Que Viva Ruben! Ruben UM NYOBÉ et l’Opposant comme syndrome du dérangement dans la Francafrique
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CAMEROUN :: Que Viva Ruben! Ruben UM NYOBÉ et l’Opposant comme syndrome du dérangement dans la Francafrique :: CAMEROON

Au moment où nous célébrons le 60e anniversaire du meurtre du chef historique de l’opposition au Cameroun, le Mpodol Ruben Um Nyobe, assassiné par des escadrons de la mort de Francafrique, il devient de plus en plus évident que la Francafrique n’a jamais produit de chefs historiques comme Mahatma Gandhi, Kwame Nkrumah, Mwalimu Julius Nyerere, Madiba Nelson Mandela et même la version antérieure de Robert « Bob » Mugabe. Cela a trait aux différences cruciales entre la morphologie des institutions de l’État et la philosophie de la gouvernance entre des puissances coloniales importantes que furent la France et le Royaume-Uni.

En effet au Royaume-Uni qui est une monarchie constitutionnelle et un système parlementaire, le rôle de l’opposition est reconnu dans une logique de contribution au consensus national. Le chef du parti d’opposition est le chef du «shadow cabinet» et le «shadow cabinet» n’est pas simplement réduit au rôle de figuration. Le shadow cabinet est composé de députés aguerris et expérimentés qui se tiennent prêts à occuper des fonctions au gouvernement à tout moment, dès que les électeurs le décident. Ainsi dans le système britannique, les partis d’opposition sont une pièce importante des rouages du système de gouvernance, presque aussi important que le gouvernement lui-même, car elle est composée des membres éminents et compétents prêts à faire leur preuve à tout moment.

Dans la “Francafrique au contraire, la figure de l’opposant dans le système politique est une figure biopolitique, une nuisance que le president Macron vient de definir, avec toute sa truculence et son pouvoir sanctimonieux que lui donne la constitution de 1958, comme des “Fainéants, cyniques, extrêmes”, donc, une nuisance à éradiquer avant qu’elle ne cause trop de problèmes. Dans la Francafrique l’opposition est une catégorie biopolitique. Dans cette conception biopolitique, l’opposant a été ou devrait être un produit et une représentation du système politique. Il a ainsi historiquement été façonné par les institutions d’État et les prérogatives exorbitantes du Chef de l’État sous un régime décrit comme «présidentialiste à pouvoir renforcé», qui n’est autre qu’un pouvoir absolu.

Né à la fin des années 60, notre génération a grandi dans un contexte d’État d’urgence permament, présenté comme la conséquence politique de la douloureuse bataille des indépendances qui a ravagé le pays au début des années 60.

La figure emblématique de l’opposant véhiculé par le pouvoir colonial et néo-colonial n’était autre que celle du « maquisard ». qui est en fait la figure du “field Nigger” le nègre comme bête de somme contrairement au nègre de la maison, pacifique et docile. En effet, le maquisard était décrit comme un sauvage et un psychopathe sanguinaire qui règle ses problèmes politiques dans des bains de sang. L’idée du maquisard était une construction néfaste produite par les sorciers de la Françafrique naissante du Général De Gaulle et ses sbires comme Jacques Foccart, dans le but de pathologiser le débat politique au Cameroun et mettre en place une politique de la terre brûlée au napalm, permettant selon eux de “discipliner et de contrôler le corps des Camerounais”. C’est un processus que des intellectuels Camerounais comme Achille Mbembe ont appelé «niggerization» ou «tonton macoutization» des corps et de l’espace publique. Donc avoir le pouvoir ou être placé à la tête de celui-ci (comme l’ont été Ahmadou Ahidjo puis Paul Biya) c’est ne pas etre un “négre” de service, comme l’est devenu paradoxalement Paul Biya qui ressemble de plus en plus après 35 ans de pouvoir au Vieux nègre Meka du “Vieux Nègre et la Médaille” de feu Ferdinand Leopold Oyono.

L’opposant dans ce contexte totalitaire est devenu la figure à embastiller, torturer, annihiler, transformer en chose parmi d’autres choses, dans un régime où la pensée et le parti unique sont considérés comme la norme. Le produit de cette discipline corporelle a accouché la figure de l’opposant comme une personne incapable d’assurer sa propre sécurité et incapable de transformer le monde dans lequel il vit. Dans cette optique, l’opposant n’est plus la figure d’une possible transformation, l’agent d’une alternance positive, mais un préjugé, un stéréotype, un cliché à exploiter à des basses fins politiciennes, promu par une conception narcissique, libidinale et jouissive d’un pouvoir voulu éternel.

Contrairement à Hannah Arendt qui lie l’histoire des droits humains à la natalité et à l’idée que nous sommes tous libres parce que la liberté naît avec le commencement qui est notre naissance. Ce qui commence est précisément libre parce que non pollué par l’histoire et les constructions humaines, c’est-à-dire une approche Rousseauiste de la dignité humaine. Au Cameroun par contre, l’affiliation politique a toujours été un marqueur de citoyenneté et une prérogative institutionnelle du prince. Tout Camerounais peut donc être déchu de sa nationalité par le fait du prince, dont il a lui même reconnu dans une de ses rares interviews accordés à l’ancien présentateur du journal télévisé à la CRTV, Eric Chinje en 1984.

Cette déchéance de nationalité suit l’opposant jusque dans la mort.

La figure de l’opposant a atteint un degré tel que même dans sa mort il n’a pas le droit à une sépulture digne de ce nom. Le Cameroun est ainsi un pays qui n’enterre pas ses soi-disant opposants. Ils sont tous dans des tombes anonymes à l’étranger, dans les forêts ou dans des fosses anonymes. Ironie de l’ironie, même Ahmadou Ahidjo le prédécesseur de M. Biya est jeté dans une fosse quelque part à Dakar au Sénégal. À ce sujet il faut signaler que ce qui fait de nous des humains, c’est parce que nous enterrons nos morts. La caractéristique de l’humain c’est celui qui enterre ses morts. Que dire d’un régime qui n’a jamais enterré ses morts parce que «opposants»?

Cela explique pourquoi la Francafrique n’a jamais produit des leaders de la trempe de Mahatma Gandhi, Kwame Nkrumah, Mwalimu Julius Nyerere, Madiba Nelson Mandela et même la version antérieure de Robert « Bob » Mugabe. Nul doute que comme le Mpodol Ruben Um Nyobe, ils auraient purement et simplement été assassinés par les escadrons de la mort de la Francafrique. Ceci explique également pourquoi la Francafrique est la zone politique la plus arriérée du monde!

La question que nous devons en permanence nous poser est celle-ci: Sont-ils morts pour rien?

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