Meeting de Maurice Kamto à Paris: Fridolin Nke,corrige Luc Sindjoun,Conseiller Spécial de Paul Biya
CAMEROUN :: POLITIQUE

CAMEROUN :: Meeting de Maurice Kamto à Paris: Fridolin Nke,corrige Luc Sindjoun,Conseiller Spécial de Paul Biya :: CAMEROON

Dans la tribune qui va suivre, l’enseignant de philosophie,Professeur des Universités, fait une analyse panoramique de la sortie de Luc Sindjoun,Conseiller Spécial du Président Paul Biya au sujet du meeting du 31 mai 2025 du Professeur Maurice Kamto à Paris.

L'intégralité de la lettre en dessous

Monsieur, Je vous admire. Que dis-je, je vous aime. Sachez-le, je vous en prie. Je sais, quant à moi, la surprise que vous causera l’aveu soudain de ma flamme à votre égard, ce d’autant plus que, de nos jours, les hommes mâles ne s’aiment plus de cet amour platonique supérieur qui irradiait le commerce des grands esprits d’antan ; ils aiment à se détruire mutuellement le derrière. Et c’est affreux. Je ne vous imagine pas en train de l’imaginer…

Je suis si normalement amoureux de vous qu’à chacune de vos sorties épistolaires, vos mots m’emplissent l’intelligence et le cœur d’un tel contentement que, grâce à vous, j’ai compris l’effet des bulles pontificales sur l’esprit envoûté d’un chrétien dévot.

Mais comme vous le savez, quand on aime, on est très exigeant ; quand on aime, on est jaloux et possessif. Comme tout amoureux, je ne peux me résoudre à perdre l’objet de mes soupirs intellectuels. 

D’ailleurs, par votre récente inconduite intellectuelle, objet de la présente missive, j’ai compris quelque chose d’essentiel dans la vie d’un penseur. J’ai compris ceci : pire que le cocufiage, les infidélités éthiques sont les plus poignantes, les plus révoltantes et les plus blâmables. C’est pourquoi, lorsqu’un disciple est déçu par le Maître à cause d’une blessante inconduite et d’une radicale corruption des mœurs, il se durcit et il le tue dans son cœur.

Heureusement, ce n’est pas le cas à présent, car je ne revendique aucune attache cognitive à votre égard. Mais je me morfonds : qu’il est bien révolu le temps où vous critiquiez la généralisation du chômage, l’avortement du processus de production par la fonction publique d’une classe moyenne et la multiplication des conflits entre dirigeants au sein de l’appareil de l’État, les réseaux identitaires, la résurgence des identités infra-étatiques et leur instrumentalisation par le pouvoir, le clientélisme au cœur de l’État réseau, la société de cours (ce sont vos termes dans l’article « Le champ social camerounais : désordre inventif, mythes simplificateurs et stabilité hégémonique de l’État », Politique africaine, 1996, p 57 et suivantes), ainsi que la conservation du pouvoir qui jouerait le rôle d’opium, un engrenage d’élections concurrentielles à transparence souvent contestée, et l’impossible alternance au regard des conditions d’organisation des élections au Cameroun (ce sont vos mots dans votre « Introduction au thème. Le Cameroun dans l’entre-deux », Politique africaine, 1996, p. 14).

Je sais l’excuse que les repentis du régime du Renouveau avancent souvent pour justifier leur mue doctrinale et alimentaire : vous avez tronqué ma pensée en la sortant du contexte ! Je vous l’accorde volontiers, car lorsqu’on aime on pardonne tout. Mais, de grâce, avant d’oublier cette très lointaine infidélité, dites-moi : où est le bonheur collectif dont vous disiez dans ce dernier texte que l’État doit garantir à tous et à chacun ? Sachez que la crédibilité d’un penseur est tributaire de la constance de son raisonnement au cours de son existence. Et la raison est le phare de la vie et non le clignotant de bas instincts.

