TEMOIGNAGE : Comment on détourne les conteneurs au port de Douala
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Le directeur d’exploitation de l’entreprise publique a décrit devant le TCS le mode opératoire qui a facilité la sortie frauduleuse de milliers de conteneurs du port de Douala sans paiement des taxes portuaires.

L’interrogatoire interminable de Gerard Ambouam Minkoulou, le directeur d’exploitation au Port autonome de Douala (PAD), se poursuit devant le Tribunal criminel spécial (TCS). Depuis le 21 mars 2019, ce haut fonctionnaire est entendu comme témoin de l’accusation dans l’affaire de la sortie frauduleuse de milliers de conteneurs au port de Douala sans paiement des taxes afférentes entre 2013 et 2016. Un forfait qui a fait perdre pas moins de 6 milliards de francs au trésor public.

Le 29 et 30 octobre 2019, les avocats de la défense ont soumis M. Ambouam Minkoulou a un contre interrogatoire musclé. L’accusation a multiplié des objections pour tenter d’empêcher que son témoin ne réponde à certaines questions ; le concerné s’est lui-même montré mal à l’aise sur d’autres en optant de garder le silence : «je ne réponds pas à cette question». Il semble pourtant un témoin clef dans l’affaire. C’est sa lettre adressée au directeur général (DG) du PAD, le 28 septembre 2017, qui a mis le feu aux poudres. Dans cette lettre, il attire l’attention de sa hiérarchie sur «l’ampleur des dégâts» notamment la sortie frauduleuse de 4176 conteneurs du port de Douala dans des conditions décriées plus haut. L’évaluation n’était que temporaire à cette époque.

En effet, une équipe du PAD que le témoin a conduit était aussitôt chargée en compagnie du cabinet d’expertise comptable Inside Control de réaliser un audit sur la facturation des marchandises au port de Douala. Cet audit a mis en lumière une vaste mafia notamment l’enlèvement des milliers de conteneurs sortis de la place portuaire sur la base de fausses factures. Les utilisateurs de ces faux documents se rendaient directement auprès de DIT, le gestionnaire du terminal à conteneur (TAC) de Douala, «pour se faire délivrer le bon d’enlèvement ». Le portail des camerounais de Belgique (Camer.be) . Lors d’une précédente audience, le 26 août dernier, le ministère public a versé aux débats, entre autres pièces à conviction, le fameux rapport d’audit. Les conclusions de cet audit reproduit dans 9 volumes contient 3915 pièces comptables, financières, administratives ainsi que des factures délivrées pendant la période à problème.

Duplication de factures

Après l’admission du rapport, le témoin a commencé à décrire le mode opératoire de la vaste fraude. Il indique que l’audit a permis de découvrir la «duplication des factures» qui consiste en l’utilisation des séries de factures antérieurement en circulation au PAD. Sur ce cas, les faussaires se servaient en fait de la numérotation des factures régulièrement établies par le PAD pour en fabriquer de fausses qui étaient ensuite mises en circulation. De telle sorte que, détaille le témoin, «Le numéro de série de la facture existe au PAD mais avec une prestation différente». L’autre irrégularités consistait en «l’anticipation du numéro de série».

Les malfrats mettaient en circulation des factures comportant «un numéro de série de facture qui n’était pas encore enregistré dans le système informatique du PAD. Qui n’existait pas encore». Le numéro de série de 2015 se retrouvait par exemple sur une facture d’une prestation effectuée en 2016. M. Ambouam Minkoulou a expliqué que le système informatique au PAD «rend impossible la circulation de faux documents» du moment où tous les services sont en interconnexion. Ce qui permet une certaine traçabilité dans le suivi de la procédure de la facturation... «Est-ce possible que le recouvrement des redevances échappe donc au PAD ?», interroge Me Atangana Meka, avocat stagiaire. Le témoin affirme que le recouvrement des frais d’enlèvement des marchandises se fait sur la base des factures émises par le PAD.

«DIT peut-il délivrer un bon de sortie conteneur si tous les frais du dédouanement ne sont pas payés ?», relance l’avocat. «DIT délivre le bon de sortie sur la base des documents qui lui sont transmis», indique M. Ambouam. «Doit-on comprendre que ce contrôle a été défaillant pendant plusieurs années ?», interroge l’avocat. «Je ne réponds pas à cette question», déclare le témoin.

Des faussaires épargnés

«Des documents au centre de la fraude, notamment de fausses factures, ont été retrouvés au bureau de Michel Tedom, le chef du département informatique du PAD, en fuite. Ne trouvez-vous pas que votre structure est spécialement impliquée dans ce faux ?», interroge Me Bomba Ndi. «Ces documents ont été remis aux enquêteurs !», répond laconiquement le témoin. M. Tedom a récemment écopé devant le TCS d’une condamnation à vie dans une autre affaire pour certaines malversations financières au PAD. «Vous avez mis la main sur une dizaine de personnes avec de faux bons d’enlèvement de conteneurs que sont-elles devenues ?», interroge Me Bomba Ndi, lisant quelques extraits des déclarations faites par les concernés devant les enquêteurs. Dans ces extraits, les supposés faussaires déclarent avoir obtenu les documents en cause dans l’enceinte du port de Douala. Le témoin déclare que «Les personnes interpelées ont été remises aux enquêteurs. L’affaire revient le 2 décembre prochain pour la suite de l’interrogatoire de M. Ambouam Minkoulou.

En rappel, M. Ekassi Ndenguebe et trois autres passent en jugement devant le TCS. On leur impute un prétendu détournement de la somme de 173 millions de francs, réalisé à travers la sortie frauduleuse de 4173 conteneurs du port de Douala au premier semestre 2017 sans paiement de taxes portuaires. Le PAD dit avoir découvert en menant ses investigations sur la fraude décriée que c’est en fait des milliers de conteneurs qui ont connu un destin similaire entre 2013 et 2016, causant une perte de 6 milliards de francs. Mais le TCS exige que le PAD présente le rapport d’audit autour du scandale en la forme régulière.

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