LE RETOUR DE MAURICE KAMTO : LA POLITIQUE REPREND LA RUE
CAMEROUN :: EVENEMENTS

CAMEROUN :: LE RETOUR DE MAURICE KAMTO : LA POLITIQUE REPREND LA RUE :: CAMEROON

Hier, Douala a vibré sous une chaleur inhabituelle, non pas tant à cause du climat, mais de l’accueil réservé à Maurice Kamto, figure politique devenue, pour beaucoup, le symbole d’un espoir en sursis. Son retour a déclenché une vague de ferveur populaire rare dans une ville désormais habituée aux résignations. Des centaines de personnes, drapées de slogans ou simplement portées par le souffle d’une attente confuse, ont convergé vers les points de passage de l’opposant, saluant en lui non seulement un leader, mais un possible renouveau. Cette scène n’a pas manqué de raviver les tensions et de poser de manière crue la question de l’espace démocratique au Cameroun. Très vite, des voix se sont élevées pour rappeler les cadres légaux : « Est-ce que la campagne électorale est ouverte ? Est-ce que la réunion a été déclarée ? Est-ce que le corps électoral a été convoqué ? »

Autant d’interrogations lancées, non sans nervosité, par ceux qui voient dans cet accueil massif une forme de défi aux institutions établies. Et pourtant, au-delà des procédures, ce moment dit quelque chose de profond : la soif d’expression politique, d’alternative, d’écoute. Il serait trop simple de balayer cette agitation comme une violation de la loi. Elle est aussi le symptôme d’un corps social qui peine à trouver une respiration politique sincère dans les cadres autorisés. Le régime, fidèle à son habitude, oppose la stabilité à toute velléité de changement brusque. Certains, comme ce partisan de longue date du président Biya, continuent de croire à la vision d’un Cameroun affranchi de ses chaines coloniales sous sa houlette, et misent sur la continuité institutionnelle pour garantir l’ordre et la prospérité. « Le président aime le Cameroun, il a formé des gens, il connaît les enjeux… » entend-on ici et là. Un discours de fidélité qui a sa logique,  celle de la peur du vide, de l’inconnu, ou d’un saut mal préparé. Mais dans le camp d’en face, les lignes bougent. De plus en plus de jeunes, souvent dépolitisés, se retrouvent dans les gestes de Kamto : sa ténacité, son calme face à la répression, son refus de l’appel aux armes. Pour ses partisans, il incarne non pas un messie, mais un repère. « Ce pays n’a pas besoin d’un sauveur providentiel.

Il a besoin de nous tous, éveillés, unis, engagés. » Ces mots, lus ou entendus dans des groupes, des messages, des tracts, traduisent une nouvelle manière d’envisager le changement – non plus dans le bruit des balles, mais dans l’éveil des consciences. Bien sûr, des voix dissonantes demeurent. Certains estiment que Kamto ne pourra rien changer, d’autres ironisent sur les illusions des foules. Il faut entendre ces doutes. Ils sont le miroir d’une population échaudée par des décennies de promesses non tenues. Mais dans une société verrouillée, même la manifestation d’un doute est un progrès. L’ombre de l’anarchie n’est jamais loin, concèdent certains analystes. Si trente candidats autoproclamés se lançaient dans des tournées semblables, le pays sombrerait dans la cacophonie. Mais n’est-ce pas justement le rôle des institutions que de canaliser ces expressions, plutôt que de les réprimer ? Car ce que l’on a vu à Douala n’était pas de l’anarchie, c’était un peuple qui cherche à parler. En définitive, ce retour de Kamto n’a pas seulement mis à nu les failles du régime ; il a aussi interrogé l’opposition sur sa propre capacité à offrir autre chose que des slogans. La révolution ne viendra pas des fusils, mais elle ne viendra pas non plus des illusions. Elle viendra d’une maturité collective. Elle viendra d’un peuple capable d’exiger, mais aussi de construire. Et si ce peuple existe bel et bien, hier à Douala, il a commencé à se montrer.

Lire aussi dans la rubrique EVENEMENTS

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo