Yves-M. Fotso et l’indemnisation du B.747 Combi
CAMEROUN :: SOCIETE

CAMEROUN :: Yves-M. Fotso et l’indemnisation du B.747 Combi :: CAMEROON

Après deux renvois dus à l’indisponibilité de l’accusé pour raison de santé, les débats du procès qui oppose le ministère public à l’ancien Administrateur directeur général de la Cameroon Airlines ont enfin démarré le 5 février dernier. Au centre de cette première audience, l’usage fait des fonds générés par l’indemnisation du Boeing 747 de la Camair qui avait connu une sortie de piste à Paris. Kalara reconstitue les échanges.

Il y avait, pour cette seconde audience de cette nouvelle affaire Yves Michel Fotso, trois postures qui se sont croisées et même entrecroisées pour dessiner les prémices d’un BlockBuster à la camerounaise qui retiendrait bien l’attention de Basseck Ba Kobhio et de ses collègues. Les deux premières, très actives, du procureur général près le tribunal criminel spécial (TCS) et du premier témoin de l’accusation, Emile Christian Bekolo Ebanga, expert comptable, associé gérant du cabinet Bekolo and Partners, qui déposait en tant que liquidateur de la Cameroon Airlines (Camair).

La troisième, celle de l’accusé, moins active, mais finalement décisive puisque c’est elle qui provoque la suspension de l’audience. L’Examination in Chief-phase du procès pénal au cours de laquelle le procureur de la République interroge son témoin-de cette affaire, déclenchée par une plainte déposée le 1er mars 2012 par la liquidation de la Camair contre Yves Michel Fotso pour détournement de la somme de 69,8 milliards Fcfa au préjudice de la Camair a permis d’en cerner le premier noeud : la gestion par Yves Michel Fotso, du temps où il était administrateur directeur général de la Camair, des indemnités liées à l’accident du Boeing 747-Combi de la Camair. Le 5 novembre 2000 en effet, le Combi, qui a à son bord de nombreux passagers, dont des membres du gouvernement, fait une sortie de piste à l’aéroport Roissy Charles-de Gaulle de Paris. Pas de mort ni même de blessés. Mais l’appareil est sérieusement endommagé.

Perte totale

Son constructeur américain va conclure, après évaluation et selon le témoin de l’accusation, qu’il s’agit d’une perte totale. Conséquence, toujours selon l’expert comptable, l’appareil doit être totalement indemnisé par son assureur, Chanas Assurances. Ce dernier doit donc payer à la Camair que dirige alors Yves Michel Fotso, 45 millions de dollars Us, soit environ 31,5 milliards de francs CFA. Les deux parties conviennent que cet argent sera payé par acomptes, quatre au total, d’un montant global de 29 milliards Fcfa, la différence étant affectée au financement des travaux réalisés à l’aéroport parisien suite à l’accident du Combi. La Camair recevra la totalité de ces indemnités entre février et juillet 2001.

Selon Emile Christian Bekolo Ebanga, ces indemnités, payées en dollars Us, ne seront pas versées directement dans un compte de la Camair, mais à celui de la Commercial Bank of Cameroon (CBC), logé à la Bnp Parisbas en France. Précision : CBC est la banque du groupe Fotso, et l’Adg de la Camair en est administrateur. C’est de ce compte que l’argent sera transféré en francs CFA, dans le compte de la Camair logé à la CBC à Douala, avec des jours de différé à chaque paiement (10 jours pour le premier acompte, 38 pour le second, 7 pour le troisième et un pour le quatrième). L’expert comptable explique que ces retards ont généré un préjudice de 249,5 millions Fcfa, calculés à partir d’une indexation du taux d’intérêt par jour de retard à 15%. De plus, soutient le témoin, le taux de conversion des dollars Us en francs Cfa a fait perdre à la compagnie nationale 4,3 milliards Fcfa. Pour avoir fait verser ces indemnités en dollars et dans un compte intermédiaire en France, l’expert comptable évalue donc à 4,6 milliards Fcfa la perte que Yves Michel Fotso a fait subir à l’entreprise qu’il dirigeait.

