Cameroun,Secrets d’Etats:L’ex-coiffeur d’Ahmadou Ahidjo et de François Tombalbaye déballe
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Cameroun,Secrets d’Etats:L’ex-coiffeur d’Ahmadou Ahidjo et de François Tombalbaye déballe :: CAMEROON

Les secrets d’hommes d’Etats sortent généralement à leur mort ou après leur magistère. Pour le cas d’Ahmadou Babatoura Ahidjo plusieurs témoignages font état d’un Chef d’Etat qui raffolait de Whisky. Liquide qu’il buvait la plupart du temps à sec lors des audiences ou avant de prendre des décisions importantes. Le Premier Chef d’Etat Camerounais et plusieurs autres personnalités avaient-ils d’autres secrets ? Un ancien coiffeur de personnalités résidant à Garoua dévoile des non-dits.

A l’heure où la forte pression sur le rapatriement du corps du tout Premier Chef de l’Etat du Cameroun se fait sentir avant l’arrivée en terre camerounaise de S.E François Hollande, Chef de l’Etat Français, la plupart des camerounais ont des avis mitigés sur la question. Des uns arguant que ce retour n’apportera rien au quotidien déjà difficile des camerounais, raison pour laquelle un désintérêt est perceptible. Par contre d’autres appuient sur l’impérativité de ce retour pour réconcilier l’histoire « noire » du 6 Avril 1984 avec ses victimes collatérales. Le Président Ahmadou Ahidjo qui avait été contraint de s’exiler au Sénégal avait tout de même été réhabilité plusieurs années après sa mort par le régime d’Etoudi.

Un savant disait souvent que l’histoire s’en va et pourrait s’effacer si les vivants en décidaient. Le Cameroun, après plus de 50 ans après ses indépendances n’arrive pas encore à véritablement reconstituer son histoire qui se dissimule dans les bibliothèques parfois vieillottes de patriarches ou de colons qui n’ont jusqu’ici daigné remettre ce patrimoine trivial à la postérité camerounaise. Mais à l’observation, à l’évocation du nom d’Ahmadou Babatoura Ahidjo, la seule réponse jusqu’ici qui semble jaillir des lèvres de la jeunesse est le simple fait qu’il ait été Chef de l’Etat du Cameroun. Plus rien ! Alors que la plénitude de son histoire, enfouit dans les têtes de plusieurs personnalités encore vivantes risquera de s’envoler. Le tout Premier Président de la République et son histoire veulent ainsi être effacés. Pourquoi ? Va-t-on s’interroger sur les mobiles.

Dans plusieurs autres pays sérieux, les vestiges et les symboles du règne quel qu’il soit d’un dirigeant représente une inspiration inestimable pour la jeunesse en mal de repères. Celles du Cameroun n’en a pas et attend toujours que l’actuel régime remémore le règne passé d’avant et d’après indépendance pour étaler l’état d’esprit et les motivations dans les prises de décisions des anciens dirigeants. Pire encore, le régime Biya semble vouloir délibérément effacer la réalité du combat pour l’indépendance impulsé par les premiers patriotes à savoir Abel Kingue, Ruben Um Nyobe, Félix Roland Moumié, Ernest Ouandié et autres. Aucune initiative importante à créditer à l’équipe du Président Biya sur une volonté de réconcilier les camerounais avec leur histoire ; jusque l’accentuation d’une idolâtrie d’un seul homme qui semble aujourd’hui considéré comme la passerelle entre Dieu et les hommes.

Dans cette logique, nous avons fait la rencontre dans nos différentes investigations du coiffeur du Président Ahmadou Ahidjo et de plusieurs autres tels que François Tombalbaye, ex-dirigeant tchadien. Si Monsieur WAMBA David a voulu être sobre dans ces déclarations à l’encontre de ces anciens clients, il n’en demeure pas moins que le simple fait de découvrir ce personnage sous-entend une vie normale d’homme d’Etat vécu par certains dignitaires. Interview exclusive.

