Et si le conseil constitutionnel camerounais rendait des services à BIYA
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Et si le conseil constitutionnel camerounais rendait des services à BIYA :: CAMEROON

A propos du conseil constitutionnel en France, le professeur Michel TROPER affirmait au début des années soixante que les institutions sont comme des satellites ; elles finissent toujours par dévier de l’orbite sur laquelle les positionne leur créateur. A l’occasion du récent contentieux électoral et au lendemain de la messe inaugurale de la gouvernance d’outre-tombe orchestrée par le despote « analemmatique » de Yaoundé, la vaillante et brillante défense du candidat Maurice KAMTO a bousculé les lignes en posant la question fondamentale du contenu de l’office du juge constitutionnel au Cameroun. Ces « sages » se perçoivent-ils comme des instruments d’un régime ou des inspirateurs d’une âme démocratique à un système politique d’essence despotique. Autrement dit, le conseil constitutionnel camerounais est-il déjà en capacité de s’émanciper de son créateur ?

L’auto restriction du juge constitutionnel camerounais

La lecture des attendus de la décision des « sages » s’agissant du recours du candidat KAMTO laisse perplexe. Nonobstant une servilité évidente, la cour suprême siégeant au titre de conseil constitutionnel s’était jusque là de manière générale efforcée de rendre des décisions didactiques à défaut d’être équitables. Tenez : le moyen principal de la requête tiré du défaut de base légal (documents non conformes) est écarté par les juges au motif d’une absence de preuve. Grande curiosité tant la succession des preuves présentées par maître NDOKI a abouti à un quasi incident. Le représentant du conseil constitutionnel à la commission nationale de recensement voulant expliquer l’inexplicable a reçu une véritable volée lorsque la défense l’a sommé de mettre en débat le dossier qu’il détenait. Une querelle puérile s’enclenchait alors au sujet du formalisme d’un procès-verbal. Le président du conseil constitutionnel allant même jusqu’à affirmer que la loi n’en stipulait aucun ; autant dire que n’importe quel torchon plus ou moins signé pourrait en tenir lieu. Venant de ces « sages » prompts à rejeter la candidature d’opposants pour confusion de la copie d’acte avec l’extrait d’acte, on peut s’étonner d’un tel laxisme. Notons sans mauvais esprit qu’il s’agissait de protéger l’intérêt du candidat président, le créateur. En aucune façon, le procès-verbal sorti des bureaux constitue une preuve de l’irrégularité formelle des documents de la commission de recensement.

A peine on retient de cet attendu que le procès-verbal sorti des bureaux est l’unique preuve admise par le conseil à l’appui d’un recours, un autre affirme qu’en matière électorale la preuve est libre. Là il s’agissait de débouter la défense pour n’avoir pas présenté la moindre preuve en soutien d’allégations. Que faut-il retenir de cette contradiction apparente ? Le procès-verbal seul fait foi, en l’occurrence celui d’ELECAM ou les « sages » font-ils une interprétation large de l’administration de la preuve. Faire feu de tout bois pour contrecarrer le candidat KAMTO !

Dans la suite de la décision, un attendu déclame que la charge de la preuve incombe au requérant. Il s’agit d’un principe élémentaire en droit. C’est donc à s’interroger sur l’opportunité du rappel. C’est à ce sujet que la publicité faite aux débats est d’un grand secoure. En fait après l’incident relatif à la conformité des procès-verbaux détenus par la défense, celle-ci a longuement et âprement sollicité la mise à disposition des 32 P.V contenus dans le dossier transmis au conseil par la commission de recensement des votes ; arguant de ce que le conseil n’était pas le juge des parties mais celui de l’intérêt général. De ce fait même à supposer que la défense n’ait aucun procès-verbal, le conseil devrait d’office s’enquérir des allégations d’irrégularités. Cet attendu est donc une manière de considérer qu’en aucune façon le conseil ne saurait s’auto saisir pour une exploration de la vérité hors des éléments portés en appui d’une contestation.

Hélas dans un autre attendu cette position est aussitôt battue en brèche lorsque les juges reprochent à la défense de n’avoir pas fourni la liste des bureaux dans lesquels les bulletins du candidat KAMTO étaient insuffisants ; cette omission les ayant mis dans l’impossibilité de vérifier l’allégation auprès des commissions communales. Ont comprend aisément qu’ayant vidé son office de tout contenu en se limitant aux preuves à la charge du requérant, il s’agissait d’entretenir l’illusion d’une intensité du contrôle de la régularité du scrutin débordant le simple entérinement d’un procès-verbal à lui porté par la commission de recensement des votes. Enfin on frise quasiment le déni de justice lorsque s’agissant du moyen tiré de la violation de la loi sur l’affichage, les « sages » se déclarent incompétents.

Là encore l’éclairage est à chercher dans les débats. Le président du conseil s’était étonné de ce que le candidat KAMTO n’eût pas cru nécessaire de saisir la commission départementale de supervision avant d’éventuellement intenter un recours auprès des « sages ». Il lui a été rétorqué que non seulement la circonscription est unique, saisir 58 commissions à travers le pays n’était pas l’esprit de la loi ; pire ces commissions n’étaient même pas mises sur pied. Devant ces évidences, le conseil préfère se déclarer incompétent sans même indiquer où les parties devraient mieux se pourvoir. Surtout ne pas laisser à la requête la moindre chance de prospérer.

Des connivences éhontées

Les débats ont exposé un président de conseil tiraillé entre le désir de faire bonne figure et le réflex de donner des gages de servilité. Regardez le hargneux lorsqu’il adresse des répliques spécieuses à la défense du requérant mais servile dans l’accueil des interventions des soutiens du créateur. L’irruption intempestive de maître EYANGO dans la déposition du candidat KAMTO fut l’une de ses manifestations. L’avocat se plaignait du non respect du contradictoire et de la mutation de la requête introductive d’instance pour venir au secoure du président malmené. Il fallut une intervention énergique et magistrale du professeur KAMTO pour rappeler aussi bien à maître EYANGO qu’à à la cour la distinction entre les moyens et la preuve. Précisant qu’il n’y avait dans le code électoral aucune limitation de délai pour la présentation des preuves. Le paroxysme de la connivence apparaît lorsque tour à tour, les intervenants d’ELECAM du ministère de l’administration territoriale et du RDPC reprenant en chœur l’obligation du respect de la loi par les « sages » et uniquement la loi, le président d’habitude si hargneux ne crut pas utile de leur rappeler qu’il n’était pas juge administratif mais juge constitutionnel et qu’il lui incombait non seulement de juger la loi mais aussi d’en indiquer l’interprétation conforme à la constitution.

Dans une décision de 2013 vidant le contentieux levé par le MDR dans la région de l’extrême-nord, le conseil a sanctuarisé à 10 le nombre minimal de femme au sénat en estimant que la disposition du code électoral traitant de l’approche genre devait s’entendre par au moins un candidat de sexe féminin en position de titulaire. Il est loisible au conseil de déborder du texte constitutionnel proprement dit en indiquant des principes et des objectifs à valeur constitutionnel pour élargir le bloc de constitutionnalité. La défense du régime a même argué d’une interprétation restrictive de la notion de régularité des opérations électorales celle-ci devant se limiter au seul jour du vote.

Il apparaît de la décision du conseil que c’est bien ainsi que les « sages » conçoivent leur office. Constater et entériner un document de résultats produit ailleurs. Comprendre cette prudence implique de revenir à une décision du conseil de novembre 2002. Il s’agissait de contrôler la loi portant règlement de l’assemblée nationale. Contre toute attente la cour suprême siégeant au titre de conseil constitutionnel censurait la loi dans sa stipulation portant validation des mandats des députés. En promulguant quelques jours après en violation de la constitution une loi censurée par le conseil, le président BIYA montrait bien le peu de cas qu’il entendait faire de cette institution perçue comme son instrument. Avant même la mise sur pied d’un conseil constitutionnel de plein exercice, la couleur était annoncée.

De fait pendant le règne de monsieur BIYA, il n’ya pas à attendre une quelconque émancipation du conseil constitutionnel. Toute acrimonie à l’égard de ces onze obligés est œuvre futile. Leur servilité est dans le droit fil du verrouillage systématique de toutes les institutions du pays par un « prince personnaliste » se percevant comme l’horloge de l’univers. De son univers prébendier ! Car les prébendes sont bien le liant de tout cet attelage. N’a-t’il pas réduit le mandat des « sages » à six ans renouvelables en lieu et place de neuf ans non renouvelables ?

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