OCCUPATION : Le mal-être des personnes déplacées
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Elles sont acquises à la cause de l’oisiveté.

Amaya Boukar, 25 ans, est mère de deux enfants. Aujourd’hui habitante de Gawar, elle est une personne déplacée interne du village Mozogo. Elle est aussi la soeur cadette de Kassoum Abdou. C’est en effet ce dernier qui subvient non seulement à ses besoins, mais aussi à ceux de ses enfants. Pour elle, cette nouvelle vie depuis deux ans n’est pas sans conséquences fâcheuses.

«Depuis que je suis partie de Mozogo, en fuyant les Boko Haram, je ne me sens plus femme capable. J’y avais pourtant mes champs qui me permettaient de nourrir ma petite famille. Mais depuis, c’est mon frère qui prend soin de nous. Je peux de temps en temps me rendre utile pour la cuisine quand il y a à manger, mais la plupart du temps, je n’ai rien à faire. C’est très difficile», se désole-t-elle. Et de poursuivre : «Quand vous arrivez dans un village dans des circonstances de guerre comme c’est le cas, vous ne connaissez pratiquement personne.

On peut bien avoir envie d’être chez soi, mais la guerre nous en empêche». Et ses journées, elle les passe généralement à attendre le retour de l’école de ses deux filles. Aïssatou Oumaré, elle, a aussi son enfant à gérer. Depuis son arrivée à Sera-Doumda, les souvenirs de Kangeleri ne cessent de la hanter. Son défunt mari y était cultivateur, tandis qu’elle, s’employait au quotidien à l’épauler dans ses tâches, tout en faisant aussi ses champs.

Dans sa nouvelle demeure, certes près de ses parents, la vie est loin d’être une sinécure. «Depuis que je suis à Sera- Doumda, je ne m’occupe à rien. Mère d’un enfant de deux ans, je peux de temps en temps aider à puiser de l’eau», confie-t-elle, les larmes aux yeux. Sa maman, une vielle femme d’environ 70 ans, est partagée entre l’espoir chancelant de vivre et l’ivresse pressante de la mort, du fait de l’extrême pauvreté dans laquelle ils vivent et le souvenir des atrocités vécues par les actes de Boko Haram. «Je vous assure que notre vie n’est pas enviable. Moi, j’ai même demandé qu’on m’enterre vivante, parce que voir ma fille souffrir me chagrine», a déclaré cette dernière.

Kassoum Abdou : «Boko Haram sera vaincu, je rentrerai chez moi»
J’ai quitté Mozogo il y a deux ans, à cause des attaques de Boko Haram. Là-bas, il n’est pas possible de dormir tranquille la nuit parce que c’est généralement à ce moment que ces gens arrivent dans le village. Ils brûlent nos maisons, volent notre bétail et tuent certains de nos frères. Moi, j’ai pu échapper avec ma famille et ma mère est venue décéder ici à Gawar. Elle était à ma charge tout comme ma soeur Amaya Boukar et ses deux enfants. Je m’efforce à subvenir à leurs besoins. Fort heureusement, j’ai reçu trois chèvres de la FAO. Une a déjà mis bas et l’autre donnera des petits bientôt. J’espère pouvoir les vendre pour davantage aider ma famille. Tout ce que je peux dire, c’est que nos soldats réussiront à vaincre ces mauvaises personnes de Boko Haram. Et nous pourront enfin regagner notre village Mozogo et y mener à nouveau une vie de paix.

Aissatou Oumaré : «Boko Haram a égorgé mon mari»
Je suis installée à Sera-Doumda depuis deux ans. Je vivais à Kangeleri avec mon mari qu’on a tué. Une nuit, les Boko Haram sont venus dans notre village avec des machettes et des armes. Ils égorgeaient certaines personnes et tiraient sur d’autres. C’est comme ça qu’ils ont tué mon mari qui était cultivateur. Avec d’autres personnes, j’ai eu la chance de fuir et nous avons marché à pied jusqu’ici. Et depuis que je suis à Sera-Doumda, je ne m’occupe à rien. Mère d’un enfant de deux ans, je peux de temps en temps aider à puiser de l’eau. Et comme vous constatez, je vis avec mes parents et nous sommes extrêmement pauvres. Mes deux frères et une soeur, eux, vivent dans un camp qu’on a prévu pour les déplacés de guerre. Nos conditions de vie sont difficiles. Au moins ici, on a la paix, même comme il y a quelques jours, les gens-là ont encore frappé pas loin d’ici (19 février 2016 : double attentat de Mémé à 5 Km de Sera- Doumda, Ndlr).

Koumiya Kodouta : «Nous ne payons pas la scolarité»
Je viens de Tourou, chassée par l’insécurité causée par les membres de Boko Haram dans notre village. Nous sommes ici au lycée bilingue de Mokolo pour faire l’école, repartis dans les classes de 6e en terminale. En effet, nous sommes nombreux à être partis de Tourou à cause de Boko Haram. C’était un dimanche de septembre 2014, ces méchants sont arrivés dans notre village et ont tout saccagé.

C’était la débandade. Ce jour, en provenance du Nigeria, ils ont envahi notre école, croyant que les élèves étaient encore dans les salles. Heureusement, c’était un dimanche. Ils tiraient avec leurs armes dans toutes les directions. Des gens ont été tués et d’autres ont réussi à s’enfuir. Après, ces barbares sont partis. Ils ont détruit notre vie à Tourou. Et depuis que nous sommes arrivés ici à Mokolo, nous vivons en paix avec tout le monde. Il n’y a pas de distinction ou de discrimination entre nous qui venons de Tourou et les populations que nous avons trouvées à Mokolo. S’agissant de notre scolarité, certains ont payé, d’autres pas. Et notre proviseur ne nous a jamais exigés de payer depuis que nous sommes arrivés au lycée bilingue de Mokolo. Et même les déplacés qui ont versé leurs frais de scolarité l’année passée par exemple, ont été remboursés. 

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