Analyse : Le franc Cfa n’est pas si mauvais
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Une conférence organisée par l’Université de Dschang démontre que cette monnaie n’est pas responsable du sous-développement de la zone franc.

Faut-il brûler le franc Cfa ? Faut-il continuer à rester dans la zone franc dont la proximité avec la présence coloniale française en Afrique saute à l’oeil ? Qui se sent gêné par une monnaie africaine ? Dans un contexte marqué par un débat houleux sur le maintien du Cfa, où le président tchadien Idriss Déby par exemple opte pour la rupture, l’Université de Dschang (Uds) a pris le risque d’inscrire sur ses tablettes une conférence le mardi 21 mars 2017 : « Zone franc et développement des pays membres ».

Volonté de conditionner  les esprits dans un contexte d’inertie ? « Cette conférence vise à faciliter l’assimilation des mécanismes de fonctionnement de cette zone », a précisé d’entrée le Pr. Paul Ningaye, président de l’Ecole doctorale d’économie de l’Uds et modérateur de circonstance. Sans convaincre car la plupart des questions qui sont revenues, de la part des étudiants-chercheurs dont certains ne cachaient pas leurs penchants panafricanistes, indexaient la France, coupable à leurs yeux de profiter grandement des ressources des pays africains à travers le fameux « compte d’opérations ».

Devant ce qui apparaît jusqu’à lors comme un « débat interdit », un « sujet tabou », le Pr. Désiré Avom, doyen de la Faculté des sciences économiques et de gestion et représentant du recteur en mission en Italie, a indiqué que la conférence avait une vocation pédagogique et scientifique. « Beaucoup parlent du franc à partir des préjugés et de l’ignorance. Or il s’agit d’une question complexe. Nous voulons équiper nos étudiants pour l’analyse économique et scientifique », a-t-il prévenu. D’où le recours à lui-même, spécialiste de la coopération monétaire internationale, au Pr. Modi Koko Bebey, spécialiste du droit bancaire et financier et aux docteurs Thierry Mvondo et Landry Bikaï, tous cadres à la Banque centrale des Etats de l’Afrique centrale (Beac) pour apporter un éclairage sur les facettes de cette problématique.

« Compte d’opérations »

Parlant des « mécanismes de fonctionnement de la zone franc », Désiré Avom a montré à travers la mise en place de cette zone monétaire que « la qualité des institutions est fondamentale dans le choix d’une monnaie ». S’inspirant de Frankel qui soutient qu’ « il n’existe pas un régime de change unique qui convienne à tous les pays ou à tout moment », il tire la conclusion que l’essentiel des échanges des pays de cette zone étant orienté vers l’Europe, il est risqué de couper le pont sans savoir où on va.

« Si les chefs d’Etat ont peur de demander que l’Afrique sorte de la zone franc, c’est parce qu’elle n’a pas que des défauts », analyse- t-il. « Les problèmes des pays en voie de développement ne se résument pas au taux de change. Nous avons un problème de gouvernance tel que l’élimination du processus habituel peut plutôt les amplifier. Il faut des institutions qui garantissent la sortie de la zone franc.

L’autonomie monétaire ne garantit pas le développement ». Il sera conforté dans cette posture par les deux experts de la Beac qui ont fait une analyse comparative des pays de la zone franc et des pays hors zone. D’où il ressort qu’entre 1988 et 2013, le taux de croissance a oscillé autour de 3,8% dans la zone, alors qu’il était de 3,6% en dehors. Le taux d’inflation est resté modéré, 3% pendant qu’il atteignait 6,2% hors de la zone. A titre illustratif, le Zimbabwe dont la virulence du discours de son leader est paradigmatique, a parfois connu une inflation de 1000% là où le Cameroun traverse difficilement 3%. Bien plus, avec 34,9% d’importations de l’Union Européenne contre 22% d’exportations ; 8,4% d’importations des Usa contre 13,5% d’exportations, la zone franc doit éviter le piège du Brexit. Il lui faut des fonds de compensation.

Conclusion du Dr. Thierry Mvondo : « La zone franc ne se comporte pas aussi mal qu’on le pense. Le franc Cfa n’est pas l’unique responsable de la mauvaise santé économique de la zone ». A la question de savoir si les accords de coopération créent des rapports perpétuels, Bebey Modi Koko a répondu que la Convention de Brazzaville de 1972, qui crée la zone franc, prévoit des modalités de rupture. Il y a donc problème si des responsables d’Etats crient et ne partent pas.

« Le problème n’est pas le franc Cfa mais le cadre juridique ». Le Pr. Modi Koko pense que l’Afrique, avec 14 membres sur 16 au conseil d’administration, dispose d’une marge de manoeuvre pour réaménager ces accords, à condition d’éviter la fixation actuelle sur le compte d’opérations, qui en fait ne concerne que 20% des avoirs des Etats. L’on aura surtout retenu, au sortir de cette rencontre, que « le compte d’opérations n’est pas l’argent des Etats stocké à la Banque de France ».

Et à ceux qui pensent que la conférence voulait justifier une posture politique, Alexandre T. Djimeli, le chef de service de l’information et des conférences (Sic) de l’Uds promet pour avril prochain une autre : « la problématique du retrait des Etats africains de la Cour Pénale Internationale et l’avenir de la Cour de Justice de l’Union Africaine ».

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