Deux semaines avant le début de la Can, je me suis amusé à poster un article que j’avais commis pour votre journal sur ma page facebook. Le texte en question posait le problème du retour d’Alexandre Song, d’Aurélien Chedjou et de Carlos Kameni dans la tanière. Je ne vous dis pas le flot d’injures qui ont essaimé ma page. Pour une immense majorité d’internautes ayant réagi, mon article s’apparentait à une tentative de déstabilisation d’un groupe soudé autour de son capitaine Stéphane Mbia et de son sélectionneur Volker Finke.

Jeudi dernier, juste après l’élimination des Lions, un ami m’apostrophe en ces termes. « Comment pouvez-vous laisser un joueur comme Song qui fait une belle saison à Westham pour emmener des ‘‘mouilleurs’’ comme Mbia qui nous impose son frère ? » Son propos est vivement soutenu par des passants qui l’ont entendu s’exclamer. Le capitaine des Lions a beau demandé « PARDON » sur sa page facebook, rien n’y fait. Il est aujourd’hui la cible des attaques nourries d’une opinion bien alimentée par les fables de journalistes proches de Samuel Eto’o.

Alexandre Song qui était il y a encore moins de deux mois l’un des hommes les moins fréquentables du pays est réclamé à cor et à cri par le très versatile peuple camerounais. On était soulagé du départ d’un Samuel Eto’o finissant et asphyxiant et voilà qu’on le remet en scelle comme étant « celui qui aurait pu marquer 3 ou 4 buts dans un match » (dixit Milla). Sans même réaliser que notre « Pépé Pichichi » ne supporte plus deux séances d’entrainement quotidiennes. Il est comme ça le peuple. Il vogue au gré de ses pulsions, de ses aspirations, de ses joies, de ses victoires, de ses échecs. C’est la doxa, la masse. Elle est nombreuse, massive, généreuse, mais pour parodier Gaston Bachelard nous dirons qu’elle pense mal, qu’elle ne pense pas.

Alors il lui faut une boussole. Il lui faut des guides. Pour lui dire que les fours crématoires qu’elle prépare pour Finke sur l’instigation  d’une presse amnésique et rongée par la vénalité ne construiront pas un stade de plus au Cameroun. Pour affirmer que maudire Mbia et son frère ne formera pas un joueur de plus. Pour lui rappeler que nous avons viré quatre entraineurs en quatre ans sans enrayer la dégringolade de nos Lions qui ne font plus frémir le moindre agneau. Que nous pouvons chasser, rappeler, aimer, honnir, sans que cela n’ajoute une brique de plus dans les chantiers de ces gymnases et de ces stades qu’on se lasse d’attendre. De fait, au lieu de dire avec l’imminent « Professeur de Tout » Messanga Nyamding que « Finke est très méchant », il convient une fois pour toute d’éduquer les Camerounais sur la place réelle de notre football qui ne vit plus que de ses mythes et de son passé.

Le peuple a besoin qu’on lui dise sinon il pousse des cris de désespoir et se fourvoie dans le noir. Comme en Tunisie où il n’a pas compris qu’un match peut se gagner ou se perdre sur une erreur d’arbitrage. Le racisme anti-noir s'est une nouvelle fois manifesté sous sa forme la plus abjecte après le match Tunisie- Guinée Equatoriale. Dans la nuit de samedi à dimanche 1er février, des agressions visant la communauté sub-saharienne se sont multipliées dans l'impunité, indique l’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (Aesat). Le journaliste Thameur Mekki a pour sa part dénoncé des «agressions des noirs après le match à Borj Louzir, où réside une importante communauté estudiantine subsaharienne (Gabonais, Congolais, Sénégalais...).

Dans ce contexte particulièrement tendu, c’est au pouvoir de Tunis qu’incombe le devoir de calmer cette masse en furie guidée par des reflexes ataviques et obscurantistes. Les voix du peuple sont comme les voies de Dieu. Insondables. Imprévisibles. Mais c’est dans la nécessaire déconnexion de la populace que jaillit la lumière de la vérité. Psalmodier les hurlements d’un peuple au bord de l’esclandre n’est pas la tâche de l’élite. Avec conscience et lucidité, elle doit montrer la voie et préserver le fair-play si indispensable en sport.