MASSACRE DE NGARBUH : DES GRAVES CRIMES CONTRE L’HUMANITE QUI NOUS INTERPELLENT TOUS !(Rapport)
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Nous, Coalition des organisations de la société civile pour les droits de l'homme et la paix dans les régions anglophones et autres régions affectées (la Coalition), créée en décembre 2019, par 32 OSCs camerounaises des droits de l’homme, en raison de la crise anglophone actuelle, souhaitons porter à :

L'ATTENTION DE LA COMMUNAUTE NATIONALE ET INTERNATIONALE LES FAITS SUIVANTS :

1. Suite à l’alerte reçue de nos membres sur le terrain, aux informations alarmantes circulant sur les réseaux sociaux et faisant état d'un énorme massacre des femmes et enfants au village Ngarbuh 3, Arrondissement de NDU, Département de Ndonga-Mantum, dans la région du Nord-Ouest du Cameroun la Coalition a mis en place une mission d'enquête Pro-bono dans le cadre de la Surveillance, Documentation et Reportage (SDR) en droits humains, en vue de faire la lumière sur cet horrible incident de violations des droits de l'homme,

2. Après avoir constaté les graves dommages humains et matériels, et discuté avec des témoins oculaires et des survivants, ladite mission a établi les faits suivants.

3. Le massacre des populations civiles a eu lieu dans le village de Ngar 3 (également connu sous le nom de Ngarbuh 3), une localité agricole et très éloignée, située aux frontières de Wibum et Nso (arrondissement Ndu et Nkum).

4. Dans la nuit du Jeudi 13 février 2020, des éléments armés appartenant à l’armée camerounaise, accompagnés par des bergers locaux et d'autres milices armées pro-gouvernementales, ont campé dans les villages voisins de Ngar 3 (Chii et Fiiru).

5. Le vendredi 14 février 2020, vers 3 heures du matin, alors que les villageois dormaient, une attaque a été lancée dans le village de Ngar 3 depuis Fiiru par une opération conjointe composée de six militaires, trois hommes armés appartenant aux ex-combattants des forces de restauration de l’Etat virtuel d’Ambazonie et de nombreux bergers. L’opération a consisté, entre autres, à brûler et à tirer partout.

6. Selon des témoins oculaires et des survivants, l’attaque était dirigée par l’ancien combattant qui a conduit un groupe armé ambazonien à Ngarbuh, le sieur Nfor Marcel appelé « Bullet ». Il a mis un terme à la guerre, il y a plus d'un an et a rejoint en ce moment le Comité National de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (CNDDR), créé par le décret n° 2018/719 du 30 novembre 2018.

7. L’attaque était sanglante, personne n'a été épargnée, certains villageois ont été brûlés vifs et ceux qui n’ont pas pu se trouver un abri ont été tués par balles comme le démontre les corps des victimes éparpillées dans la brousse.

8. Les femmes enceintes et les enfants qui ont échappé aux coups de feu et aux coups de machettes, en s’abritant dans une maison, ont tous été brûlés vifs.

9. Certains survivants ont attesté que 13 maisons au total, concentrées sur des dizaines de mètres de rayon, ont été incendiées et que de nombreux villageois ont été brûlés vifs (beaucoup de corps sont d’ailleurs non identifiables). Plusieurs personnes sont portées disparues à la suite de ce raid.

10. Parmi les 35 corps découverts jusqu'à présent, trois (3) étaient ceux des femmes enceintes, et trois (3) des enfants appartenant à une famille d'environ 9 personnes tuées.

11. Parmi les victimes, neuf (9) hommes, sept (7) femmes et 14 enfants, dont trois de moins de trois ans. Plusieurs corps calcinés non identifiés.

12. Après le massacre, les villageois disent avoir reçu une alerte provenant selon eux du chef du village de Ntumbuw (Ngarbuh en est un quartier) qui relayait ainsi les menaces de certains soldats, leur disant qu’ils avaient trois jours (72h) pour quitter les lieux, sinon ils devaient s’attendre au pire.

13. Après le départ des militaires, certains villageois aidés par quelques pasteurs et des combattants ambazoniens, ont enterré les victimes le samedi 15 février 2020 dans de nombreux charniers.

14. Il est possible que le nombre de morts soit revu à la hausse, car beaucoup sont encore couchés dans des conditions critiques dans certains hôpitaux notamment à l'hôpital Baptiste de Banso (comme c’est le cas d'une femme enceinte, Mme Shuka Ngon, âgée de 30 ans, opérée immédiatement après son arrivée à l'hôpital après avoir été gravement torturée avec pour conséquence le décès du bébé qu’elle portait). Des villageois continuent de rechercher certains membres de leur famille dont ils n’ont pas de nouvelles depuis l’attaque.