Comment vous êtes vous retrouvé à Garoua ?

Lorsque je suis arrivé à Garoua, la population ne parlait que Foufouldé. Je fis alors la rencontre de Feu TSAGUE David qui était le Chef des Bafou à Garoua. Il va me proposer d’apprendre un métier pour gagner ma vie. C’est alors que deux choix vont s’imposer, soit apprendre la coiffure soit la photographie. C’est la coiffure qui va me plaire parce que les outils n’étaient pas onéreux à acquérir.

« Aujourd’hui c’est moi qui l’a remplacé depuis sa mort »

Comment étaient vos débuts à Garoua ?

Très bon parce que nous n’étions pas nombreux à exercer. Mais difficile parce que si tu coiffais mal les clients te fuyaient. Je coiffais avec mes parrains. Ensuite j’ai ouvert à mon propre compte en 1965. Mais celui qui m’a véritablement formé était de nationalité Nigérienne et se prénommait Samuel (il est rentré il déjà plusieurs années ndrl). Ensuite mon apprentissage va se poursuivre avec Monsieur Thomas qui travaillait à la Sonel avec les blancs. Avec ma façon, plusieurs personnes assimilaient mon style au Nigéria ou si vous voulez aux coiffures effectuées au Nigéria. Il fallait donc apprendre au plus vite les coiffures françaises pour m’arrimer.

Je vais me mettre au travail et j’y parviendrais.

J’ai commencé à coiffer ici à Garoua à 25 Fcfa, 50 Fcfa et 100 Fcfa. La recette de la journée oscillait entre 1 200 Fcfa et 1 500 Fcfa. Aujourd’hui les prix sont montés et c’est chacun qui fixe en fonction de sa structure et de ses services.

Ce métier vous nourrit-il encore aujourd’hui ?

Je ne pense pas. Avant la coiffure payait. J’étais le seul au carrefour Yelwa à coiffer et mon concurrent lui étais au carrefour du marché central. Aujourd’hui plusieurs personnes se sont installés et exercent ; cela ne permet plus de rentabiliser comme avant malgré la population qui a grandi.

Ce que j’observe c’est que les gamins qui croient qu’ils savent déjà coiffer ne maitrisent le plus souvent pas les termes techniques pour nommer les coiffures. Comme noms je peux citer « Coiff avant », « Coiff arrière ». Lorsqu’un client appelle une coiffure ils ne peuvent pas faire, l’astuce est qu’ils vous montrent des looks et à vous de choisir ; encore que les tondeuses manuelles que nous avions ont été remplacées par celles électriques qui facilitent la tâche aujourd’hui.

Avec mon âge actuellement je ne pense pas être le dernier de Garoua avec la technique que j’ai apprise.

A ce jour pouvez-vous faire le bilan des personnalités que vous avez eu à coiffer dans votre salon ?

Mon salon n’a jamais changé d’emplacement. Lorsque j’apprenais encore le travail, c’est plutôt mes patrons qui allaient souvent coiffer les personnalités de la ville de Garoua. Je vous parle-là des années juste après les indépendances.

Un jour où mes patrons étaient absents, le chauffeur du gouverneur est venu au salon pour les besoins de son patron. C’est ainsi que pour la première fois je suis sollicité pour coiffer une personnalité (il va hésiter et dépité affirmera que le nom lui échappe ndrl). Par la suite je vais coiffer plusieurs autres personnalités de la ville et en grande partie les blancs (colons) car à cette époque le Lycée de Garoua était géré par les blancs ; très peu de noirs avaient des postes de responsabilités. Idem pour la base aérienne.

Comme étrangers africains, les Centrafricains et les Tchadiens figuraient également dans mon tableau de chasse.

Nous pouvons avoir d’autres noms ?

