Générosité de circonstance ou basculement durable des attitudes vis-à-vis de lʹexclusion? Cette année plus quʹà lʹaccoutumée, le mouvement des églises dites réveillées est particulièrement important vers les plus démunis.

Dès le début décembre, on recevait plus dʹune dizaine dʹappels par jour. Les gens nous disaient: «pardon, pensez à nous». Dans nos traditions, Noël est une fête familiale. C’est pourquoi nous voulons apporter notre touche pour que les gens de la rue se sentent moins seuls», confesse le révérend Hugues Bessomo, de l’Eglise pentecôtiste de la Fraternité de Nkomo (Yaoundé IV). Même chose à l’Eglise des Béatitudes célestes, qui envisage organiser un réveillon pour 160 enfants de la rue au quartier Fouda. «Partager ce moment avec des gens du bas peuple est ce qui nous guide», souligne Kenneth Njongwen, lʹun des piliers du clergé. LʹEglise pentecôtiste du Salut (paroisse de la Briqueterie) annonce un réveillon pour les personnes en grande difficulté, au Palais des sports: 400 invitations ont été distribuées dans les centres dʹaccueil pour SDF. Un repas de Noël est aussi prévu dans tous les lieux dʹhébergement dʹurgence dans la capitale et ailleurs.

Vertu pédagogique.

Pour mettre en oeuvre ce dispositif, tous ces mouvements «réveillés» ont eu recours à plusieurs dizaines de bénévoles occasionnels qui viendront épauler les équipes paroissiales. Parmi eux, Pierre, 30 ans: «Moi, jʹai eu une vie heureuse. Tout a toujours bien marché pour moi. Je pense que lʹon ne peut pas toujours recevoir. Il faut aussi parfois donner. Je considère que lʹon est dans une société où beaucoup de gens restent sur le bord de la route. Je me suis porté volontaire pour agir à ma porte, en bas de chez moi» camer.be, argumente ce «né de nouveau ». Mais les volontaires de dernière heure ont souvent trouvé porte close. «Nous avions 400 postes à pourvoir pour le réveillon. Nous avons eu 500 demandes. On a dû refuser les derniers candidats», explique la révérende Jessica Moluh, responsable de lʹopération «Noël ensemble» au Faith Bible Church de Tsinga.

Pour le prélat, ces soudaines vocations caritatives ont une vertu pédagogique. «Les gens prennent conscience quʹil faut faire quelque chose pour Noël. Cela sert à leur montrer ce quʹest une opération de bénévolat.» Pour Stéphanie, jeune pharmacienne et nouvelle recrue de lʹéglise Jésus Sauveur et Guérisseur de Biteng, «cela répond à un problème: amener le chrétien à forcer un peu son égoïsme». Au soir du 24 décembre 2015, elle installera en compagnie de plusieurs autres «frères» un sapin, décorera les grilles, et lʹordinaire sera amélioré dans un centre d’accueil qui reste à déterminer. Si le nombre d’églises se souciant des démunis risque fort de décroître après la période des fêtes, celui des personnes dans la précarité restera, lui, constant.