15. Selon des témoignages, certains éléments de l’armée impliqués dans l’attaque sont retournés sur les lieux quelques heures après pour intimider et procéder à la saisie des téléphones portables des habitants dudit village. Cela a involontairement poussé de nombreux habitants à se réfugier dans les buissons et les villages voisins.

16. 48 heures après le massacre, le 16 février à 11 h 29mn sur la page Facebook du programme de désarmement, démobilisation et réintégration, notamment le Comité national pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (CNDDR) a mentionné que les «Amba veulent que leurs enfants meurent afin qu'ils pleurent pour le génocide et que, dans la mesure où les combattants ambazoniens continuer d'exister, tous les corps, y compris les enfants, continueront d'être ciblés ». Sur cette même page on peut aussi lire "Tant que les garçons Amba existent dans vos communautés, il y aura des victimes, et certains d'entre eux seront des enfants. C'est ce qu'on appelle des dommages collatéraux. AmbaFools s'assoient à l'étranger et dit, nous devons casser des œufs pour faire une omelette ".

17. Environ 72 heures après le massacre, dans le communiqué de presse radio N°0104/CRP/MINDEF/019 du 17 février 2020, signé par le capitaine de Frégate, le Colonel ATONFACK GUEMO, chef de la Division de la communication, «Le Ministre Délégué à la Présidence Chargé de la Défense dément formellement ces allégations mensongères, et précise, à la lumière des informations méthodiquement et professionnellement recoupées qu'il s'agit tout simplement d'un malheureux accident, conséquence collatérale des opérations de sécurisation en cours dans la Région» et a conclu que le meurtre de civils et la destruction de biens à Ngarbuh résultaient d'une confrontation militaire avec des séparatistes, car l'armée était en train de déloger une base des séparatistes.

18. Selon des sources concordantes, il y a lieu de noter que de tels phénomènes s’étaient déjà produits à ballikumbat, dans de département de Ngoketunjia, à Babanki Tungo, dans le département de la Mezam, dans les localités de Bangem, Ndoh, Muyenge, Ekata dans la Région du Sud-Ouest et aucun rapport d’enquête n’a été publié.

19. Selon des informations disponibles, des attaques sont récurrentes dans les villages. Celles-ci ont été ces derniers temps perpétrés par les groupes armés séparatistes qui se donnent à cœur joie dans les incendies des maisons, les enlèvements avec demande de rançon, tortures, traitements cruels inhumains et dégradants, etc.

20. Plusieurs tueries ont été commises en régions anglophones aussi bien par les éléments des forces de défense et de sécurité que par les groupes armés séparatistes au courant de ces derniers mois.

21. Depuis le début de la crise anglophone en octobre 2016, aucune enquête nationale n'a été menée malgré les multiples crimes de guerre recensés.

22. Il s'agit de violations graves des droits de l'homme au sens de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) de 1948, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966, de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) de 1981, de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT) du 10 décembre 1984, toutes ratifiées par le Cameroun.

23. Ces faits ci-haut présentés sont constitutifs de crimes graves (Crimes contre l’humanité, meurtres, tortures, attaques contre les populations civiles et notamment les pillages et les destructions des biens, etc…).

24. Seule une commission d'enquête internationale indépendante sera en mesure de clarifier les circonstances et de définir les responsabilités en peu de temps.

EU EGARD A TOUT CE QUI PRECEDE, LA COALITION:

1. Condamne sans équivoque les attaques armées contre la population civile dans les régions du Nord -Ouest et Sud-Ouest du Cameroun.

2. Constate, avec regret, que le gouvernement camerounais a manqué à ses engagements internationaux de protéger les civils d’une part, et de lancer immédiatement une enquête urgente et efficace sur toutes les allégations de violations des droits de l'homme contre ses forces de défense et de sécurité d’autre part.

2. Demande, avec insistance, une commission d'enquête internationale indépendante avec la participation impérative des défenseurs des droits de l'homme afin de clarifier toutes les circonstances et d'établir de manière claire et définitive des responsabilités dans un délai très court.

3. Demande, avec fermeté, au gouvernement camerounais de réparer les dommages et préjudices causés par cette attaque qu’il a honteusement qualifiée de « dommages collatéraux ».

4. Demande instamment que tous les acteurs de la chaîne qui ont contribué à quelque niveau que ce soit à l’attaque et au massacre des femmes et des enfants de Ngarbuh soient traduits en justice dans un bref délai.

5. Exige du Gouvernement camerounais, la mise en place urgente d’un dispositif de protection des témoins et des survivants ; ceux-ci sont des déterminants de la réussite des enquêtes et des poursuites dans le système de justice pénale.

6. Demande instamment au Conseil de sécurité, à l'Assemblée générale des Nations Unies, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies et aux organisations de défense des droits de l'homme de contribuer efficacement à mettre fin à l'impunité des acteurs de violations des droits de l'homme.

