Camair-Co : Privatiser, pour éviter le crash
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La désignation, le 27 mai 2019, de Louis Georges Njipendi Kouoto comme Directeur général de Camair-Co par le Conseil d’administration de l’entreprise, dont il était alors le président, n’avait pas surpris grand monde. Ernest Dikoum, qui dirigeait l’entreprise depuis le 22 août 2016, avait ses résultats contre lui : en décembre 2016, soit quatre mois après son arrivée à la tête de l’entreprise, celleci cumulait 65 milliards Fcfa de dettes, selon le rapport 2019 de la Commission technique de Réhabilitation des entreprises publiques (CTR).

Et malgré la mise en oeuvre d’un ambitieux plan de relance du transporteur public camerounais axé sur une chasse aux coûts et un recentrage de l’exploitation sur le marché domestique, les données financières de l’entreprise ne s’amélioraient guère : la dette totale de l’entreprise avait explosé à 76 milliards Fcfa selon les données de la CTR; le chiffre d’affaires avait reculé de 16,1 milliards Fcfa en 2016 à 15,1 milliards Fcfa en 2017 selon l’édition 2019 du «Tome Vert», annexe de la loi de Finances édité par le ministère des Finances et qui présente et analyse la situation financière détaillée des entreprises et établissements publics, ainsi que celle des entreprises dans lesquelles la participation de l’Etat au capital social est minoritaire. Selon la CTR, ce chiffre d’affaires était même tombé de 14,03 milliards Fcfa à -4,3 milliards Fcfa.

Les charges d’exploitation, que Ernest Dikoum s’était pourtant engagé à réduire dans le cadre de son plan de relance, étaient passées, selon le Tome vert 2019, de 47,09 milliards Fcfa en 2016, à 54,2 milliards Fcfa en 2017 (ce malgré une réduction des effectifs de 754 personnes souscontrat en 2016, à 596 personnes à 2017 selon la CTR et une réduction des charges de personnel de 7,8 milliards Fcfa en 2016 à 7,6 milliards Fcfa en 2017 selon le Tome vert 2019), contribuant, avec d’autres indicateurs, à dégrader les résultats d’exploitation qui étaient passés, selon les deux sources suscitées, de -3,2 milliards Fcfa en 2016, à -12 milliards Fcfa en 2017.

Les difficultés budgétaires de l’état qui en est l’unique actionnaire, et dont se plaignait de plus en plus Ernest Dikoum sont simplement venues sceller son sort. En décidant de son remplacement par le PCA de la compagnie, le chef de l’Etat espérait sans doute que le nouveau DG, grand connaisseur de la «maison», parviendrait à faire redécoller le transporteur camerounais. Il semble que le Président Paul Biya n’a guère eu la main heureuse…

Alerte

C’est une « alerte du Commissaire aux comptes», Pierre Okalla Ahanda, datée du 18 juin 2020 et adressée au Président du Conseil d’administration de Camair-Co, Jean Ernest Masséna Ngallé Bibéhè, par ailleurs ministre des Transports, qui est venue documenter encore l’irréversible descente aux enfers de la compagnie. «Camair-Co ne dispose actuellement d’aucun aéronef en état d’opérer: Le seul Aéronef MA 60 susceptible de voler à brève échéance est en attente de pièces de rechange; les deux Boeing 737-700 NG nécessitent d’importants travaux de maintenance; de même que le Boeing 767 « Le Dja » ; le personnel cumule actuellement quatre mois d’arriérés de salaires pour une masse salariale mensuelle d’environ 500 millions de francs CFA.

L’ensemble des effectifs est en poste malgré l’arrêt total des activités et les perspectives aléatoires de reprise de vols; les pertes annulées au 31 décembre 2018 étaient de 99 166 756 127 FCFA auxquelles il faudrait ajouter une perte prévisionnelle de 15 milliards de francs CFA en 2019 et 12 milliards de francs CFA au titre du premier semestre 2020, pour un capital social de 21 856 000 000 FCFA ; une dette colossale estimée à environ 113 milliards de francs CFA au 31.12.2018», énumère le Commissaire aux comptes qui invite son destinataire, à lui faire connaître «les mesures envisagées pour éviter une cessation de paiements voir une dissolution de la Camair-Co».

«C’est en application des dispositions ci-dessus que nous lançons la présente procédure d’alerte. En effet, nous avions déjà relevé dans notre rapport de Commissariat aux Comptes au titre de l’exercice 2015 émis le 9 Avril 2018, que les capitaux propres de CAMAIR-CO étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social et que l’Assemblée Générale devait décider s’il y a lieu de procéder à la dissolution anticipée de la société ou non», rappelle le Commissaire aux comptes. Qui poursuit : «Par résolution n002/AGE/05/2018 du 25 mai 2018, l’Assemblée Générale extraordinaire de CAMAIR-CO a décidé de la poursuite des activités de la société. A la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, la situation décrite ci-dessus n’avait toujours pas été régularisée comme le stipule l’article 665 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique».

On le voit, face à un modèle économique aussi ruineux, seule une gestion rigoureusement assise sur des impératifs de rentabilité, peut parvenir à sortir le transporteur camerounais de ce cercle vicieux. Une ouverture du capital au privé, pourrait y aider.

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