TRANSACTION : Le TCS boude une restitution de 41 millions dans l’affaire Sollo
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L’un des coaccusés de l’ancien directeur général de la Cameroon Water Utilities Corporation a restitué une partie des fonds au centre de leur procès public devant le Tribunal criminel spécial. Mais sa demande d’arrêt de poursuites a essuyé un échec.

C’est une querelle de chiffres qui s’annonce retentissante dans l’affaire dite Camwater volet 1, pendante au Tribunal criminel spécial (TCS). Ce volet concerne Jean William Sollo, ancien directeur général (DG) de la Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater), Jean Dieudonné Maah, ex directeur des affaires administratives et financières (DAF) de la Camwater, mais aussi l’homme d’affaires Eugène Francis Abossolo, promoteur d’Etablissement LMS Cameroun Sarl. Le 8 janvier 2019, la collégialité des juges en charge de l’examen public du dossier n’a plus entendu, comme prévu, François Onguene, unique témoin de l’accusation, pourtant présent à l’audience.

En effet, après l’appel du témoin à la barre, Me Richard Assamba, avocat de M. Abossolo, va signaler au tribunal que son client a restitué 40,8 millions de francs au trésor public, somme pour laquelle ce dernier est poursuivi par la justice, selon les explications du conseil. L’avocat précise que c’est la Camwater qui avait elle-même arrêté ce montant lors des enquêtes, en indiquant que le montant remboursé n’est qu’un «trop perçu» qui aurait dû être retenu lors du paiement des factures définitives des marchés gagnés et «exécutés» par son client portant sur la fourniture d’équipements hydrauliques à la Camwater.

«Le trop-perçu est remboursé depuis l’information judiciaire, mais le parquet n’a pas cru devoir examiner notre demande d’arrêt de poursuites», ajoute Me Assamba avant de réitérer la même demande devant le tribunal. Il a ensuite introduit une requête pour une remise en liberté provisoire de son client détenu à la prison centrale de Yaoundé : «Nous avons transigé ! Nous sommes en prison, que nous réclame-t-on ?»

Restitution insuffisante

Le ministère public estime que la somme restituée par M. Abossolo est largement en deçà des 156 millions de francs contenus dans le rapport d’instruction judiciaire (ordonnance de renvoi) qui saisit le tribunal et renvoie l’homme d’affaires et ses coaccusés en jugement : «Il faut que le remboursement du montant soit intégral pour que la demande d’arrêt des poursuites soit recevable. » D’où une opposition à la demande formulée par M. Abessolo pour l’obtention d’une remise provisoire en liberté. L'info claire et nette. Le parquet demande au tribunal de se prononcer une seule fois, au moment de rendre son verdict final. Position partagée par le tribunal qui, après lecture des dispositions régissant la «restitution du corps du délit», a rejeté la demande d’arrêt de poursuites de M. Abessolo et a joint sa requête en liberté provisoire au fond.

L’interrogatoire du témoin de l’accusation n’a pour autant pas eu lieu, M. Maah, l’un des mis en cause, étant indisponible pour cause supposée de maladie. La suite du procès sera dès lors renvoyée au 5 février 2018. En attendant ce rendez-vous, le rapport de l’enquête judiciaire daté du 18 juillet 2018, dont Kalara s’est procuré copie, donne une vue large sur l’affaire. Tout est partie d’une dénonciation du directeur de l’Agence nationale d’investigation financière (ANIF) adressée au parquet général près le TCS le 9 décembre 2015. Il soupçonnait Eugène Francis Abossolo et autres d’un détournement réalisé au préjudice de la Camwater, en mettant en doute la régularité de sept paiements provenant de la Camwater d’un montant de près de 115 millions de francs effectués entre le 3 septembre 2012 et le 22 avril 2013 au profit de deux structures privées.

Il s’agit de la société LMS Cameroun Sarl, environ 47 millions de francs (4 paiements) et l’Établissement LMS Cameroun, près de 68 millions de francs, et dont les comptes bancaires étaient ouverts à la BICEC. Pour le dénonciateur, les paiements ont été effectués «avant l’existence légale» des bénéficiaires des fonds, tandis que deux virements d’un peu plus de 24 millions de francs chacun, intervenus le 22 avril 2013 dans le compte de la société l’Établissement LMS Cameroun, se sont effectués avec des «lettres commandes » attribuées par Camwater à la société LMS Cameroun Sarl. Ce qui n’a fait qu’accentuer la suspicion.

Devant le juge d’instruction, M. Abossolo a expliqué qu’au moment des faits, il vivait à Lyon en France. L’entreprise française LMS World Water Treatment, spécialisée dans la vente du matériel de traitement d’eau, l’a approché. Raison camer.be? Elle sollicitait son entregent afin de faciliter l’obtention des parts de marchés sur place à sa filiale, LMS Cameroun Sarl, alors en cours de création.

Meyomessala

L’homme d’affaires indique que le 24 septembre 2012, LMS Cameroun Sarl, dont il est finalement devenu le directeur commercial, a conclu avec la Camwater trois contrats de fourniture de matériel hydraulique d’environ 30 millions de francs chacun. M. Abossolo déclare que parallèlement à ses fonctions dans la filiale française, il a créé sa propre structure dénommée Établissement LMS Cameroun. Cette dernière a elle-aussi conclu, avec la Camwater, un contrat de fourniture de pompes d’un montant de 49,4 millions de francs. Il précise que les deux «LMS» ont bénéficié d’une avance de paiement appelée «avance de démarrage » d’un montant total de 40,8 millions de francs. Et affirme que les quatre contrats avec l’Etat (Camwater) ont été exécutés.

Pour sa part, Jean William Sollo ne nie pas avoir signé les contrats litigieux longtemps avant que l’existence légale des deux «LMS» ne soit effective. Il évoque cependant «un contexte d’extrême urgence» qui aurait entouré la signature de ces marchés. L’ancien DG raconte en effet que Camwater devait apporter de l’eau portable dans une localité qui ne disposait pas d’équipements hydrauliques et à la station de production d’eau de Meyomessala qui était à l’arrêt. Il se montre rassurant en disant que la situation de ses cocontractants a été régularisée et les contrats ont été exécutés. Pour lui, la seule irrégularité réside dans la non-retenue des avances de démarrage au moment du paiement définitif des factures présentées par ses partenaires.

Son ancien collaborateur, Jean Dieudonné Maah, abonde dans le même sens. Entendu comme témoins de l’accusation, Jean Christophe Bekondje, le chef de la cellule juridique de la Camwater, a épousé la version des faits délivrés par ses anciens collègues. Il n’empêche, le juge d’instruction a renvoyé les trois accusés en jugement pour répondre d’une complicité du détournement présumé de la somme d’un peu plus de 156 millions de francs. Il s’est appuyé sur le principe de droit selon lequel la fraude corrompe tout. Il estime en effet que l’absence de l’existence légale des deux cocontractants de la Camwater au moment de la signature des contrats litigieux suffit à les déclarer irréguliers, «au-delà du débat sur l’effectivité des prestations ». Notons que les accusés sont écroués à la prison de Kondengui depuis le mois d’avril 2018. Ils plaident non coupable.

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