Jean Kuete, la justice et un lopin de terre annexé à Nsiméyong III
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Le secrétaire général du parti au pouvoir avait acquis une parcelle de terre englobant une propriété appartenant à un «couple» franco-camerounais. L’ancien vice- Premier ministre vient de profiter de la brouille du couple pour régulariser la situation. Une décision judiciaire exécutée avec célérité donne une couverture légale à son opération.

Résidente en France, Madeleine Owona est désormais sur le qui-vive. Elle a affaire à Jean Kuete, ancien vice-Premier ministre et actuel secrétaire général du Rassemblement démocratique du Peuple camerounais (Rdpc). La dame était copropriétaire avec son ancien mari français, Yves Gilbert François de Bremond, d’un complexe commercial au quartier Nsimeyong III à Yaoundé. Ce dernier a vendu la propriété en catimini à M. Kuete au prix de 150 millions de francs le 6 juin 2019. Depuis le 17 juillet dernier, Mme Owona est sommée de libérer les lieux pour permettre au nouveau propriété d’en jouir faute de quoi elle sera jetée à la porte, manu militari, avec tous ses effets, ses domestique compris.

Pour comprendre ce qui se mijote autour de la résidence de Mme Owona au quartier Nsimeyong III, il convient d’exposer, au regard de différents documents consultés par Kalara, les faits au centre de l’affaire. Le terrain à l’origine des déboires de Mme Owona appartenait initialement à M. Etienne Mbala Bessala. Il était propriétaire d’un vaste terrain d’une superficie de 1 hectare. Le 15 novembre 2005, il vendait un lot bâti de 3572 m2 à M. Bremond et à Mme Owona. Les acquéreurs, en couple à cette époque, avaient payé la somme de 40 millions de francs le prix de vente du terrain. La transaction était matérialisée sous la forme d’une promesse de vente par Me François-Xavier Menye Ondo, notaire à Yaoundé, sans précisions sur la contribution de chacun des acquéreurs sur le montant global. Entre temps cependant, le couple avait occupé les lieux acquis.

Vente suspendue

Pour parfaire la vente, les acquéreurs devaient, en dehors du prix d’achat, supporter le paiement d’un montant de 16,5 millions de francs représentant les frais de procédures, notamment les honoraires du notaire, les frais d’enregistrement au trésor ainsi que les frais du morcellement du titre foncier initial de M. Mbala Bessala. Ces formalités allaient aboutir à la délivrance d’un titre foncier au profit de M. Bremond et sa compagne, Mme Owona. Entre temps, les ex conjoints ont occupé le site acquis où ont été érigées des maisons d’habitation, une salle des fêtes et un restaurant. Mme Owona étant résidente à Lyon, en France, le centre commercial est entretenu par un personnel et des vigiles. Mais le couple s’est brouillé. Le 10 novembre 2015, M. Bremond, sous la plume de son conseil, Me Ngouen Emmanuel, saisissait le juge civil du Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi d’une assignation sollicitant la mise en vente aux enchères publiques (licitation) du terrain acquis avec Mme Owona. Il prétend avoir «fait inclure le nom» de Mme Owona sur l’acte de vente comme copropriétaires mais «en a été évincé par suite de menace et d’intimidations». Le portail des camerounais de Belgique. Il implorait le tribunal de lui attribuer les deux tiers du produit de vente. En dépit de l’opposition de Me Ondigui, conseil de Mme Owona, qui argue que le terrain querellé ne saurait être vendu, le plaignant ne disposant pas d’un titre de propriété sur le bien disputé, le juge va faire droit à la requête de M. Bremond. Le 17 décembre 2018, le tribunal autorise la vente du terrain litigieux en désignant Me Menye Ondo pour conduire l’opération et procéder au partage au prorata des apports des parties. Le juge ordonne une exécution provisoire de sa décision.

