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© L’Oeil Du Sahel : DOUWORÉ OUSMANE
- 08 Feb 2016 01:00:00
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CAMEROUN :: SCANNERS MOBILES : Cacophonie gouvernementale autour de l’inspection douanière :: CAMEROON
Le choix du prestataire devant les installer et gérer aux ports et aéroports du Cameroun oppose le Premier ministre, le SGPR et le ministre des Finances.
C’est une histoire bien camerounaise, où le bon sens semble parfois se loger dans les anfractuosités de l’inavouable. Il s’agit de la décision du gouvernement de choisir un nouvel opérateur pour procéder à l’inspection douanière dans les ports et aéroports, mais aussi dans les points d’accès terrestres du Cameroun. Une opération qui prend une toute autre ampleur au regard de la menace terroriste que subit le pays, une menace qui prend la forme d’incursion de la secte terroriste Boko Haram à partir de l’étranger. Jusqu’en 2008, c’est la Société générale de surveillance qui était chargée de procéder à l’inspection douanière au Cameroun; et son contrat, bien que non formellement renouvelé, a continué à être exécuté. Ce qui n’a pas échappé aux Américains.
En 2013, American Science and Engineering, société américaine spécialisée dans la sécurité, notamment les scanners mobiles et fixes, fait une offre au gouvernement du Cameroun. Le 26 novembre 2013, Louis Paul Motaze, alors secrétaire général des services du Premier ministre, écrit au ministre des Finances. Il lui fait parvenir l’offre de American Science and Engineering (AS&E) pour une exploitation concertée avec le Guichet unique des opérations du commerce extérieur (Guce), ainsi que le Port autonome de Douala (PAD), dans le cadre du projet de dématérialisation des procédures du commerce extérieur. Alamine Ousmane Mey a reçu cette correspondance, mais n’y a jamais donné suite.
En début août 2014, le président américain Barack Obama convie le président Paul Biya au sommet Afrique-Etats-Unis à Washington. Le management de American Science and Engineering saisit l’occasion de cette présence qui ressemble à un marketing du pays pour faire directement l’offre des scanners mobiles à Paul Biya. Le 23 septembre 2014, le directeur de cabinet de Philemon Yang relance le dossier déjà mentionné par Louis Paul Motaze plus d’un an plus tôt. Ghogomu Paul Mingo transmet une nouvelle fois, pour examen, l’offre de American Science and Engineering, représentée au Cameroun par TransAtlantic Business Consulting (TBC).
La direction générale des Douanes est saisie le 28 septembre 2014 pour tester les scanners mobiles. Minette Libom Li Likeng, alors directrice générale des Douanes, met en place une équipe spéciale devant procéder aux essais au port et dans la ville de Douala. L’opération est baptisée Sphynx. Les résultats obtenus pendant cette période de test, qui commence en avril 2015, sont édifiants. En trois mois, la douane camerounaise a scanné plus de 12 000 conteneurs, là où les résultats passés affichaient 3 000 conteneurs scannés en douze mois. Ce filtrage avancé a permis de déceler de nombreux cas de fraude, y compris certains qui avaient déjà franchi le scanner de la SGS. Bilan des courses, ce sont 5,4 milliards Fcfa environ de frais de douanes compromis qui ont été recouvrés, grâce à l’effet cumulé d’une meilleure inspection et de la peur du gendarme. Le cas le plus emblématique reste les 30 tonnes d’emballages plastiques non biodégradables saisies à Bekoko, à la sortie ouest de Douala.
L’importateur les avait dissimulés derrière des produits alimentaires. Seulement, il ignorait que la technologie ZBV permet de détecter audelà des matières organiques. Ces emballages plastiques interdits ont été détruits par le ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable.
AVIS FAVORABLE ET INSTRUCTIONS
La direction générale des Douanes est sous le charme de cette technologie. Minette Libom Li Likeng fait un rapport circonstancié au Minfi, avec un avis très favorable au regard des résultats obtenus. C’est que, le scanner mobile a aidé à décongestionner le port de Douala, qui frôlait à l’époque la paralysie. L’autorisation du Minfi est attendue pour conclure un accord avec ce partenaire qui semble donner satisfaction. A la vérité, American Science and Engineering n’est pas que le promoteur de la technologie de scanner ZBV, c’est aussi un fournisseur de solutions de sécurité.
A ce titre, il est partenaire des forces de défense et de sécurité de l’Etat. Ce qui en fait un acteur important dans la lutte contre les menaces sécuritaires de divers ordres auxquelles la guerre contre Boko Haram expose le Cameroun. Malgré ces atouts et les atours de la société américaine, le Minfi n’est pas sur la même longueur d’ondes que la directrice générale des douanes. Alamine Ousmane Mey travaille sur le renouvellement du contrat de la SGS, qui semble avoir sa préférence. A la vérité, le Minfi a reçu le projet de renouvellement de la concession de la SGS de la présidence de la République, avec une instruction non écrite de le faire aboutir. Et c’est là que tout se complique pour les esprits simples. Car, le 25 août 2015, le secrétaire général de la présidence de la République rappelle au ministre des Finances l’offre d’American Science and Engineering, dont il demande, sur «très hautes instruction du chef de l’Etat», qu’attache soit pris avec le représentant local pour «examiner de concert avec le ministre des Transports» son offre de coopération.
La formule rituelle suivante finit la correspondance : «Vous voudrez bien me rendre compte des conclusions de vos concertations, pour la très haute information du chef de l’Etat». Pourtant, ni American Science and Angineering, ni TransAtlantic Business Consulting, son représentant, ne seront consultés. Aussi, le Premier ministre décide-t-il de prendre le taureau par les cornes. Le 24 décembre 2015, il crée une Task force chargée «d’examiner les modalités d’optimisation de l’inspection des conteneurs et du fret dans les ports et aéroports du Cameroun et de la surveillance des flux aux frontières ».
Pendant deux mois, elle fera l’état des lieux des dispositifs existants et, entre autres, recensera et évaluera techniquement, financièrement et juridiquement les offres reçues par le gouvernement dans ce domaine. En termes simples, il s’agit pour ce groupe de travail de soumettre au Premier ministre un rapport d’analyse comparée des offres de SGS et de AS&E. Le ministère des Finances est représenté dans ce groupe de travail, qui s’est réuni la première fois en début janvier 2016, par le conseiller technique Charles Tawamba.
Quelques jours plus tard, le Minfi accélère la procédure de mise en oeuvre de la collaboration avec la SGS, en demandant au chef secteur de Douanes du Littoral 1, Nestor Demanou, de prendre des dispositions pertinentes en vue d’aménager un espace pour l’implantation des nouveaux scanners de la SGS. Une démarche qui est en porte-à-faux avec celle du Premier ministre qui attend le rapport du Groupe de travail sur sa table à la mi-mars 2016. En attendant, c’est la cacophonie qui se poursuit.
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