Le Drian, l’homme qui chuchote à l’oreille des dictateurs
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Jean Yves Le Drian, « l’aile gauche » du macronisme (!), s’est positionné en défenseur infatigable des dictateurs africains, qu’il s’agisse du Camerounais Paul Biya ou du Congolais Denis Sassou Nguesso.

« Le président Paul Biya a bien voulu me décorer comme grand officier de la valeur. J’y suis très sensible ». Ni la longévité exceptionnelle du président camerounais au pouvoir depuis 1982, ni sa gouvernance marquée par la corruption et la répression brutale des opposants et de la société civile n’ont suffi à convaincre le chef de la diplomatie française de faire profil en recevant une distinction honorifique des mains de Paul Biya le 23 octobre dernier lors de sa visite à Yaoundé.

En réalité, cette médaille n’est qu’un juste retour d’ascenseur. C’est Jean Yves Le Drian qui a arrangé à Paul Biya le 10 octobre 2019 à Lyon, en marge de la conférence sur la reconstruction des ressources du Fonds mondial pour le Sida, la tuberculose et le paludisme, son tout premier rendez-vous avec Emmanuel Macron. Le patron du Quai d’Orsay s’est aussitôt rendu au Cameroun pour assurer le service après-vente de ce tête-à-tête que Paul Biya attendait depuis l’arrivée à l’Elysée de Macron en mai 2017.

L’habillage de la visite de Le Drian au Cameroun a été vite trouvé : officiellement, il s’agit de venir soutenir les résultats du dialogue national que Paul Biya a mis deux ans à accepter, malgré la mort de près de 2000 personnes, du fait des violences dans les régions anglophones du Nord-Ouest. Et comme pour montrer qu’un nouveau chapitre s’est ouvert dans les relations entre la France et le dictateur camerounais, Paul Biya foulera pour la deuxième fois consécutive le sol français en un mois : il viendra dans la capitale française, à l’invitation du Quai d’Orsay, participer à la deuxième édition du Forum de Paris sur la paix prévue du 11 au 13 novembre. On ignore encore si Biya songe à décorer à nouveau Jean-Yves le Drian.

Comme les autres dictateurs africains, Paul Biya apprécie la compagnie du ministre français des Affaires étrangères : lors de leurs entretiens à Yaoundé, il ne l’a pas « ennuyé » avec le respect des droits de l’homme, la répression des opposants, la lutte contre la corruption.

En 2018, à la veille du scrutin présidentiel, l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun avait publiquement fait part des réserves de son pays de voir Paul Biya, âgé de 85 ans, briguer un septième mandat, estimant que la jeunesse camerounaise avait besoin d’alternance. La diplomatie française, pour sa part, regardait ailleurs. Pas question d’embêter l’ami Biya. Le Quai d’Orsay ne trouvera dès lors rien à redire lorsque Paul Biya, qui n’a même pas eu besoin de battre campagne, s’est déclaré vainqueur de la présidentielle avec 71,28% et a jeté ensuite en prison son principal rival Maurice Kamto. Biya sait donc ce qu’il doit à Jean-Yves Le Drian.

Le chaouch de Sassou à Paris

Parmi les dictateurs africains, c’est avec le Congolais Denis Sassou Nguesso, qui totalise pas moins de 35 années au pouvoir, que le ministre français des affaires étrangères a des liens plus étroits. Après plus deux ans d’attente, Sassou Nguesso est revenu le 3 septembre dernier par la grande porte à l’Elysée. Ce jour-là, il avait rendez-vous pour déjeuner avec Emmanuel Macro qui le tenait à distance depuis son arrivée à l’Elysée en mai 2017. Derrière ce déjeuner de travail, qui n’était curieusement pas sur l’agenda officiel du président français jusqu’à la veille au soir, un homme veille, du nom de Jean-Yves Le Drian. C’est le patron du Quai d’Orsay qui a trouvé le prétexte de la préservation des forêts du Bassin du Congo pour convaincre Macron d’accepter son tête-à-tête avec son homologue congolais.

A la grande déception de la société civile et des opposants congolais, Paris n’a posé aucun préalable au retour de Denis Sassou Nguesso dans les salons de l’Elysée. Quid du sort de l’opposant Jean-Marie Mokoko, adversaire de Sassou lors de la présidentielle de 2016, qui purge une peine de 25 années de prison. Rien sur la disparition des fonds publics dont se fait l’écho l’ONG britannique Global Witness qui a accusé la famille Sassou d’avoir détourné pas moins de 50 millions de dollars de revenus pétroliers. Pour la diplomatie française, il ne faut pas indisposer l’hôte Sassou avec ce genre de sujets.

Ce n’est pas la première fois que Le Drian veille à la respectabilité de Sassou Nguesso à Paris. En 2013, sous la présidence de François Hollande, alors qu’il était ministre des armées, il avait réussi, au plus fort de la crise en Centrafrique, à vendre au pouvoir français l’idée qu’aucune solution ne pouvait être envisagée dans ce pays sans l’aide de Denis Sassou Nguesso. Le président congolais entretenait certes des liens personnels avec certaines personnalités congolaises dont Karim Meckassoua, Martin Zinguelé, mais il était loin d’avoir la moindre influence sur les acteurs clés de la crise tels que les chefs de la Seleka ou des anti-balakas. Mais ce faux argument était nécessaire pour justifier les relations étroites entre Sassou Nguesso et la France.

« Foccarddoski » à la manoeuvre

Avec l’intervention militaire française de décembre 2013 en Centrafrique, c’est Le Drian, ministre des armées, qui sera l’interlocuteur direct de Denis Sassou Nguesso à Paris. Au grand dam des diplomates, les affaires congolaises étaient alors gérées par la rue Saint Dominique (ministre des armées) et non pas le Quai d’Orsay, dont le patron de l’époque Laurent Fabius ne cachait pas son peu d’appétence pour les affaires africaines.

C’est d’ailleurs cet effacement de Fabius qui ouvre à Le Drian, en tandem avec Cédric Lewandoski, son directeur de cabinet surnommé pour l’occasion Foccardosski, un boulevard sur les dossiers africains. Le ministère des armées était alors devenu le ministère de l’Afrique. Aujourd’hui au Quai d’Orsay, Le Drian ne veut surtout pas laisser l’Afrique à Florence Parly. Cela lui ferait perdre le contact direct et régulier avec ses amis dictateurs, de Sassou à Biya.

Dans le second volet de cette série sur le ministre français des Affaires Etrangères, Mondafrique s’est penché sur la politique libyenne de Jean Yves Le Drian

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