Manipulation : C’est grave, docteur ?
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En nous abreuvant de propos sur un imaginaire « complot », le pouvoir de Yaoundé essaye de détourner l’attention de la vraie question : comment se porte le président ?

«Le président Paul Biya et son épouse se portent très bien. » C’est ce qu’il faut retenir du point de presse donné hier par le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary. La sortie du porte-parole du gouvernement fait suite à la publication sur la version Afrique du site Internet du Monde d’un article intitulé « Cameroun : le couple présidentiel hors du pays et en mauvaise santé ». Le texte qui n’est pas signé évoque les soucis de santé auxquels le chef de l’Etat et son épouse seraient confrontés.

A u sujet de Paul Biya qui séjourne en ce moment en Europe, Le Monde Afrique écrit : « De sources concordantes, Paul Biya séjourne actuellement dans un centre hospitalier du canton de Genève, où il suit un traitement pour des soucis cardiaques et un cancer de la prostate, ajoutent les mêmes sources. Âgé de 82 ans – dont 33 passés au pouvoir – « l’homme lion », comme on le surnomme au Cameroun, hésiterait à subir une opération chirurgicale envisagée par les médecins. » S’agissant de Chantal Biya, Le Monde Afrique ajoute : « La première dame du Cameroun n’a pas accompagné son époux en Suisse. Elle est en France où elle suit des soins de reconstruction depuis une opération du col de l’utérus effectuée à l’hôpital américain de Neuilly en 2013. Cette intervention chirurgicale l’avait éloignée du pays pendant plusieurs mois. »

Ces allégations sur la santé du couple présidentiel ont fait bondir le ministre de la Communication. Issa Tchiroma parle d’intox, qui participent « des attaques récurrentes menées contre notre pays par médias interposés ». « Ces contempteurs et autres oiseaux de mauvais augure, poursuit-il, doivent savoir qu’ils n’auront jamais raison de la détermination de la nation camerounaise et de son chef, son excellence Paul Biya à conduire ce pays vers son destin et son essor. »

Comice agropastoral d’Ebolowa

Avant cette réaction du ministre de la Communication, quelques sous-fifres avaient été dépêchés sur des plateaux de débats du week-end, pour amorcer la contre attaque du pouvoir, au sujet de cette information qui a fortement déstabilisé le pouvoir de Yaoundé. Dès le samedi matin, un véritable état-major s’est réuni autour du Secrétaire Général de la présidence de la République, aux fins de réfléchir sur les stratégies à mettre en place. Dans un premier temps, il fut même question d’une conférence de presse du Mincom ce dimanche même, avant qu’on ne se ravise.

Il a été décidé d’envoyer en première ligne d’abord, des « seconds couteaux ». C’est la raison de la présence d’Albert Mbida par exemple à l’émission « Scènes de presse », où Aimé Robert Biyina a dû modifier les invités de son plateau et les thématiques en dernière minute. Quant aux « éléments de langage », il s’est agi de concentrer tout autour du « complot » d’une puissance étrangère, la France, pour ne pas la nommer, appuyée par ses médias …

Cette attitude cache mal une volonté claire de déplacer le débat en évitant les questions qui fâchent, mais qui restent fondamentales : le président de la République est-il en bonne santé ? Les Camerounais ontils le droit d’être sereinement renseignés sur l’Etat de santé de celui qui les gouverne depuis 33 ans aujourd’hui et qui est tout de même âgé de 82 dans un pays où l’espérance de vie dépasse à peine la moitié de cette existence ?

Très souvent, quand une polémique est née sur sa santé, Paul Biya s’est exprimé, d’une façon ou d’une autre, et de manière prompte, sinon avec une pointe sarcastique. En juin 2003, une folle rumeur l’annonce mort en Suisse. Lorsqu’il regagne son pays à la suite de cette fausse nouvelle, il en rit au micro de Charles Ndongo sur la Crtv. « Le fantôme vous salue », rigole-t-il, avant de donner rendez-vous à ceux qui s’intéressent à ses obsèques dans 20 ans. Deux années plus tard, en mars 2006, le président de la République prend part au sommet des chefs d’Etat de la Cemac à Bata en Guinée équatoriale. Paul Biya est pris d’un malaise. Panique totale. Certains médias commencent à relayer des informations alarmantes. On le dit presqu’à l’article de la mort. Lorsqu’il retrouve ses esprits, le chef de l’Etat s’exprime sur son état de santé avec un brin d’humour.

« Ce n’est pas un malaise cardiaque ou une perforation intestinale, ou un ulcère d’estomac… c’est lié à ce que nous mangeons…J’ai mangé le Nnam Ngon ». Avec cette nouvelle polémique sur la santé du président Biya, nul doute que son retour sera une occasion de rassurer quelques esprits qui doutent encore de sa forme olympique telle que décrite hier par Issa Tchiroma. On verrait bien Paul Biya s’offrir une vaillante marche sur quelques kilomètres comme il le fit lors du Comice Agropastoral d’Ebolowa, ou alors s’adonner à son sport favori, l’attaque des cols à la bicyclette. Ce serait plus convaincant. Les Camerounais attendent donc, pour être rassurés, de voir leur président, à sa prochaine descente d’avion, dans le scénario déjà huilé, que nous connaissons tous. Alors ce jourlà, il nous gratifiera,  pour clore cet épisode, de l’une de ces saillies dont il a le secret.

© Le Jour : Flore Edimo

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