RETROPEDALAGE : Pourquoi la journaliste Mimi Mefo a été remise en liberté ?
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Le parquet du Tribunal militaire de Douala a rendu sa liberté à la journaliste de la chaîne de télévision Equinoxe TV au bout de trois jours de garde à vue. Mimi Mefo est attendue ce lundi devant la barre pour s’expliquer des faits de «propagation de fausses nouvelles» et «outrages aux corps constitués et aux fonctionnaires ». Elle encourt trois ans de prison et une amende de deux millions de francs .

Près de trois jours après son placement en détention à la prison centrale de Douala- New-Bell, la journaliste et rédactrice en chef du service anglais de la chaîne de télévision Equinoxe TV/radio, Mimi Mefo est libre de ses mouvements. L’ordre de remise en liberté du Commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire de Douala est venu mettre un terme à la principale revendication de l’ensemble de la corporation des journalistes, à savoir la remise en liberté «sans condition» de la journaliste.

La mobilisation quasi inédite de la corporation, du Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc), des hommes de médias de divers horizons, des acteurs de la société civile, des leaders politiques et de nombreuses organisations internationales défendant ce corps de métier, qui assimilaient l’arrestation de la journaliste à «une interpellation arbitraire », un recul des libertés publiques notamment de la liberté d’expression, a finalement porté des fruits 72h après sa mise sur pied. La journaliste a été remise en liberté et va comparaître ce lundi, 12 novembre 2018, devant la justice militaire, à l’occasion de la première audience du procès qui l’oppose à l’Etat.

A la requête du Commissaire du gouvernement, Mme Mefo devra apporter des justifications aux reproches de «propagation de fausses nouvelles» et «outrage aux corps constitués et aux fonctionnaires » qui lui sont imputés. Des accusations qui l’exposent à une peine d’emprisonnement allant de 3 mois à 3 ans et au paiement d’une amende plafonnée à 2 millions de francs conformément aux dispositions des articles 113 et 154 du Code pénal. camer.be. Mais à quoi renvoient exactement les charges mises à l’actif de la vedette de télévision présentée comme l’une des rares journalistes à mener courageusement des grands reportages dans les lignes de front de la guerre qui oppose les forces armées aux milices dites sécessionnistes dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest?

1.Ce qu’on reproche à la journaliste

Il est reproché à la journaliste d’avoir relayé, le 30 octobre dernier, sur sa page Facebook, les dépêches d’une agence de presse dénommée Cameroon News Agency (CNA) portant sur le décès du pasteur américain Charles Truman Wesco à Bambui, dans la région du Nord- Ouest. Dans un premier temps, CNA avait imputé à l’armée ce décès sur son interface, dans un second temps la CNA avait titré que le pasteur a plutôt perdu la vie lors des échanges de coups de feu entre les deux camps» et dans un troisième temps, Mimi Mefo a publié le communiqué du ministre de la Défense soutenant que le pasteur a été tué par les milices séparatistes opérant dans les régions anglophones. À cela va s’ajouter la publication par la journaliste des images portant sur la dernière attaque sanglante de la bourgade de Bambili dans la région du Nord-Ouest.

C’est pour l’ensemble de ces faits que la journaliste va passer en jugement ce 12 novembre. Pourquoi la journaliste a-t-elle été mise aux arrêts alors qu’elle répondait à une convocation du commandant de légion de la région du Littoral en compagnie de ses avocats? Pour trouver réponse à cette interrogation, il a fallu suivre le témoignage de Me Alice Nkom, avocate au barreau du Cameroun, constituée parmi un collectif d’avocats pour la défense de la journaliste. L’avocat y explique qu’à peine informée des reproches faits à sa cliente et du désir du parquet de retenir sa compétence dans une affaire concernant non seulement un civil mais aussi pour des infractions relevant d’un tribunal de droit commun, elle a saisi le procureur général près la Cour d’appel du Littoral pour intervention. Le portail de la diaspora camerounaise de Belgique. L’échange entre ce haut magistrat et le commissaire du gouvernement va plutôt laisser apparaître des divergences de vues dans la conduite de l’affaire. Selon les déclarations faites par Me Nkom, le chef du parquet va indiquer clairement au procureur général que les ordres qu’il met en exécution émanent de sa hiérarchie, à savoir le ministre de la Défense. L’avocate affirme que le procureur général a baissé les bras, laissant la procédure suivre son cours.

