Cameroun : Paul Biya légitime le leadership de Maurice Kamto.
CAMEROUN :: POINT DE VUE

Cameroun : Paul Biya légitime le leadership de Maurice Kamto. :: CAMEROON

En consacrant une partie de ses vœux à la réponse aux critiques du Mrc et surtout en qualifiant ses leaders de « esprits mal intentionnés », Paul Biya légitime une ligne de fracture qui se dessine depuis plusieurs mois dans l’opinion
 
Cela ne saute pas aux yeux, mais quand on analyse sur la durée, c’est une évidence chez l’homme : Quand Paul Biya est contrarié, quand il est sérieusement contrarié, il insulte. Les rigueurs de l’éducation des missionnaires catholiques au séminaire n’ont pas eu grand effet sur ce trait de caractère. Au mieux, son passage en ces milieux austères lui a permis de bien envelopper sa pensée, le rendant hermétique au commun des esprits, mais la vérité est là, Paul Biya ne supporte pas la contradiction. Pour illustrer ce propos, point n’est besoin de remonter aux petits mots assassins de Paul Biya lors de ses premières crises avec son « illustre prédécesseur » Ahmadou Ahidjo. Depuis le début des années 90, le vocabulaire politique national s’est enrichi d’un chapelet de petites gentillesses du locataire d’Etoudi à l’endroit de ses opposants lorsque ceux-ci se montraient inconvenants envers lui.

  • « Marchands d’illusions »,
  • « vandales », 
  • « Qui sont-ils ? », 
  • « politiciens aux abois », 
  • « apprentis-sorciers » et autres. 

 
Héritage de ses précieuses humanités Paul Biya le plus souvent insulte par prétérition ou par ellipse, en omettant de citer directement et nommément ceux qu’ils attaquent, comme si leur nom le temps de l’insulte devient tabou et du registre d’une caste inférieure des intouchables. S’il est laissé à lui-même, s’il n’est pas brusqué, Paul Biya peut sur une longue période insulter ses contradicteurs sans jamais les citer. On y verra aussi une forme de mépris à l’endroit de ceux qui le contrarient. Il l’avait déjà fait avec Ahmadou Ahidjo avant 1990 jusqu’à ce qu’un journaliste français le titille : « Pourquoi ne prononcez-vous jamais le nom de votre prédécesseur depuis le début de cette crise, son nom est-il tabou ? » avait-il notamment avancé à Paul Biya qui lui avait accordé une interview au lendemain de la tentative de coup d’Etat officieuse 1983 avant celle plus réelle du 6 avril 1984. Et là, le président avait bondi comme dans un geste de défi « Non, son nom n’est pas du tout tabou, il s’agit de Monsieur Ahmadou Ahidjo, vous voyez bien que j’ai prononcé son nom qui n’est pas du tout tabou au Cameroun ».
 
MEPRIS ET TRANSCENDANCE

Dans ses vœux de nouvel an au peuple camerounais, Paul Biya  a quelque peu fait bégayer l’histoire. Le contexte est mauvais. Bien que nous soyons loin des échéances électorales qui du reste sont depuis lors totalement maitrisées et sans inquiétude pour son parti le Rdpc, Paul Biya n’a pas eu toujours l’occasion de manœuvrer à son aise. De dicter son calendrier à ses compatriotes. Il se doit de sortir de la routine, de sortir de sa routine, d’être en éveil. En cause une situation sécuritaire plus que trouble aux frontières septentrionales et orientales. Pour l’heure, l’armée fait son devoir et rien que son devoir avec des résultats satisfaisants, mais Paul Biya qui a toujours un coup d’avance sur le temps ne doute pas que les militaires seuls ne viendront pas à bout de cette guerre. 

Et là, il a renforcé l’arsenal législatif répressif en inspirant une loi prétendument pour lutter contre le terrorisme. Si l’adoption de cette loi ne faisait l’ombre d’aucun doute au vu de la configuration du parlement camerounais, Paul Biya a manifestement été choqué des critiques qui l’ont accompagnée. L’occasion de sa présentation des vœux au peuple camerounais lui a permis de le faire savoir à celui qui a animé la fronde tant sur le plan des institutions que de l’opinion médiatique. Et comme très souvent quand il est remonté contre un contradicteur, Paul Biya oublie son nom. Le Mrc qui a osé une contreproposition à la loi antiterroriste de Paul Biya et surtout son leader, le Pr. Maurice Kamto qui a investi les médias, enchaînant colonnes de journaux écrits, plateaux de télévision et studios de radio pour qualifier cette loi de manœuvres de musellement des citoyens a perdu son nom. Aux yeux de Paul Biya, il s’appelle désormais « esprit mal intentionné ».
 
EN PLEIN MILIEU DU « BIG 6 »

En vérité, l’« esprit mal intentionné » doit bien se tenir à l’avenir. Si c’est un signe de considération que d’être dans le viseur de Paul Biya qui ne s’occupe plus du menu fretin, ce n’est pas une position très enviable au regard de sa façon de gérer ses contradicteurs. Le Pr. Maurice Kamto et ses amis ont dépassé le niveau des outsiders et à partir du moment où ils deviennent une alternative crédible, les officines diligentées depuis le cabinet civil se doivent de leur préparer un plan de riposte à la dimension de ce qu’ils sont.

A la vérité aussi, en ignorant les réserves du Sdf à travers l’adresse de l’Honorable Fopoussi, celles de l’Udc du Dr. Adamou Ndam Njoya et surtout celles de l’Upc professées par le Pr. Louka Basile pour se concentrer sur les critiques du Mrc, qui il est vrai, ont été les plus médiatisées, Paul Biya entérine à sa façon, une certaine perception dans l’opinion qui fait du Pr. Maurice Kamto l’alternative la plus sérieuse et crédible du moment. Lorsqu’il a créé son parti à quelques mois des premières élections sénatoriales du Cameroun, il n’était pas une menace. Plombé par son passage à la « mangeoire » du gouvernement, les observateurs y voyaient la mise sur orbite d’un parti de plus qui allait se dégonfler avec sa première participation à des élections nationales.

Pour beaucoup de politologues et d’analystes de la scène nationale, le jeu politique au Cameroun avant le 30 septembre 2013 était fondamentalement stable autour de 6 partis politiques (Rdpc, Sdf, Undp, Udc, Upc et Mdr) qui portent des aspirations nationales ou spécifiques parfaitement décelables. Autour et à la marge de ces 6 grands partis nationaux ou régionaux, il y avait de la place pour de fortes personnalités (Marcel Yondo avec le Mljc, Jean Jacques Ekindi avec le Mp voire Pierre Kwemo avec l’Ums) qui pouvaient faire des incursions dans le marigot politique sans que leur empreinte ne porte au-delà de leurs exploits individuels, d’ailleurs difficilement rééditables. C’était la lecture d’avant le 30 septembre 2013. Puis il y a eu la surprise du Mrc du Pr. Maurice Kamto.

Si au sortir de ces élections, le néo parti s’en est sorti sans la moindre commune à gérer et avec seulement un seul siège au parlement sur les 280 possibles (180 à l’Assemblée nationale et 100 au Sénat), la réalité des suffrages indique qu’il a divisé les « Big six » en deux pour se positionner au beau milieu. Il s’est positionné comme la 4e formation politique du Cameroun derrière le Rdpc, le Sdf et l’Undp mais devant l’Udc, l’Upc et le Mdr qui ont plus de membres au Parlement et qui ont plus de communes à gérer. Cette photographie du moment du 30 septembre 2013 a beaucoup évolué depuis lors. En raison de leurs difficultés structurelles, les partis politiques de la moitié inférieure du « Big 6 » ne donnent pas l’impression de pouvoir repasser devant le Mrc dans l’immédiat. Au contraire, avec l’aide des médias qui relaient bien les actions du Pr. Maurice Kamto, l’impression est plutôt celle d’une progression plus marquée encore de son parti dans le jeu institutionnel en cas de nouvelles élections. Et ceux qui ont des yeux pour voir le relèvent aussi. Paul Biya s’en inquiète dans ses insultes et Maurice Kamto s’y prépare…

Pour nos lecteurs, nous avons reproduit l’intégralité des vœux du chef de l’Etat. En raison de sa longueur (qui n’est loin d’être le double de celui de Paul Biya), nous n’avons publié qu’un extrait de celui du chef du Mrc. Reste que ceux qui ont lu la totalité des vœux du Pr. Maurice Kamto ont eux aussi noté la trop grande place qu’il a accordé aux conditions d’une élection juste et transparente. Celui qui a l’obsession d’une « alternance dans la paix » ne peut pas quitter cette option des yeux, fut-elle quand il adresse ses vœux à, en théorie, au moins trois années des prochaines élections au Cameroun.

Le Pr. Maurice Kamto s’y prépare. Il s’y voit. Mais que cet « esprit mal intentionné » ne s’étonne point que sa marche en avant soit jonchée d’embûches. En haut lieu, il n’amuse plus. Il irrite.

© Correspondance de : Michel Eclador PEKOUA

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