La bataille judiciaire entre Mme Owona et son ex-mari aurait pu rester une affaire ordinaire si un haut ponte du pouvoir n’y était pas mêlé de part et d’autre. Il se trouve que le 27 mai et le 6 juin 2019, M. Jean Kuete est officiellement devenu propriétaire du terrain querellé. Il l’a acheté au prix de 150 millions de francs auprès de M. Bremond. Sauf que, au moment de cette acquisition, M. Kuete en était déjà pleinement propriétaire au moins depuis 2011. L’acte de vente no 19916 dressé par Me Menye Ondo ainsi que le certificat de propriété délivré le 15 janvier 2016 par l’administration des Domaines sur l’immeuble en question sont assez éloquents. La décision du TGI rendu le 18 décembre 2018 n’est donc qu’une couverture d’une transaction effectuée en 2011… L'info claire et nette. En effet, dans l’acte de vente signé par Me Menye Ondo, le 6 juin 2019, il est indiqué que M. Mbala Bessala vend l’intégralité de son hectare de terre au profit de M. Jean Kuete et que le titre foncier a été muté à son profit. Cette vente se serait effectuée du 4 au 8 août 2011 devant Me Fotso Meku Tagako, notaire à Yaoundé. Dans le relevé de biens immobiliers daté du 15 janvier 2016, délivré par le service des Domaines, on peut lire que M. Jean Kuete avait versé à cette occasion la somme de 130 millions de francs. Il est par ailleurs souligné qu’au moment de la mutation du titre foncier 24 765/ Mfoundi au profit de M. Kuete, le terrain de 3572 m2 déjà vendu par M. Mbala Bessala au couple Bremond-Owona était indisponible.

Déballage sur la fraude

De toutes les façons, Me Menye Ondo déclare dans son acte de vente que «M. Bremond s’est rapproché de M. Kuete Jean qui a reconnu son droit et accepté de transiger». Il poursuit en disant que «les parties, M. Kuete Jean transige avec M. Bremond Gilbert François sur la parcelle de 3572 m2 qui devrait lui revenir en vertu de l’acte sus indiqué, mais qui se trouve actuellement incluse dans l’immeuble objet du titre foncier 24 765/Mfoundi appartenant en totalité à M. Kuete Jean».

Bien que copropriétaire du bien vendu, Mme Owona n’a pas été conviée à la transaction. Me Menye Ondo affirme à propos que «M. Bremond s’engage à abandonner tous les droits qu’il détient du fait de la promesse de vente no 5689 vis-à-vis de M. Kuete Jean, de même qu’il se porte fort pour Mme Owona Madeleine pour son droit sur ladite parcelle». Or, argue le conseil de Mme Owona, en matière de cession immobilière, on ne peut se «porter fort» qu’avec une procuration du mandant signée devant un notaire. Comme pour se prémunir d’éventuelles contestations, Me Menye Ondo souligne : «cette transaction prévient tous litiges susceptibles de naître de la situation réelle de l’immeuble objet 24 765/Mfoundi sus décrit pour les éteindre par avance et de manière définitive (…) Les parties s’engagent à exécuter de manière irrévocable le présent protocole transactionnel (…) En conséquence, cet accord a, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort, ne pourra être attaqué que pour erreur ou de lésion, et vaut extinction irrévocable de toutes les contestations à naître entre les parties aux relations contractuelles et non contractuelles ».

Le 17 juillet 2019, un huissier de justice requis par M. Bremond a servi à Mme Owona une «sommation de libérer», dans les huit jours, le site litigieux pour permettre à M. Kuete de d’occuper les lieux. La dame est priée d’aller décharger sa part de 50 millions de francs issues de la vente, le reste d’argent, 100 millions a déjà été empoché par M. Bremond. L’avocate de Mme Owona affirme que le jugement du TGI du Mfoundi n’a toujours pas été notifié à sa cliente pour qu’elle puisse exercer ses voies de recours.

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