CRISE ANGLOPHONE : Le jeu trouble des évêques
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Après avoir accablé le gouvernement de critiques, exprimant à demi-mot leur soutien aux groupes armés qui sèment la terreur au Nord-Ouest et au Sud-Ouest, les prélats réunis au sein de la Conférence épiscopale du Cameroun s’indignent, désormais, de n’avoir pas été reçus par le président de la République, pour lui proposer des pistes de sortie de crise qui sévit depuis 2016 dans ces Régions.

La crise a commencé en 2016 avec des revendications d’avocats et enseignants anglophones. Ceux-ci se disaient marginalisés et dominés par le système législatif et éducatif francophone. Ces protestations ont débouché sur des grèves puis dégénéré en affrontements meurtriers entre forces de sécurité camerounaises et partisans d’une sécession des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Pour répondre aux sollicitations des plaignants, Paul Biya le président de la République a créé le ministère de la Décentralisation et du développement local le 2 mars 2018. Question de permettre à ses concitoyens de participer davantage à la gestion de leurs affaires, notamment au niveau local.

Le chef de l’État a aussi procédé à la création de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (Cnpbm) dans l’optique de maintenir la paix et de consolider l’unité nationale. Il a créé, le 30 novembre 2018, le Comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration des ex-combattants de Boko Haram et des groupes armés du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Camer.be. Le Plan d’assistance humanitaire d’urgence d’un peu plus de 12,7 milliards de FCFA lancé le 20 juin 2018, la création de la section Common Law à la Cour suprême, la réforme de l’École nationale d’administration et de magistrature et la traduction en anglais des actes Ohada font aussi parties des réponses institutionnelles du gouvernement en vue d’une résolution pacifique de la crise.

Malheureusement, les prises de position et le jeu trouble du clergé ont annihilé tous ces efforts. Preuve, en avril 2017, l’archevêque de Bamenda Cornelius Fontem Esua, son auxiliaire Michael Bibi, l’évêque du diocèse de Kumbo Georges Nkuo, et le principal du collège sacré coeur de Mankon ont été convoqués au tribunal de première instance de Bamenda. Il leur était reproché de n’avoir pas oeuvré pour la reprise des cours dans les établissements en grève. Un groupe de parents d’élèves, auteur de la plainte, réclamait 150 milliards FCFA de dommages et intérêts.

CHRISTIAN TUMI

Le 24 janvier 2017, le cardinal Christian Tumi, sur les ondes de Radio France internationale, a accusé le gouvernement de ne pas faire assez pour que le calme revienne en zone anglophone. «Il faut que Yaoundé dialogue», avait-il lâché dans le cadre du programme Invité d’Afrique. «La jeunesse, qui n’était pas encore sensibilisée à la réunification, commence à protester sur les conditions de travail, les conditions de vivre ensemble, et ils veulent qu’on retourne où on était au début de la réunification, c’est-àdire au fédéralisme. Le pouvoir central ne veut plus de cela. Donc c’est là où nous sommes et il y a la tension, la tension», précisait l’ancien archevêque de Douala, originaire du Cameroun anglophone.

La figure morale regrettait la tentative d’étranglement du système éducatif anglophone. «Il y a des professeurs du Cameroun francophone qui enseignent au Cameroun anglophone, sans avoir une maitrise de l’anglais». Quid de la justice et des autres corps de l’administration ? Réponse du Cardinal : «Au Cameroun anglophone, on peut avoir des juges qui ne connaissent pas l’anglais et qui rendent leur jugement en français. Les gens ne comprennent rien. Prenons par exemple là où je me trouve, le préfet, le sous-préfet et le premier adjoint sont tous francophones, dans une région qui est peuplée à 99% d’anglophones».

Et face à la fermeté du gouvernement qui veut restaurer l’ordre républicain, Christian Tumi archevêque émérite de Douala qui ne dit mot sur la mise à sac et les incendies criminels d’écoles, hôpitaux et autres édifices publics perpétrés par des partisans d’une pseudo République de l’Ambazonie s’offusque: «Quand on réprime, ce n’est pas une solution. Il faut essayer de les convaincre, même s’il y a au noyau qui va à l’extrême pour demander la séparation totale. Les extrémistes, il y en aura toujours. Mais la majorité des anglophones veulent qu’on retourne là où on était, c’est-àdire au fédéralisme…».

VOLTE-FACE

Volte-face spectaculaire ! Le 1er mai 2019, Mgr Samuel Kleda, archevêque de Douala, a, au nom de ses pairs, à l’ouverture de la 44e assemblée plénière de la Conférence épiscopale du Cameroun (Cenc), exprimé sa déception. Comme des pompiers-pyromanes, les membres du clergé demandent à rencontrer le président de la République qu’ils ont tant «fustigé pour sa gestion de la crise anglophone», afin de poser les bases d’un dialogue. «Maintes fois, nous avons appelé les acteurs de la crise dans les Régions du Nord-Ouest et le Sud-Ouest pour se parler. Nous avons constitué une équipe d’évêques. Nous n’avons jamais été écoutés. Nous avons demandé à être reçus par les autorités du pouvoir. Nous n’avons jamais été reçus par la plus haute autorité de ce pays. Tout dialogue est rejeté». L'info claire et nette. A l’antipode des positions jusqu'au-boutistes de ses confrères, l’archevêque métropolitain de Yaoundé partage néanmoins la peine des frères anglophones obligés de trouver refuge dans d’autres villes du Cameroun à l’instar de Yaoundé. «Nous saluons avec joie les voies de l’espérance que nous offre le Ressuscité. Yaoundé qui vous accueille est devenue une ville cosmopolite et surpeuplée. Plus de trois millions d’habitants. Nous sommes solidaires de ceux qui souffrent», a souligné Mgr Jean Mbarga, à l’ouverture des 44e assises de la Cenc, à Yaoundé.

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