Social Democratic Front : Les héros oubliés du 26 mai 1990
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Le parti du « suffer don finish » n’a pas souvent rendu hommage aux premières victimes de la répression contre ses activités, morts « piétinés par balles » à Bamenda.

Hier dimanche, 26 mai 2019, c’était le vingt-neuvième anniversaire du lancement du Social democratic front (Sdf). C’est en effet un 26 mai, celui de 1990, que le parti du poing levé, est né à Bamenda. Porté par les revendications inspirées du « vent d’Est » et des réflexions menées par quelques intellectuels de l’époque, Ni John Fru Ndi, plus connu comme promoteur du réseau des librairies Ebibi Group of Bookshops, lance son parti politique dans la bravade. La manifestation est interdite mais il programme une marche, ce jour à partir de 14h, du rond-point City Chemist, devenu depuis lors Liberty Square, jusqu’au stade municipal de Mankon, où des discours seraient prononcés, suivis de la distribution du manifeste du Sdf.

L’ambiance est chaude, puisqu’on redoute un bain de sang. Les tentatives de médiation, initiées pour amener le « libraire de Ntarinkon » à différer sa manifestation, échouent. Comme à son habitude, le gouvernement a interdit tout rassemblement public et ordonné la fermeture de toutes les places du marché à Bamenda. Les forces de l’ordre sont déployées dans la ville qui inaugure sa fronde. Postées au Commercial Avenue, elles ignorent que le lancement a lieu à Ntarinkon Park. Plusieurs milliers de personnes sont rassemblées. Dans son propos, John Fru Ndi est clair : « La démocratie n'a jamais été servie à un peuple sur un plateau en argent », déballe-t-il.

Jusque-là, tout se passe bien. Les historiens rapportent que c’est au moment de rentrer dans leurs domiciles que les forces de l’ordre ouvrent le feu sur les sympathisants. Edwing Jatop Nfon, couturier ; Fidelis Chosi Mankam, meunier ; Mathias Tifuh Teboh, Christopher Fombi Asanji, Juliette Sikod et Evaristus Toje Chatum, tous étudiants, tombent sous les balles de la police. Seul feu John Ngu Foncha est autorisé à voir les corps, conduits à la morgue de l’hôpital provincial à Bamenda.

Revitalisation du parti

« Célébrons ensemble nos martyrs », tel est le thème de la célébration d’hier. Selon Jean Robert Wafo, ministre du shadow cabinet en charge de l’information et des médias, le parti a décidé de « déconcentrer les manifestations ». Ainsi, c’est dans chaque « circonscription électorale », nom de la structure politique au niveau communal, que les militants étaient sensés être entretenus sur les enjeux politiques de l’heure et la vie du parti. « Il y a de cela 29 ans, six de nos braves militants tombaient sous les balles de la soldatesque du régime en place. L'info claire et nette. C’est assez frappant de constater que les problèmes pour lesquels on se battait à l’époque sont encore là. D’autres se sont même compliqués », rappelle-t-il. « 8 mois après la présidentielle et 3 ans après le déclenchement de la crise anglophone, c’est dans la réflexion, l’introspection et le recueillement que nous avons choisi de revitaliser notre parti. Entre autres, il est question d’expliquer aux militants que le faux pas de la présidentielle était dû à l’impossibilité de voter dans nos fiefs électoraux du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ; le bienfondé des 4 conditions que nous avons posées pour permettre une sortie rapide de la crise anglophone », explicite-t-il.

Quitte à laisser l’impression de discrétion, les grandes manifestations de rue n’étaient pas au rendez-vous de cet appel à la mémoire de « ceux qui ont perdu leurs vies pour qu’on vive autrement ». Reste que le Sdf a perdu de son lustre. De 35,9% des voix à la présidentielle de 1992 contre 39,9% pour le Rdpc, le score a progressivement baissé, au point d’atteindre 3% en 2018. L’excuse du candidat inexpérimenté ne suffit pas. De 43 sièges de députés en 1997, il n’a plus que 18 de nos jours. Une gymnastique tropicale lui a permis d’avoir 14 sénateurs de 2013 à 2018, avant de tomber à 7 élus au Sénat. De 61 communes en 1996, il est à 22. Selon les observateurs, le parti a mal géré la relève. La personnalité du chairman, dont le domicile continue de recevoir les rencontres décisives du parti, ne symbolise plus l’espoir pour la jeune génération.

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