Atangana Mebara livre les pontes du Grand-Nord
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L’ex-Sgpr passe en revue ses relations avec Marafa, Amadou Ali, Amadou Vamoulke et la famille Ahidjo dans un récit.

C’est à une interview peu ordinaire, emprunte d’humour mais parfois aussi de sarcasme, que se soumet l’ancien Secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr), Jean-Marie Atangana Mebara quand il raconte ses années passées auprès du chef de l’Etat camerounais. Et le Sgpr de lever un pan de voile sur les affirmations, les unes aussi fantasques que les autres, que la société se fait du poste qu’il a occupé pendant quatre ans. C’est que, dans «Le Secrétaire général de la présidence de la République du Cameroun. Entre mythes, textes et réalités», Jean Marie Atangana-Mebara met en lumière une fonction «tantôt lanceuse, tantôt briseuse de carrière », tel qu’il le révèle dans l’avant-propos.

Dans le livre de 326 pages, écrit d’un style dépouillé permettant une lecture fluide, l’auteur fait la part belle à certains hauts responsables du Grand-Nord présentes dans les sphères du pouvoir (Ayang Luc, Dakolé Daissala, Bello Bouba Maigari, Amadou Vamoulke) ; soit ses congénères au poste de Sgpr (Sadou Daoudou, nommé à cette fonction, le 6 novembre 1982, sur «la recommandation» du président démissionnaire Ahmadou Ahidjo ; Amadou Ali, Marafa Hamidou Yaya et Sadou Hayatou) ; et enfin à l’ex-président de la République, Ahmadou Ahidjo. De lui particulièrement, M. Atangana Mebara ne parle qu’en citant les propos du président Paul Biya, son ancien Sgpr et Premier ministre.

«Je n’ai jamais entendu le président Biya dire du mal du Président Ahidjo. Je peux même dire que je me suis demandé s’il ne conservait quelque part au fond de lui, un peu d’admiration, sinon une admiration certaine pour le premier Président de la République du Cameroun», se souvient-il en page 239. Le chapitre 5 intitulé «Les relations avec le président de la République, l’entourage du Président, les collègues du gouvernement », est celui dans lequel il s’attarde avec une certaine réserve, sur ce qu’il pense des personnalités du Grand-Nord.

De tous, Marafa Hamidou Yaya est celui pour qui il éprouve le plus grand respect, la plus grande admiration. C’est donc naturellement qu’il se rend chez celui qui avait lui aussi été maintenu à son poste de ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et qu’il remplaçait lors du remaniement de 2002, au Secrétariat général de la présidence de la République. «Nous nous sommes évidemment donné une accolade amicale en nous félicitant l’un et l’autre. Ensuite, il m’a conduit dans un salon à l’intérieur de sa résidence. Un verre nous a été servi, pour «arroser».

Puis, nous avons pu avoir un bref entretien d’une quinzaine de minutes, à deux», raconte-t-il en page 126. Ils ont par la suite eu une cérémonie «sobre» de passation de service qui s’est soldée par d’émouvants au revoir. «Notre séparation a été marquée par une accolade pleine d’émotion. Puis la voiture de mon prédécesseur a quitté le parking où elle se garait chaque matin. Après un dernier geste de la main en signe d’au revoir, j’ai regagné mon nouveau bureau», page 127. A l’endroit d’Ayang Luc, président du Conseil économique et social, il se montre un peu critique, mais de manière subtile. «(…) Je dois vous dire aussi que je n’ai pas compris pourquoi les responsables de cette institution se sont complu dans cette sorte d’immobilisme. Pourtant le seul Président du Conseil Economique que j’ai connu ne manque pas d’atouts : il jouit d’une longue expérience administrative, en tant qu’ancien membre du gouvernement et ancien Premier Ministre. Je crois savoir qu’il est aussi une notabilité traditionnelle dans sa région d’origine», écrit Jean-Marie Atangana Mebara qui se permet de donner un avis par la suite.

«Mon sentiment est que cette institution peut être utile au pays, en permettant notamment un dialogue régulier entre les forces vives économiques et sociales de la Nation, dialogue qui permettrait l’émergence de consensus sur différents problèmes économiques et sociétaux. Prenez par exemple le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi, ou la Vision 2035, ne pensez-vous pas que le Conseil économique et social, normalement constitué, aurait permis d’améliorer ces documents, et surtout d’obtenir une plus grande adhésion et participation des forces vives économiques et sociales à leur réalisation ?», s’interroge l’ancien Sgpr en page 144. Celui qui est détenu depuis août 2008 à la prison centrale de Yaoundé, conclut donc fort de cette analyse, que «Je suis persuadé que c’est au Président dudit Conseil de prendre les devants», page 145 du chapitre 3 sur l’exercice des attributions et responsabilités officielles de secrétaire général au quotidien.