7. Prie, avec insistance, la communauté internationale et les pays amis du Cameroun, d’agir afin de persuader le gouvernement camerounais d'engager un processus de résolution du conflit à travers des négociations directes avec les chefs des groupes d'opposition armés.

8. Demande aux groupes armés de cesser leurs attaques contre les populations et les enfants.

9. Rappelle enfin aux parties en conflits (forces gouvernementales et groupes armés séparatistes) qu’elles sont liées par le Droit International Humanitaire (DIH) doivent répondre des massacres sur les populations civiles.

Fait à Yaoundé, le 18 février 2020

Par la COALITION DES ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE POUR LES DROITS DE L'HOMME ET LA PAIX DANS LES RÉGIONS ANGLOPHONES ET DANS D'AUTRES RÉGIONS AFFECTÉES

Pour la Coalition

Ont signé :

Le Coordonnateur National de la Coalition

M. NFORMI Willam NGENGE, (Volunteers for the Consolidation of National Unity)

Le Secrétaire Permanent de la Coalition, Mme Cyrille Rolande BECHON (Nouveaux Droits de l’Homme Cameroun)

Liste des Membres signataires de la Coalition :

Nom de l'organisation et nom du représentant

Volunteers for the Consolidation of National Unity (VOCONU), NFORMI William NGENGE (Coordonnateur National)

Mandela Center International, Jean Claude FOGNO (Coordonnateur National Adjoint)

Nouveaux Droits de l'Homme, Mme Cyrille Rolande BECHON (Secrétaire Permanent)

Human is Right CHAMANGO, Blaise Aimé (Secrétaire Permanent Adjoint)

Refugee Welfare Association Cameroon (REWAC), Mrs Rita ABIA (Coordonnateur Régional Nord-Ouest),

Association des Amis du Droit (AAD), POJUME Hugues (Coordonnateur Régional Spécial)

African Conscience, NGWEFUNI FRITZ NGHOPELIE

Footsteps for Women and Children-Cameroon (FOWEC-CAM), YUVEN Juliana

Solutions Cameroun, YIMGA Marie André

Sustainable Action for Community Development Cameroun (SACOD), CHEYEH Juluis Ngwan

Youth Development, Training and Protection Association (YDETPA), Mrs MARAH Lizette Ache

Community Assistance in Development (COMAID), Mrs FAHBEI Mabel

Community Human Right and Advocacy Center (CHRAC), FOTOH Titus

African Conscience, TARNTEH AMADU
Civil Society Platform for Democracy, Dr. Hilaire KAMGA

Tomorrow Children, RIENGOUON NJAYOU Mariama

South West Region of Human Right Association, NDOMI Justin B.

Integrated Devolpment Foundation (IDF), OUSSEMATOU Dameni (Coordonnateur Régional Adjoint, NW)

Children Care and Right Organisation, SOPGU KENNE Abraham

African Conscience, NJIMEKEH CLEMENT

Center for Reseach Education and Resources Distribution (CEREDEUP-TIKO), ATABONG Felico (Secretaire Régional, SW)

All Women Together, WEGUEM Ideline

SOS Jeunesse Libre ,TOMMY Pascale Cynthia

Indepedent HRD, AMBOH Gordon

Community Initiative for Justice Peace and Development, Nkanghapere Smella Shangha

African Conscience, NGONG MAGNUS

Liste de quelques victimes du massacre de Ngarbuh (Bamenda)

Famille Sika, tous les 7 morts

1. Sika Ibrahim (père) 45 ans

2. Sika Assana (mère enceinte)

3. Sika Amsa- 9 ans, class 4

4. Sika Alima - 7 ans, class 3

5. Sika Yamsi- 6 ans, class 3

6. Sika Yasimiratou - 12 ans, class 6

7. Sika Soliatou - 5 ans, class 1

Kwecheri Gladys et 8 autres victimes de sa famille, toutes mortes

8. Kwecheri Gladys

9. Shey Diana- 15 ans, class 6

10. Shey Midian - 13 ans, class 6

11. Shey Jude - 9 ans, class 3

12. Shey Tracy - 5 ans, class 1

13. Shey Cynthia - 6 ans class 2

14. Mary Angel - 4 ans, école maternelle publique

15. Berinyuy -5 mois

16. Janet Ya’a- 45 ans

Famille de Pa Abdulai Sunjo

18. Pa Abdulai Sunjo - 80 ans

19. Muamshatu- 30 ans

20. Famille de Pa Alidu Bah

21. Pa Alidu Bah - 75 ans.

22. Kinyui, femme - 60 ans

23. Mubela, femme - 7 ans.

BLESSÉS

24. Shuka, femme, 30 ans: (actuellement enceinte à l'hôpital baptiste de Banso. Elle a perdu la grossesse).

25. Justine, homme, 18 ans.

Enfants qui ont survécu au carnage

Famille de Sika

Shakira, femme, 12 ans

Usani, homme, 9 ans

Gambo, homme, 6 ans

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