Crise anglophone : bon diagnostic et mauvais traitement
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Après les tueries de l’école Mother Francisca du 24 octobre 2020 à Buea, elles sont nombreuses, les réactions locales, nationales et internationales, qui toutes condamnent les meurtres sauvages des enfants innocents. Mais tous oublient que ces actes ne sont que la manifestation d’un mal plus profond, une manifestation parmi tant d’autres. A l’observation, tous veulent casser le thermomètre pour espérer soigner la fièvre.

Les médecins ont l’habitude de dire que la fièvre est un symptôme, ou plutôt un signal qui avertit qu’il y a un problème plus profond. En conséquence, tout en administrant des premiers médicaments pour la faire baisser, ils recommandent des examens plus approfondies, allant de la prise de sang pour une analyse de la numération formule sanguine au test d’urine, en passant par bien d’autres.

Et à chaque fois tous les échantillons prélevés sont passés au scanner à travers un microscope pour observer jusqu’aux moindres détails la composition, question de détecter tout corps étranger qui peut s’y trouver ou un développement anormal de l’organe, ou l’association des deux.

L’objectif final étant d’extirper ou d’atténuer les effets néfastes relevés. Plus souvent aussi, pour trouver le médicament efficace à un mal détecté, ils procèdent par antibiogramme, c’est-à-dire qu’ils prélèvent le microbe trouvé et l’expose à plusieurs molécules médicamenteuses pour identifier celle qui a le plus d’effet.

Dans la résolution de la crise anglophone, de bonnes intentions allant dans le sens de cette démarche méthodique de recherche de la cause pour mieux y appliquer une thérapie appropriée avaient été à un moment été manifestés, notamment par la mise sur pied de la commission Musonge, appelée Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme.

Diagnostic….

C’était le 23 janvier 2017. Deux mois après, le 15 mars de la même année, les membres étaient nommés, avec à la tête l’ancien premier ministre Peter Mafany Musonge. Les 15 membres étaient présentés comme étant choisis dans différents milieux sociaux professionnels, pour constituer un riche brassage culturel de personnalités. Les missions qui leur étaient assignées au départ étaient la promotion du Bilinguisme, du Multiculturalisme et du vivre ensemble, y compris l’accomplissement des missions de médiations. A ce titre, elle a effectuée en 2018 une mission dénommée « missions d’écoute des populations » dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Du 30 mai au 1er juin 2018, elle était à Bamenda, où elle a tenu une rencontre à laquelle ont pris part toutes les couches sociales. Parmi les participants ayant pris la parole pour faire des propositions, on comptait le président du Sdf, des parlementaires de tout bord, des universitaires, des Chefs traditionnels, des autorités religieuses, des conducteurs de moto taxi, des « bayam sellam », des journalistes, des jeunes filles et garçons, des membres de la société civile, des hommes d’affaires et autres.

De manière sincère et libre, tous les participants se sont libérés, sans tabou et sans crainte. Des propositions faites par l’assistance on peut retenir « l’initiation d’un dialogue franc, sincère et inclusif entre le gouvernement et les Anglophones, l’ouverture d’un débat sur le fédéralisme, l’abolition de la loi sur le terrorisme, l’institution de l’équité et l’impartialité comme socle de l’unité nationale, le retour au Cameroun de tous les réfugiés actuellement au Nigeria, le retour de la dépouille du président Ahmadou Ahidjo, l’amnistie générale aux personnes emprisonnées dans le cadre de cette crise dite anglophone, l’instauration de la double nationalité. »

Ces propositions sorties du fond du cœur ont été couchées dans un rapport et remis au président de la République sous l’autorité de qui travaille la Commission. En reprenant l’image du travail du médecin, on peut dire que ces propositions représentent ce que l’examen au microscope des prélèvements a donné, et il ne restait plus qu’à les prendre en compte dans le processus de résolution du problème, comme le ferait le médecin traitant.

…ignoré

Mais à ce jour, aucune de ces propositions n’a été prise en compte. Ni le dialogue franc et inclusif, que certains appellent Commission vérité-réconciliation, ni l’ouverture du débat sur le fédéralisme, ni le retour des réfugiés du Nigéria, ni l’amnistie en faveur de toutes les personnes interpelées dans le cadre de cette crise. Dans le même intervalle de temps, le gouvernement a pourtant testé beaucoup de solutions dans la résolution de cette crise, sauf celles de la Commission Musonge, qui datent de mai 2018.

A cette date, il n’y avait pas Ayafor ni Comfort, il n’avait pas les 10 enfants de Ngarbuh ou les 7 autres de Mother Francisca à Kumba. Si après culture d’antibiogramme le médecin laisse de côté la molécule à laquelle le microbe a réagi pour prescrire une autre, il y a lieu de se poser des questions, y compris celle de savoir s’il ne veut pas simplement prolonger la maladie pour mieux gagner de l’argent dans la vente des médicaments.

La commission Musonge aurait pu servir à quelque chose si la sincérité était une vertu connue en haut lieu. Mais ses conclusions ignorées, elle est aujourd’hui un organe comme tous les autres, budgétivore, réduite à se réunir pour voter son budget et ensuite faire des séminaires d’imprégnation pour le consommer. Elle a tenue sa première session semestrielle pour l’année 2020 en janvier et a adopté son budget à hauteur de 2 980 000 000 fcfa.

Sa dernière activité connue est la réception le 6 octobre 2020 de l’ambassadeur de la Guinée Equatoriale au Cameroun, après avoir également reçu l’ambassadeur du Canada le 29 septembre 2020. Plus tôt dans l’année ont peut relever le séminaire spécial pour mieux cerner les contours de la loi 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun tenu les 27 et 28 février 2020, ou la cérémonie de présentation de vœux de nouvel an organisée quelques jours plus tôt.

Les réactions notées çà et là aujourd’hui suite au drame de Kumba traduisent une émotion humaine certes, mais risquent de s’évanouir aussi vite qu’elles sont nées, parce que tous tournent autour du problème et s’attardent sur l’une de ses manifestations. Le corona virus qui fait l’actualité se manifeste de plusieurs façons : toux, rhume, fièvre, fatigue, difficulté respiratoire et autre. Tout comme la crise anglophone se manifeste de diverses manières : tueries barbares, kidnapping, incendies des édifices publics et privées, pillage et autres.

Et comme pour la maladie, il ne s’agit pas de contenir la fièvre et croire que la maladie est finie, il s’agit de dessoucher le virus dans son entièreté. Appliqué à la crise anglophone, le gouvernement n’a qu’à sortir du tiroir et dépoussiérer le rapport du premier diagnostic et appliquer le traitement auquel le microbe a réagi, à savoir les propositions de la Commission Musonge. Cette commission coûte quand même 3 milliards au contribuable camerounais chaque année.

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