Des noms comme Dakolé Daissala et Bello Bouba Maigari avec qui il a eu à travailler dans le cadre de la présidentielle de 2004 et de qui il «garde un bon souvenir», reviennent aussi. A l’endroit d’Amadou Vamoulke, «J’ai noté un certain courage permanent chez cet homme. (…) Je crois même me souvenir que lorsque j’ai perdu mon épouse Gisèle- Odile en 1994, M. Vamoulke faisait partie de la délégation accompagnant James à mon village à Nkomekoui. À l’occasion de nos différentes rencontres, j’ai découvert et apprécié la vaste culture générale de l’homme, et une sorte de détachement des honneurs et du pouvoir. C’est peut-être ce qui expliquait aussi son ton cassant et cette difficulté à «arrondir les angles», dans les échanges avec les autres», peut-on lire en page 187. Seulement, à ce jour, leur relation s’est dégradée. «J’espère que le temps finira par clarifier certaines choses», écrit-il à la page 208.

CÔTÉ OBSCUR DE LA FONCTION

Dans le livre «Le Secrétaire général de la présidence de la République du Cameroun. Entre mythes, textes et réalités», il n’est pas seulement question de ces personnalités du Septentrion. Comme son titre l’indique, le livre «révèle le côté sombre et ensoleillé d’une fonction, jette plus de lumière sur les mythes et les stéréotypes de la fonction et, au-delà de tout, tord le cou aux idées fausses que les Sgpr nagent dans un océan de tranquillité, de faveurs, d’honneurs, de privilèges, de richesse et d’influence», écrit le préfacier, Paul Eric Chindje. Ce dernier reconnait que «cette fonction est hautement prestigieuse». C’est l’un des rares postes dans le pays qui garantit un accès direct au chef de l’État pratiquement au quotidien. Dans les cercles du pouvoir, le poste est stratégique.

Il est généralement considéré par beaucoup comme le moule qui fabrique les personnalités influentes de la République. Rien d’étonnant donc que les Sgpr soient considérés comme des «demidieux », le «dieu» étant le chef de l’État lui-même. Seulement, c’est aussi un poste qui créé des inimitiés, rancunes, soupçons et accusations. «La fonction de SG/PR suscite beaucoup d’envies de la part d’autres personnalités, soit pour leur propre intérêt, soit pour leurs proches», soutient l’auteur. Pourtant, ce n’est pas toujours une fonction exaltante. Tant c’est le Président qui décide et est au contrôle de tout. «Je crois savoir que c’est un homme jaloux de son pouvoir».

Ce n’est pas l’album photo de l’auteur, montrant pour la plupart le Sgpr qui écoute le PR, qui apporte un démenti à cette affirmation. La fonction met en effet dans des postures délicates. Comme celle du réaménagement de 2002, où il fallait annoncer à certains dont il était proche qu’ils ne feraient plus partie de la nouvelle équipe. «Le Président connaissait mes relations avec ces personnalités. Je n’ai rien pu faire pour qu’elles soient maintenues dans l’équipe ! Mais, après, j’entends dire que c’est moi qui ai fait le gouvernement de décembre 2004. (…) Je peux même vous révéler que j’ai cru devoir attirer l’attention du Président sur le fait que trois des personnalités dont il m’avait donné les noms étaient d’un même arrondissement camer.be, Zoetélé, dans le Dja et Lobo. Il m’a répondu assez rudement : «Ce sont d’abord des Camerounais que je nomme M. le Ministre d’État. Sont-ils Camerounais ?». À dire vrai, je n’émettais pas de réserve sur la nomination de ces personnalités, j’anticipais seulement les luttes fratricides qui ne manqueraient pas de naître de personnalités si différentes, toutes influentes dans cet arrondissement si riche en élites puissantes.

Comme vous pouvez le voir, même mes petites observations ont été balayées d’un revers de la main», se désole l’ancien proche collaborateur de Paul Biya. Des observations, l’on note surtout que la fonction de Sgpr a connu beaucoup d’évolution, s’est réajusté et modernisé au fil du temps, au gré des missions qui lui étaient assignées. «En réalité et dans la pratique, c’est le chef de l’État qui détermine le contenu réel et les modalités de l’assistance que peut lui apporter son Secrétaire général. Si bien que je me demande si on ne devrait pas seulement prévoir dans le décret que le Secrétaire Général assiste le Président de la République dans l’accomplissement de sa mission et exécute toute mission qui lui est confiée par le chef de l’État», propose l’ancien Sgpr. L’autre observation, c’est que le premier président de la République, Ahmadou Ahidjo, n’a utilisé que quatre Sgpr en 25 ans de pouvoir tandis que Paul Biya a déjà travaillé avec 14, en 34 années de pouvoir. Sur les 16 responsables ayant occupé cette stratégique fonction ou son équivalent, quatre sont du Grand- Nord (soit un dans l'Adamaoua, un à l'Extrême- Nord et deux ressortissants du Nord). Mais surtout, «Depuis le retour au multipartisme en 1990, le Président Biya semble réserver à chaque Secrétaire général, la charge de suivre de près une importante élection nationale», souligne l’auteur. Voilà qui est donc clair

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