Cameroun: L’ affaire Harissou, un an après
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Cameroun: L’ affaire Harissou, un an après :: CAMEROON

27 août 2014-27 août 2015. Accusé d’ « atteinte à la Sûreté de l’Etat », le notaire attend toujours que l’accusation en apporte les preuves.Dans un ouvrage intitulé « Bienvenue à l’Extrême-Nord, radioscopie d’une province et de ses personnalités incontournables», Aimé Robert Bihina et Eric Benjamin Lamère, tous
deux journalistes, avaient cherché des superlatifs les plus absolus pour parler de lui. « Explosif, un tantinet exubérant, doté à la fois d’un sens de l’humour qui peut être décapant et d’une vive intelligence, Me Abdoulaye Harissou est ce qu’on appelle une personne d’agréable compagnie. 

Cette tête couronnée du notariat au Cameroun dont la profession cultive volontiers le secret est loin d’être un homme effacé. Bien au contraire, il est plutôt une sorte de star dans son genre qui ne passe pas inaperçu et sur qui toutes sortes d’histoires se racontent », écrivent-ils dans leur livre.

Interpellé le 27 août 2014 à Maroua dans les services du gouverneur de l’Extrême Nord où il avait été convoqué quelques jours plus tôt, Me Abdoulaye Harissou est conduit manu militari à Yaoundé et placé en « détention » à la Direction générale de la recherche extérieure (Dgre). 

Accusé d’« atteinte à la sûreté de l’Etat », sur la base d’ « indices », Me Harissou passe 31 jours à la Dgre, interdit de toute visite ou même de la moindre assistance judiciaire, son avocat ayant été refoulé de la Dgre à chacune de ses tentatives d’entrer en contact avec son client. L’Union africaine, l’Union internationale des notaires, la Francophonie, des organismes où Me Harissou a exercé comme consultant ou comme membre montent au créneau pour dénoncer la «
détention abusive » du notaire.

Aboubakar Siddiki

Le 26 septembre 2014, Me Harissou est transféré à la prison secondaire du secrétariat d’Etat à la Défense (Sed). Le 3 octobre 2014, après sept jours de garde à vue au Sed, Me Harissou est présenté devant le commissaire du gouvernement du Tribunal militaire de Yaoundé. Le 6 octobre dans la soirée, il est transféré non pas à la prison centrale de Yaoundé, mais à la prison principale de Yaoundé. Celle-ci est située à un jet de pierre de la prison de Kondengui, juste en face de l’école publique de ce quartier. Il y est détenu avec son coaccusé Aboubakar Siddiki et une soixantaine de personnes soupçonnées d’être des complices des membres de Boko Haram. 

Le 21 octobre 2014 une information judiciaire est ouverte contre lui et Aboubakar Siddiki. Ils sont inculpés par le chef d’escadron Aline Mbia Ondoua, juge d’instruction au Tribunal militaire. 

Quatre chefs d’accusation leur sont imputés:«outrage au président de la République «hostilité contre la patrie et révolution », «complicité d’assassinat», et « port et détention illégale d’armes de guerre ».

D’après la Dgre qui a transmis ses éléments d’accusation à la justice militaire, les attaques qui ont eu lieu à l’Est du Cameroun, et en particulier dans la localité de Gbiti seraient l’œuvre des hommes d’un certain Ali Garba alias Dougsaga (ce dernier a été entendu à l’hô- tel phœnix de Ndjamena au Tchad par des hommes de la    Dgre), avec pour commanditaires Me Harissou et Abdoulaye Sidiki. Me Abdoulaye Harissou est alors accusé d’être le cerveau d’une organisation criminelle visant à déstabiliser le Cameroun à partir de la République Centrafricaine.

Depuis l’ouverture de l’information judiciaire en octobre 2014, Me Harissou a fait l’objet de deux interrogatoires, notamment, celle du 26 mars 2015 et celle 19 mai 2015. Au cours de ces auditions menées le capitaine Bernard Tuete, qui a remplacé Aline Mbia Ondoua comme juge d’instruction, Me Harissou a tenté de démontrer son innocence.

Témoins

Accusé sur la base d’écoutes téléphoniques, d’avoir été en contact les 16 et 17 octobre 2013 et les 16 et 17 novembre 2013 avec les rebelles qui ont mené les attaques aux frontières de l’Est, Me Harissou a indiqué qu’à cette période il se trouvait hors du pays et que son roaming ne fonctionnait pas.

D’après des sources proches de l’enquête, il cite comme témoins l’ex-président de la Cour suprême, Alexis Dipanda Mouelle, le président de la Conac, Dieudonné Massi Gams et le journaliste Zachary Ngniman avec lesquels il se trouvait dans un forum à Bruxelles. Il cite également le premier conseiller de l’ambassade du Cameroun en France, M. Atangana, avec qui il a pris part au déjeuner des ambassadeurs d’Afrique francophone offert par le Conseil supérieur du
Notariat Français.

Marafa

Par ailleurs, les listings des appels de septembre, octobre, novembre et décembre de Me Harissou ont été ressortis. Tout comme l’ordinateur d’Aboubakar Siddiki, son coaccusé, a été récupéré après une perquisition effectuée à son domicile. Des «scellés » exploités par le Dr. Georges Bell Bitjocka, expert judiciaire en cybercriminalité et cryptologie commis par le juge d’instruction Bernard Tuete pour mener une expertise.

Son rapport a été notifié à l’accusation et à la défense la semaine dernière, notamment, jeudi, 20 août 2015. Ils ont dix jours pour transmettre leurs observations au juge d’instruction. D’ores et déjà des interrogations transparaissent.

Ce rapport évoquet-il des conversations entre Siddiki et Harissou ? Des échanges de courriels entre Siddiki, Harissou et Marafa Hamidou Yaya ont-ils été découverts ? Si cela est établi quels en sont les contenus ?

Selon toute vraisemblance, ces questions devraient avoir trouvé des réponses, des précisions ou des clarifications dans le rapport de l’expert, à la suite des arguments avancés par l’accusation.

Cette affaire a fini par propulser Me Harissou au-devant de la scène. Lui, se défend de n’avoir orchestré aucune tentative d’attentat. «La Dgre est convaincue que c’est moi qui fait le lobbying de Marafa et gère sa supposée fortune. Donc il fallait m’éliminer. Voilà la principale raison de mon arrestation et de mon incarcération », pense Me Harissou.

© Le Jour : Eitel Elessa Mbassi

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