Mon très respecté Monsieur,

Je vous dis donc que je vous aime malgré ce que vous allez publiquement confesser comme de petits et lointains égarements avant que vous n’ayez eu l’occasion de connaître et de travailler avec l’Homme-lion. Mon affection à votre endroit est si forte que j’ai longtemps hésité à exposer en public la flamme de mon cœur, vous.

Jusqu’à votre dernière sortie incendiaire sur le MRC et Kamto, je n’aurais jamais songé qu’un jour vous pourriez heurter ma sensibilité et servir de cible à ma plume affûtée. Car je savais que votre pertinence intellectuelle inégalée, votre grand style de raisonnement et d’écriture, votre exemplaire pondération et votre sens très poussé de la loyauté envers le Prince ne vous prédisposent pas aux radicalismes et aux enflures de la haine qui sont le commun des idéologues sans scrupule du Renouveau, comme Luther Meka, mon bon petit, comme le très redoutable grand-frère Mathias Éric Owona Nguini, un homme sans pitié pour tout ce qui est beau, vrai ou juste.

Je m’étais dit que, puisque vous avez de la classe et de la retenue, vous serez toujours l’exception qui confirme la règle qui est d’avoir des Professeurs écraseurs dans nos classes universitaires. Je vous situais donc si haut au-dessus du lot que je m’étais convaincu que vous ne pourriez jamais descendre si bas dans les approximations intellectuelles et les querelles de chiffonnier qui sont notre lot. Votre récent texte m’a définitivement désillusionné.

Monsieur,
Votre texte, écrit à l’encre enfourchée de la concussion, de l’indignité et du vice, m’a fait sortir de ma réclusion volontaire, parce que je vous aime. Je ne vous écris pas au nom du MRC, parti auquel je n’appartiens pas, ni non plus au nom de Maurice Kamto, dont je ne suis pas le légataire testamentaire en matière d’intrigues politiciennes. Je vous écris en tant que lecteur, l’obligé de votre plume savoureuse et épicée.

Mais allons droit au but. Voici pourquoi je suis effarouché. Dans votre sortie, vous soutenez en substance que le Président Paul Biya est un grand démocrate parce qu’il organise régulièrement les élections. D’entrée de jeu, je vous objecte que la périodicité respectée de la tenue des élections ne fait pas de ces rendez-vous des scrutins « transparents, libres et sincères ». Pour Biya, l’élection est simplement un rituel pour renforcer son pouvoir à l’intérieur et pour les besoins de justification et de légitimation de son pouvoir autocratique à l’endroit de la communauté internationale. Mais ce qui m’a le plus choqué dans vos développements, ce sont deux choses : la canonisation de l’âge du Président en soutien à sa candidature à la prochaine élection présidentielle et la mobilisation des arguments fallacieux, inspirés par la malhonnêteté, pour faire du football et de l’alcool des vecteurs essentiels de la vie démocratique.

i. Sur la canonisation de l’âge du président Paul Biya
Ce qu’on lui reproche, et Maurice Kamto le fait adroitement, c’est son incapacité à gouverner et le fait qu’il dissimule cette incompétence rédhibitoire en laissant ses lieutenants politiques piller, torturer, tuer les Camerounais, tout en interdisant à ceux-ci d’organiser des manifestations publiques en vue de crier leur colère et leur ras-le-bol. C’est ce qu’on reproche à notre souverain. Et vous êtes au cœur du système et vous savez que lorsque l’on dit cela, c’est la stricte réalité de votre régime. Et nous disons qu’avec l’âge qui avance, le déclin économique s’amplifie, les difficultés s’amoncellent, les crimes d’État gagnent en cruauté. La raison est simple : Paul Biya n’a plus la force de conduire ce pays. Il ne l’a jamais fait, puisqu’il n’a jamais demandé le pouvoir qu’Ahidjo lui avait remis. Il n’a donc jamais vraiment gouverné ; il n’a fait que paresser, se reposer, et la vieillesse augmente son besoin de repos.