2-Contexte de l’affaire

A en croire les sources de Kalara, l’affaire Mimi Mefo ne tombe pas ex nihilo sur la place publique. Elle découle de quelques précédents. Les informateurs de votre journal expliquent que la relation entre les Etats-Unis et le Cameroun s’est distendue suite dans un premier temps aux déclarations faites par l’ambassadeur du pays de Donald Trump au Cameroun au sujet de la crise anglophone et les réponses corsées du gouvernement. Dans un second temps, nos sources soutiennent que l’aide jadis apportées par les américains dans la lutte contre la secte islamiste Boko Haram a été interrompue du fait d’allégations de violations de droit de l’homme mises sur le compte des soldats camerounais. Les mêmes sources pointent aussi un doigt sur ce qu’il convient de considérer comme les injonctions du gouvernement américain tendant à accélérer la résolution de la crise anglophone. 3-Polémique sur la contribution des autorités américaines aux enquêtes .

3- Une polémique autour d’un décès tragique…

A travers deux communiqués, le gouvernement a tenté de démentir les accusations qui laissaient croire que ce sont les balles de soldats camerounais qui ont causé la mort du pasteur américain. Le 31 octobre dernier, le ministre de la Défense, Joseph Beti Assomo a signé un communiqué dans lequel il indique que «c’est un groupe de terroristes armés» qui, le jour de l’incident, a fait irruption sur le site du crime «en vue d’attaquer la zone universitaire et la brigade territoriale de gendarmerie de Tubah». Le communiqué précise que le véhicule a bord duquel se trouvait le défunt prélat «a essuyé des tirs en provenance des terroristes embusqués». L’échange de tirs a permis de «neutraliser» quatre assaillants et fait plusieurs blessés dans les rangs des sécessionnistes. L'information claire et nette. Des armes et munitions des agresseurs ont été saisies. La propagande sécessionniste n’a pas attendu pour battre en brèche les allégations du ministre de la Défense sur les réseaux sociaux, en rejetant la responsabilité de la tuerie sur les soldats camerounais. Une semaine plus tard, le 8 novembre, M. Isssa Tchiroma Bakary a signé, à son tour, un communiqué dévoilant les résultats de l’autopsie réalisée sur la dépouille du missionnaire américain à l’Hôpital général de Yaoundé. A en croire le communiqué, «l’autopsie a été réalisée en présence de médecins légistes camerounais et américains et d’un représentant de l’ambassade des Etats-Unis au Cameroun […] Les plombs extraits de la dépouille ont confirmé que les tirs, à l’origine de l’assassinat du missionnaire américain, provenaient bel et bien d’une arme de type calibre 12 utilisée, comme on le sait, par les terroristes sécessionniste…»

Dans le même communiqué, le ministre de la Communication regrette que «malgré les évidences qui viennent d’être citées, la nommée Mimi Deffo a […] déclaré péremptoirement que le missionnaire a été tué par l’armée camerounaise». Le ministre conclut sa sortie médiatique en signalant que la journaliste d’Equinoxe TV est poursuivie devant le Tribunal militaire de Douala pour répondre des infractions évoquées plus haut. Les autorités américaines n’ont cependant jusqu’à présent fait aucune sortie officielle sur la disparition tragique de leur compatriote.

4- Récurrence des dérives militaires

Le cas de la journaliste Mimi Deffo est loin d’être un cas isolé. On se souvient de l’arrestation rocambolesque de l’ancien haut magistrat Paul Ayah Abine, ancien avocat général à la Cour suprême. Interpellé dans son domicile un samedi, il sera incarcéré dans les cellules du Secrétariat d’Etat à la Défense (SED) en charge de la gendarmerie où il a séjourné pendant huit mois sans jamais être renvoyé en jugement. On lui reprochait son appartenance supposée à la Southern Cameroon National Council (Scnc), un mouvement de revendication séparatiste interdit par l’administration et de supposées publications dans les réseaux sociaux sur lesquelles le mystère reste total. Le 5 février 2018, M. Ayuk Sissuku Tabe, le président autoproclamé de l’Etat virtuel de l’Ambazonie et neuf membres de son gouvernement fantoche ont été interpellés au Nigeria puis extradés au Cameroun. Depuis lors, ils sont écroués dans les cellules du SED, sans jugement, alors que le gouvernement avait annoncé qu’ils sont à la disposition de la justice. Leurs avocats ont introduit une procédure en Habeas Corpus (libération immédiate). Ils dénoncent l’arrestation et la détention arbitraire de leur client opérées en violation des conventions internationales et des lois nationales. Après avoir essuyé un échec devant le Tribunal de grande instance du Mfoundi, ils attendent le verdict de la Cour d’appel du Centre prévu ce jeudi, 15 novembre 2018.

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