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© Le Jour : Franklin Kamtche
- 31 Oct 2019 09:45:00
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CAMEROUN :: Crise anglophone : Situation inchangée, un mois après le Grand dialogue :: CAMEROON
Tous les signes du pourrissement demeurent malgré les manifestations de bonne foi et les satisfécits de certains participants à la grande messe censée relancer la vie dans les deux régions anglophones.
Dans la cour de l’agence Avenir voyages qui dessert toujours Bamenda malgré les risques réels et virtuels, au quartier Tyo-ville, à Bafoussam, les passagers sont bavards. Ils sont généralement accompagnés par des hordes d’enfants dont la mélancolie est perceptible dès qu’arrive l’heure d’embarquement. La séparation est douloureuse. Des fois que les parents sont venus voir leurs enfants « exilés » et repartent en comptant revenir mais sont morts par la suite et ces derniers n’ont même pas eu l’occasion de leur rendre un dernier hommage. Aller au deuil au Nord-Ouest est devenu dangereux. Sur le chemin, ils bavardent autant, plaignent le gouvernement et ses « sauvages », ces « Ambazoniens » qui rendent la vie difficile à tout le monde. Après le poste de péage de Santa, ville frontalière avec l’Ouest, presque tout le monde devient nerveux. Et subitement prudent. On ne dit plus « n’importe quoi ». Le moindre bruit fait tressaillir.
Avec le conclave présidé par Joseph Dion Ngute, du 30 septembre au 4 octobre 2019, à Yaoundé, tout le monde espérait la fin de la crise. Au lieu de quoi, la région a plutôt connu un regain de criminalité. En plus de la tête du policier retrouvé à un carrefour, deux gendarmes ont officiellement péri dans des exactions contre les forces de défense et de sécurité. Signe des temps, les cérémonies d’installation des autorités administratives nouvellement nommés ne connaissent pas l’engouement populaire jadis réservé à cette parade. A Bamenda, le 22 octobre, c’est dans une tribune vide qu’Adolphe Lele Lafrique a installé Emile Simon Mooh dans ses fonctions de préfet de la Mezam. Quelques curieux commerçants du voisinage disent avoir été éconduits par des forces armées et nerveuses. La vérité, c’est que Bamenda tout comme d’autres contrées importantes de la région, est une ville en guerre. Fait inédit, des sources indiquent que 16 des sous-préfets nouvellement nommés manifestaient la volonté de renoncer au commandement territorial de la région. Il y a quelques jours, c’est le Ministère de la Défense qui a démenti l’enlèvement du Gouverneur de la Région, en clair du patron de toutes les forces mobilisées pour la sécuriser. « Ghost towns are still respected. A head cut and dumped on the street like before. Sporadic gunshots and kidnapping are still on. Summary, no change”, résume Andrew F., autrefois cadre dans une organisation de défense des droits de l’homme dans la ville.
Ecole morte
Le quotidien, c’est des pétarades nocturnes et diurnes, puis des bruits de voitures ou de motos, comme cette nuit du 19 octobre, où des témoins affirment avoir failli se faire exécuter inutilement dans un affrontement entre des miliciens et des forces spéciales dissimulées dans un coin de la ville. Co-rapporteur de la commission éducation au « grand dialogue national », Valentine Tameh, président du « Teachers association of Cameroon » (Tac) dresse un tableau hideux de la situation vécue. Pour lui, deux recommandations fortes furent faites lors des travaux de sa commission : d’une part le maintien de la loi d’orientation de l’éducation qui consacre la cohabitation de deux sous-systèmes d’éducation, et d’autre part la création d’une « inspection générale des enseignements » chargée de confectionner de nouveaux programmes, lesquels doivent être validés par la convocation urgente des Etats généraux de l’éducation. « C’est ce conclave qui va indiquer si les choses ont évolué », confie-t-il.
Reste qu’au-delà d’un semblant de reprise avec quelques écoles missionnaires urbaines sécurisées et des « écoles communautaires », c’est-à-dire celles qui n’obéissent pas au gouvernement et versent des passe-droits aux miliciens sécessionnistes, l’école n’a pas redémarré. Loin de ces images d’enfants sans tenue, assis sans conviction dans des salles de classe presque vides, suivant des cours forcés, à qui de supposées élites viennent donner et faire filmer des sacs d’école plusieurs semaines après la rentrée, la plupart des élèves du Nord Ouest et du Sud Ouest ont émigré. Le portail des camerounais de Belgique. Ils peinent encore pour certains, à trouver une place dans des établissements de la zone francophone, peu préparés à recevoir leur nombre et surtout, à servir un enseignement au moins égal à ce qui était considéré comme médiocre dans le Nord Ouest et le Sud Ouest lors du déclenchement de la crise, en octobre 2016.
Qui a participé au dialogue ?
Dans le débat africain sur Rfi, deux jours seulement après le grand débat national, le Ministre de l’Education de Base, le Pr Charles Etoundi Ngoa, estimait à 5 000 au moins, le nombre d’écoles primaires fermées dans les deux régions. C’est que pour obtenir l’indépendance de l’Ambazonie, les milices armées ont bâti un véritable système parallèle qu’ils imposent par la violence. Démarrée le 2 septembre, la rentrée scolaire a été fortement perturbée dans ces régions, où les écoles sont au coeur de la bataille séparatiste. En dehors de quelques écoles où les patrouilles sont insolentes, la plupart de ces structures ne fonctionne pas. « On ne sait pas ce qui va subitement les faire fonctionner », regrette Valentine Tameh. Le président du Tac renseigne qu’en plus de l’insécurité rampante, de très nombreux enseignants de ces régions se sont exilés. Ils étaient en insécurité. Mais « ceux d’entre eux qui servent désormais ailleurs ne veulent plus rentrer. Avec deux salaires, ils ne veulent pas que les choses changent », accuse-t-il. Cependant, observe-t-il, « l’esprit collectif plaide pour le retour des enfants à l’école ». Pour cela, il va falloir vaincre la peur et l’affairisme. Dans une sortie, le gouvernement a reconnu que 27 attaques avaient été perpétrées contre les institutions scolaires des régions anglophones, entre janvier et août 2019. Au moins 19 enseignants et 58 étudiants ont également été kidnappés. La campagne « Back to school », lancée pour appeler à la conscience de tous de sauver l’avenir des enfants, avant l’annonce du grand dialogue, a vite été récupérée par des hommes politiques. Au Nord Ouest, ses maigres fruits ne sont perceptibles que dans le Donga Mantung et la Mezam.
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