Tous les arguments spécieux que vous allez mobiliser contre cette vérité massive vont tomber dans l’eau, dans la Sanaga, en traversant le pont d’Ebebda, au lieu précis où vos collègues du pouvoir ont immergé Mgr Bala, après avoir bu son sang vivant et l’avoir supplicié respirant. Je dis donc que tous les pertinents mensonges que vous pourrez mobiliser en soutien à la candidature immorale de Biya ne vont pas atteindre les consciences à Yaoundé, encore moins les esprits éveillés dans la diaspora. Dans la capitale, le monde le sait : le pays est à l’arrêt et les deux principaux clans, les Bulu et les Nanga, se regardent en chiens de faïence, prêts à en découdre, sous le regard livide d’un vieillard rattrapé par son passé d’intrigant-en-Chef et par les méchantes machinations ourdies pour diviser ses collaborateurs et ses adversaires politiques et dont il est désormais incapable, physiquement, psychologiquement et intellectuellement, d’en démêler les écheveaux. Ce que vous aviez dénoncé en 1996 s’est amplifié de manière exponentielle.

L’âge n’est donc pas seulement un obstacle à la Grandeur de la nation, mais il est un danger en ceci qu’il laisse le pays à la merci des pirates qui en font ceux qu’ils veulent. À preuve, l’accumulation des scandales financiers et des assassinats politiques, CANgate, Glencoregate, COVIDgate, Martinez Zogogate, SRCgate, etc. L’âge très avancé du président Biya, que vous appelez « ressource politique majeure », s’avère finalement n’être qu’un attentat perpétré contre les normes républicaines en valeur dans les démocraties modernes, où la limitation des mandats et les restrictions sur l’âge s’imposent comme critère de sélection des candidats au pouvoir suprême.

Monsieur mon bien aimé,

À moins que vous ayez renoncé à vos titres de Politologue pour revêtir la toge de Gérontologue, il vous est moralement et juridiquement interdit de continuer de professer la science politique, de revendiquer votre statut de Théoricien de l’État, des principes constitutifs du pouvoir politique et des usages républicains qui le manifestent, tout en pervertissant les fondamentaux qui ont sous-tendu l’évolution des Républiques modernes. Vanter par exemple notre loi fondamentale comme garantie de crédibilité démocratique de votre régime, alors que cette Constitution est taillée sur mesure pour un despote plein d’ambitions mais sans cran, est proprement un sacrilège et une hérésie. Ce n’est pas seulement une faute déontologique et professionnelle ; c’est un péché capital en science. Et votre responsabilité dans tout ce bazar. Y avez-vous songé ? En tant que Conseiller Spécial du Prince, qu’avez-vous fait pour aider ce dernier à éviter que la société camerounaise ne se retrouve pas en lambeaux, comme c’est le cas actuellement ?

Il vous est moralement et juridiquement interdit de tordre le bras au bon sens, de trahir votre serment en tant qu’Expert en sociologie politique, pour vous contenter de renflouer, à votre profit, le capital de sympathie d’un souverain sans cœur qui ne sait qu’opposer les frères d’un même village pour mieux savourer son cynique appétit de tyran inutile et renforcer son statut imaginaire de poutre indéboulonnable de stabilité et de sécurité du pays. À moins que vous ayez renoncé à vos titres de Politologue pour revêtir la toge de Gérontologue assermenté du Renouveau.

Monsieur,

Si, pour vous, l’agisme est un délit, pour nous il n’est pas un problème. Mieux, il est un argument de poids qui s’impose à tous lorsqu’on assiste au spectacle affligeant d’un vieillard assommé par le temps et terrassé par un naturel inconfort qu’on traine comme un animal de cirque. Ne pas le voir n’est pas un signe d’affection à son égard. C’est plutôt votre silence devant la souffrance et la maltraitance actuelle du Président Biya qui constitue deux délits : la complicité d’abus de faiblesse et le refus d’assistance à personne en danger.

ii. Sur l’argument du football et l’alcool comme vecteurs de la culture démocratique

Vous opposez à Maurice Kamto que le football est un « vecteur de diffusion de la culture démocratique » et que dans les pubs britanniques, on se passionne pour le football tout en buvant des boissons alcoolisées et que ces lieux sont des lieux populaires de démocratie. Ce faisant, vous passez sous silence le fait que le football est codifié en Grande Bretagne à la fin du 19e siècle, au moment où le processus d’industrialisation s’était déjà enraciné dans le pays. Le football en tant qu’exutoire et non un outil de gouvernement. Ce n’est pas en tropicalisant les loisirs occidentaux pour les transformer en autant de nécessités dans la conduite des affaires de l’État que cela va miraculeusement transformer ces distractions en outils normatifs de gestion politique de la cité.

En Angleterre, les pubs, comme le football, ont contribué à asseoir la souveraineté de la Nation anglaise et sa puissance économique. Ces outils du soft power, avant la lettre, ont assuré le rayonnement international du pays. Or, chez nous, le football et la bière sont de puissants sédatifs pour noyer l’intelligence, pour asservir et pour dominer, en parfaite intelligence avec les puissances étrangères. C’est pourquoi on dit de vous que vous êtes les laquais du néocolonialisme. Vous laissez votre peuple à la merci de Castel, le propriétaire des Brasseries du Cameroun, qui refuse de payer les impôts comme il faut, qui débarque chez nous avec un jet privé, rencontre Biya et s’en sort avec des exonérations scandaleuses d’impôts. Quel renégat !

Grâce aux progrès scientifiques et techniques et aux autres prouesses de la science, l’empire anglais s’est industrialisé et est allé à la conquête du monde. Le perfectionnement de la distillation du whisky et sa commercialisation à grande échelle ont contribué, et continuent d’assurer l’enrichissement de la Grande Bretagne et la domination de ces marques à travers le monde. Où sont nos distilleries et nos usines de production d’alcool ? Au contraire, le montant astronomique de l’achat des milliers de caisses de vin hors de prix, de vin de Champagne de prestige et de Whisky par la Présidence camerounaise importées d’Europe chaque année montre à suffisance que notre État est entre les mains de jouisseurs impénitents qui veulent convertir tout le peuple à la religion du crime et de la frivolité.

Par rapport au football, vous avez récemment dépensé plusieurs milliers de milliards pour construire des stades inachevés à travers le pays. Vous vous abstenez de financer la recherche et de créer des usines pour acheter des stades de football préfabriqués et vous nous les ramenez en pièces détachées. Quelle honte ! Le football, l’alcool et les jeux de hasard sont des instruments de dépolitisation de la jeunesse que vous avez réussi à ancrer dans les mœurs des jeunes et des moins jeunes pour tuer leur volonté et le courage d’entreprendre quoi que ce soit qui mettrait en péril votre régime moribond.

Sont-ce là vos faits d’armes en tant que Gouvernement ? Quel mérite peut-on reconnaître à une telle dérive de votre raison politique ? Quel type de satisfaction trouvez-vous lorsque vous bradez ainsi notre avenir commun ?
Ah ! Cher ami, que la respectabilité, que la notion noble d’honneur, que le prestige sont entachés chez vous !
S’il n’était permis de juger votre engeance du Renouveau qui est si prompte à verser dans la suffisance et l’autoglorification, je n’utiliserais pas le mot faible de vilenie que vous avez opposé à Maurice Kamto. Je vous traiterais tous de pires scélérats de la terre. Mais un si lourd affront ne convient point aux esprits amourachés.

Mon Très cher Monsieur,
Être loyal ne prédispose pas nécessairement à l’indignité, encore moins à la mendicité. Je vous prie néanmoins de continuer de me compter toujours parmi vos fidèles et dévoués lecteurs.

Votre très discret admirateur,

Fridolin Nké
Expert en Discernement

Pour plus d'informations sur l'actualité, abonnez vous sur notre chaîne WhatsApp   

Lire aussi dans la rubrique POLITIQUE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo