique qu’on ne saurait séquestrer par le piège d’un contenant administratif sans contenu politique.

La Base militante étant la boussole de l’Upécisme, c’est à la Base upéciste qu’il appartiendra d’en décider le moment venu.

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