(Rires) Lorsqu’un client entre dans votre salon, vous lui demandez son nom ? Je ne pense pas. Vous vous contentez juste de le coiffer et si plus tard vous vous rendez compte qu’il est une personnalité importante ce sera à votre bénéfice. Toutes les personnalités que j’ai eu à coiffer, certes je n’ai pas tous les noms mais pour l’essentiel je pourrais reconnaitre.

Par contre je peux affirmer que l’ancien Président Tchadien en la personne de François TOMBALBAYE (Chef de l’Etat Tchadien ayant fait deux mandats (23 Avril 1962 – 30 Août 1973 et 30 Août 1973 – 13 Avril 1975) est venu se coiffer chez moi plusieurs fois. J’ai réussi à le coiffer grâce à une de ses relations ici à Garoua en la personne de Madeleine ; une jeune Dame qui était Maitresse (enseignante d’école primaire). Egalement j’ai coiffé l’ancien Chef de l’Etat et le tout Premier du Cameroun Ahmadou Babatoura Ahidjo.

Quelle a été les circonstances de cette rencontre ?

Je veux d’abord préciser que je ne l’ai pas coiffé pendant longtemps car quelques années après il va démissionner. La rencontre a été fortuite parce que lorsque je coiffais d’autres personnalités qui se rendaient à Yaoundé, les échos du travail effectué me revenaient avec des assurances d’avoir prochainement d’autres clients plus importants. Pour anecdote, ce qui me revient comme témoignages c’est que lorsque le Président Ahidjo interrogeait mes clients par rapport à leurs coiffures à Yaoundé, ils ne manquaient de préciser que c’était un coiffeur de Garoua qui le faisait et à Ahmadou Ahidjo de renchérir qu’ils étaient « laids » mais que le coiffeur les rendaient tout de même beau en promettant lui également de venir un jour se coiffer à Garoua.

Un matin, un véhicule est venu me chercher dans mon salon et l’on m’a amené dans la résidence du Président Ahmadou Ahidjo de Garoua. Je l’ai ainsi coiffé pour la première fois et d’après lui cela était excellent.

Pour la première fois que vous touchiez la tête du Président Amadou Ahidjo, qu’est ce qui vous revient comme souvenir ?

Le Président Ahmadou Ahidjo va me demander si je peux bien le coiffer et que si je « gâtais » sa tête il devra m’enfermer. J’ai accepté mais en prenant sur moi de lui demander comment il voulait que je coiffe précisément sa tête car c’était la première fois. Il va répondre qu’il n’aimerait pas qu’on rase le derrière de sa tête avec la lame. C’est ainsi que je vais laisser cet endroit en fleurs avec un peu de cheveu devant. Je n’ai pas rasé tous les bords comme avec un rasoir. Et curieusement c’était exactement comme cela qu’il voulait.

A ce jour pouvez-vous également citer d’autres personnalités qui ont vu vos mains et vos outils passer sur leurs têtes ?

Oui. Il y a actuellement vivant le Gouverneur de l’Adamaoua Monsieur Abakar Ahamat. Si on peut aussi compter ceux qui sont déjà décédés, nous pouvons citer le Feu ancien Délégué du Gouvernement auprès de la commune urbaine à régime spécial de Garoua Monsieur MAIKANO Abdoulaye, les Nassourou, les Fadil et plusieurs autres personnalités. Mais je pourrais préciser qu’à la mort du Président Ahmadou Babatoura Ahidjo, beaucoup de personnalités de Garoua ont disparu curieusement.

Quel est votre fin mot ?

Le seul métier que j’ai appris dans ma vie c’est la coiffure que je maitrise assez bien. Partout où mes clients sont allés dans Garoua pour se coiffer, ils sont toujours revenus me revoir. Ma façon de coiffer est très appréciée.

Je suis marié et père de 9 enfants donc 4 files et 5 garçons. Mes enfants parlent bien Foufouldé et l’écrivent.

© Camer.be : Yannick Ebosse

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