«Etait-ce nécessaire de faire transiter cet argent dans un autre compte ?», demande le procureur général au témoin. «Non ! L’argent aurait pu être versé directement dans un des comptes de la Camair logé à la CBC.», répond l’expert comptable. Dans la salle, un tapis sonore de murmures s’installe. Dans le box des accusés, Yves Michel Fotso trépigne d’agacement. Il essaye de se contenir, mais les questions du procureur général au témoin lui arrachent de temps en temps un soupir désabusé. Le regard qu’il lui jette alors est loin d’être amical.

La nervosité qu’il affichait dès avant l’entame de l’audience monte à vue d’oeil au fur et à mesure. Elle atteindra son point maximum bientôt. Puisque le parquet du TCS et le témoin vont aborder la question de l’usage des indemnités reçues par Camair. Selon Emile Christian Bekolo Ebanga, le conseil d’administration de la Camair avait donné instruction à l’Adg de la société de procéder prioritairement à l’achat d’avions avec cet argent. Yves Michel Fotso décidera lui, de payer 4 milliards de francs à la société Aircraft Incident Recovering (AIR) ; 8,9 milliards de francs au constructeur Bombardier au titre d’avance pour l’achat de deux avions CRJ ; et une troisième partie aux sociétés Rotwell, GIA et Avipro Finance, comme paiement d’avances et dépôts pour locations d’avions.  

Agent économique

«Quelle prestation a réalisé AIR pour bénéficier du paiement de 4 milliards Fcfa ?» , demande le procureur général. «Aucun contrat y relatif n’a été retrouvé à la Camair. Et la CBC, qui avait procédé à la transaction, ne nous a pas fourni de document lié à cette opération. », répond le témoin. Qui poursuit en expliquant que Yves Michel Michel Fotso (YMF) qui s’était reconnu lors de la confrontation comme agent économique de AIR (ce qui veut dire qu’il avait des intérêts financiers dans cette entreprise) avait alors expliqué que AIR avait aidé la Camair à recouvrer ses indemnités. Or, toujours selon l’expert comptable, l’intervention d’un tiers n’était guère nécessaire pour que la Camair rentre dans ses droits.

L’expert comptable soupçonne par ailleurs l’homme d’affaires d’être l’agent économique de Rotwell et soutient que YMF est l’un des signataires d’un des comptes bancaires de GIA, et qu’il avait lui-même reconnu être l’agent économique de Avipro Finance. En clair, Yves Michel Fotso a, selon ce témoin, des intérêts directs dans toutes les trois sociétés auxquelles la Camair louait des avions. Reste le dossier d’achat de deux avions à Bombardier pour un montant total de 56,9 millions de dollars Us. La Camair avait alors fait, en janvier 2001, une avance de 12 millions des mêmes dollars, soit environ 8,9 milliards Fcfa, avant d’affecter, dans le cadre d’une renégociation, la totalité de cette somme pour l’avance d’achat d’un seul avion.

Restait à payer par la Camair à Bombardier, la somme de 30 millions de dollars Us avant mai 2001 pour acquérir l’appareil. La Camair n’ayant guère respecté cet engagement, une clause du contrat prévoyant la perte de l’avance en cas de non respect de l’échéancier de paiement, la société va perdre son avance de 8,9 milliards Fcfa. Question du procureur général : «Les perspectives financières de la Camair permettaient-elles à l’Adg de prendre cet engagement et de le tenir ?» Réponse du témoin : «Oui !» Relance du parquet : «Pourquoi donc le reste d’argent n’a-t-il pas été payé à Bombardier ?» Yves Michel Fotso ne tient plus. Lorsque la parole lui est donnée, il dit à la Cour qu’il ne va pas bien et que cet «acharnement » sur sa personne n’arrange rien.

Le président de la collégialité, le juge Francis Claude Moukouri, suspend l’audience. Et programme la suivante au 4 mars 2015. Le public, lui, a noté qu’à ce stade, Yves Michel Fotso est accusé pour avoir fait perdre à la Camair, 17,5 milliards Fcfa sur les 29 débités des comptes de Chanas Assurances au bénéfice de l’ancien transporteur national. 

© Kalara : Serge D. Bontsebe

Lire aussi dans la rubrique SOCIETE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo