Prisonniers politiques et Séquelles de l'esclavage et de la colonisation à Yaoundé
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Les prisonniers politiques que notre organisation reconnaît et défend sont en fait des otages ou des esclaves du régime de Yaoundé. En effet, la notion de prisonnier politique se poursuit avec la fiction selon laquelle il existe encore des processus juridiques et une responsabilisation du personnel judiciaire au Cameroun. La réalité est que les processus juridiques impartiaux et la responsabilité des bourreaux de ces prisonniers politiques sont pratiquement inenvisageables en l’état des rapports de forces politiques dans ce pays. Ils sont morts-nés.

Dans un contexte plus large, pour comprendre cette situation, il faut commencer par préciser que l'indépendance d’une partie du continent africain de l’ancienne puissance coloniale française n'était pas un moment politiquement déterminant mais juste un changement de modes de domination, avec les anciens colonisés prenant la place du maître colonial dans des plantations biopolitiques se faisant passer pour des États-nations modernes. En effet, les mêmes formes d'exploitation, d'inégalités, de dépossession, d'expropriation et de confiscation se sont perpétuées jusqu'à ce jour, laissant les anciens colonisés aussi vulnérables que sous la colonisation.

En conséquence, dans ces plantations biopolitiques comme au Cameroun, il n'y a pas de relations de propriété puisque le maître - Nnôm Ngui (Chef des chefs) - possède tout, en plus du monopole sur le pouvoir temporel, les ressources et la violence de l'État. Il a un pouvoir de vie et de mort dans un système fondamentalement antidémocratique.

Ainsi, les prisonniers politiques sont ses esclaves.

Dès le début, ils n'ont aucun droit car les esclaves n'ont aucun droit. Comme l'écrit Steve Biko, ce n'est même pas une question de race ou d'ethnie spécialement. Cela a plus à voir avec le pouvoir, l'influence et le statut.

Le « Nnôm Ngui » a le pouvoir, et comme maître Sun Tzu de l'art de la guerre, d’écarter du champ de bataille électoral et politique des personnes qu'il considère dangereuses pour sa présidence à vie.

En ce sens, nous ne pouvons pas parler de "prisonniers politiques" mais d'esclaves ou d'homo sacer qui sont des gens qui n'ont pas d'existence légale. Ce sont donc des gens que tous les autres serviteurs du «Nnôm Ngui» peuvent traités avec cruauté et qui sont "tuables" à tout moment sans que leurs tueurs n’encourt la moindre conséquence.

Voilà également ce qui explique un gouvernement inconscient face à la pandémie de Covid-19 qui sévit dans ses prisons, une indifférence et une insensibilité particulièrement inhumaines. Parce qu’il sait ses otages politiques condamnés inévitablement à la mort.

Cette réalité a aussi des liens avec le néolibéralisme où il y a une guerre de tous contre tous, et où les prédateurs profitent des vulnérabilités d'autrui et en font la norme. Nous aboutissons de la sorte à un système qui favorise les sociopathes et les psychopathes.

Cette réalité place notre organisation dans une situation très difficile en essayant de faire respecter les droits Humains dans la dystopie.

Ces instituts de la répression n'ont pas de normes adéquates, fonctionnent selon les caprices d'une seule personne et ne peuvent être réformés. Principalement parce qu’elles ne croient ni à la liberté de l'information ni aux commissions d'examen et de supervision des citoyens dont nous militons pour.

Ces séquelles de l'esclavage et de la colonisation, de la présidence dérangée puis de l’exacerbation de la menace du terrorisme comme alibi pour piétiner les droits légaux et démocratiques expliquent en grande partie les enjeux de la lutte actuelle. Parce que cette masse de tensions historiques non résolues est aujourd’hui placées devant une obligation de résolution. Une résolution rendue presque impossible avec un président et ses «créatures» se vantant tous les jours qu’ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent sur les personnes en institutionnalisant la haine ethnique et la lutte contre l’insécurité, rendant pleinement opérationnel leurs menaces et imposant en toute impunité leurs caprices.

Ce dont nous avons besoin, c'est d'une vague de changement transformatrice, car les séquelles de l'esclavage et de la colonisation ont perpétué l'héritage de la dystopie dans des pays comme le Cameroun. Ce genre de vie de zombies est clairement en train de disparaître - mais nous sommes encore à la croisée des chemins: soit cette résolution finit dans une démonstration que l'autoritarisme triomphe, soit la substance longtemps niée de la politique égalitaire et de la justice sociale deviendra une réalité. Le passé non digéré et assumé sera soit affronté et traité, soit il consommera et consumera totalement notre soi-disant expérience républicaine.

Pr. Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P

http://www.cl2p.org 

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