Au barbecue organisé par ma copine le mercredi 31 décembre 2014 dernier, j’ai réalisé que je n’étais pas la seule à n’avoir pas suivi le discours de fin d’année de Paul Biya à la nation. Les gens semblaient carrément désintéressés. D’autres, volontairement, avaient choisi de ne pas écouter plus longtemps... Assis devant sa bouteille de whisky, mon pote de Total semblait surpris de ma surprise de le voir visionner autre chose que la Crtv, ou toute chaîne où le discours de Paul Biya n’aurait pas manqué de susciter de vifs commentaires dans les débats.

Mais, ici chez La Grande Royale, chacun semblait plus intéressé par le choix du poisson frais ramené de Youpwé, qu’Esther avait gracieusement mis à la disposition de ses clients habituels, et qui n’attendait plus qu’eux pour être braisé. Les boissons étaient payantes… Mon ami pétrolier m’a fait comprendre qu’il avait d’abord commencé à écouter le discours du chef de l’Etat. Mais se rendant compte qu’au fil du débit celui-ci allait s’affadissant, il avait préféré se connecter sur le mode Tf1, préférant de loin ces petits Français qui jouaient les zouaves avec leurs trémoussements que d’entendre d’avantage de non-dits.

Visiblement, je n’avais pas perdu grand-chose. Paul Biya apprendrai-je plus tard, n’avait pas dit grandchose à ses concitoyens, sinon que le Cameroun ne s’était jamais si bien porté et comporté qu’en 2014, même si Boko Haram était venu gâter toute la sauce… Rien sur ses ministres, ni sur ses partisans voleurs de biens publics. Les invités d’Esther sirotaient leur boisson en dégustant du poisson. D’autres attendaient leur tour d’être servis. On parlait de la messe de la St Sylvestre qui battait son plein à l’église catholique voisine de Sainte Monique de Makèpè, où plus de 3.000 fidèles s’étaient transportés pour finir l’année en odeur de sainteté.

Le temple du bicentenaire de l’église évangélique situé à 50m de là n’était pas en reste, qui se préparait lui aussi, à donner le la d’un réveillon en prière. Plus bas, à 100m à peine des catholiques, à la mosquée, l’imam, les trémolos dans la voix, invitait ses frères musulmans à s’agenouiller encore plus bas dans la foi. Il avait fallu le renfort des forces de police pour contenir les foules et régler la circulation en ce lieu-dit La Colline Sacrée. En 2013, pour la toute première fois, les Camerounais avaient cru déceler un peu de virilité dans le discours de fin d’année de Paul Biya, discours qu’ils croyaient précurseur de changement et de révolution.

L’homme avait fustigé sans fard son gouvernement pour sa fainéantise. C’était méchant ! Mais, une fois n’est pas coutume, c’était courageux. Courageux, mais hélas !, pas téméraire… Au finish, il n’y aura pas eu ce remaniement ministériel. Alors qu’on la croyait imminente, la cour constitutionnelle n’a toujours pas été mise sur pied, des années après son énoncé. On n’a pas observé d’amélioration particulière des conditions de vie dans le quotidien des Camerounais, au contraire ! Comme cadeau de nouvel an, l’Etat entend augmenter le prix de la bière ! Jusqu’à présent, on la pensait soporifique, l’opium qui permet au peuple de noyer ses soucis sans réagir face à tout le reste…

Mais, il faut de l’argent pour financer la guerre contre Boko Haram. La guerre contre la vie chère, elle, peut toujours attendre. Paul Biya, en cette année 2014 qui vient de s’écouler sera resté fidèle à ce que ses contradicteurs pensent de lui. D’aucuns lui voient comme des absences, des vides. D’autres croient percevoir les signes de lassitude d’un vieux lion en fin de règne et dépassé par les évènements qui a opté de contourner les vrais problèmes, faute de pouvoir y faire face sans perdre la face. C’est donc sans surprise que ceux qui seront encore là s’apprêtent à vivre les déceptions majeures qui attendent le Cameroun en 2015. Vu ainsi, le discours du chef de l’état à la nation peut être perçu comme une invitation à tous à aller se faire cuire un oeuf