FONCTION PUBLIQUE : Retraités en fonction, gangrène de l’administration
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Simples et surtout hauts fonctionnaires, ils restent en poste alors que l’heure de la retraite a sonné depuis belle lurette. Sachant que leur carrière se trouve désormais derrière eux, ils se livrent à toutes sortes de pratiques de nature à bloquer le fonctionnement de l’administration ou à entretenir les réseaux de corruption.

Le phénomène est bien connu dans toute la fonction publique de l’Etat. Les fonctionnaires ayant atteint la limite d’âge mais toujours en activité se recrutent aussi bien au sommet de la hiérarchie administrative qu’à la base. Dans ce dernier cas, il s’agit surtout des secrétaires des cabinets ministériels. S’agissant de la haute administration, de manière générale, les fonctionnaires occupant notamment les postes de secrétaires généraux ou de directeurs ne quittent leur poste qu’à la suite de la nomination de leur remplaçant. Une mesure qui prend très souvent du temps, dans la mesure où ces hauts fonctionnaires sont nommés par le président de la République ou le Premier ministre.

Seulement, la situation des secrétaires généraux (SG) de ministères retraités préoccupe au plus haut point, au regard de leur position centrale ou névralgique. Très souvent, ceux-ci restent en fonction, parfois pendant longtemps, alors que l’heure la retraite a sonné depuis belle lurette. Et le phénomène ne date pas d’aujourd’hui. A sa nomination à l’immeuble Etoile en 2009, Philemon Yang est notamment chargé par le président de la République de régler cet épineux problème. Lors de sa première rencontre avec la nouvelle équipe gouvernementale, le Premier ministre d’alors prescrit aux ministres de «veiller à ce que les fonctionnaires placés sous leur autorité et admis à faire valoir leurs droits à la retraite libèrent effectivement à temps le service. »

Mais au lendemain du mouvement survenu en novembre 2018, plusieurs SG de ministères frappés par la limite d’âge restent en poste. Pourtant, le deuxième alinéa du décret présidentiel du 7 octobre 1994 portant statut général de la fonction publique de l’Etat est clair sur la mise à la retraite : « Elle intervient d’office lorsque le fonctionnaire est atteint par la limite d’âge, quelle que soit la fonction administrative qu’il peut exercer en vertu d’un acte individuel ou collectif, sous réserve des dispositions des statuts particuliers ou spéciaux ». Le cas de Jean Baptiste Baskouda reste emblématique. L'info claire et nette. Alors secrétaire général du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, il n’a pas attendu un acte officiel pour faire ses cartons le jour prévu pour son départ à la retraite. A la grande surprise de son ministre qui avait tout fait pour le retenir. En vain.

Si, à la lecture de l’article 126 du décret sus cité, « l’admission à la retraite du fonctionnaire est prononcée par arrêté du ministre en charge de la fonction publique », mais il revient au ministre utilisateur de veiller au respect de cette disposition. Bien sûr, certains ministres, à l’instar de Henri Eyébé Ayissi alors ministre de l’Agriculture et du Développement rural, tiennent au respect scrupuleux de la règlementation en poussant leurs SG à la retraite aussitôt la limite d’âge atteinte. Sauf que cette mesure intervient le plus souvent quand les rapports entre le SG et sa hiérarchie sont houleuses.

Dans beaucoup de cas, les SG sont maintenus à leur poste avec l’onction de leur ministre. « Ils ont le pouvoir de désigner un intérimaire, mais certains ministres pour des raisons qu’ils sont seuls à connaître se gardent de recourir à cette prérogative », soutient un féru du droit administratif qui explique que « le ministre est pleinement dans son droit en signifiant une cessation d’activité à son SG ayant atteint l’âge de la retraite. Il engage sa responsabilité en maintenant à son poste un tel collaborateur ». Conséquence, le SG se sent très puissant. « Il est conscient d’être la cheville ouvrière du ministère. Camer.be. Mais sachant que sa carrière se trouve désormais derrière lui, il s’illustre, au vu et au su du ministre, donnant parfois l’impression d’être le véritable patron, à toutes sortes de mauvaises pratiques », souffle un cadre d’un ministère. Un autre qui a roulé sa bosse dans plusieurs ministères révèle : « Les SG retraités ont l’art de ne pas s’occuper ou si peu des dossiers techniques pour privilégier le traitement des dossiers à incidence financière, surtout lorsqu’ils ont intérêt à le faire. Les dossiers qui ne génèrent aucun profit personnel ne font pas partie des priorités ». « Cette situation, se désole un autre, peut avoir des conséquences graves pour certains ministères sensibles comme les Enseignements secondaires, l’Education de base ou le ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire dont l’action est aujourd’hui coordonnée par des SG frappés par la limite d’âge ».

Mais de quoi vivent ces fonctionnaires dont la solde est suspendue de manière automatique par le ministère des Finances ? Pour ce jeune fonctionnaire qui piaffe d’impatience, la réponse va de soi : «Les SG retraités bénéficient d’avantages désormais indus, se servent en gérant de colossaux budgets mis à leur disposition, vont jusqu’à faire main basse sur le budget des directions placées sous leur contrôle et ne sauraient donc avoir de problème de survie comme le simple fonctionnaire curieusement plus assidu et ponctuel au travail, qui pour ce faire entretient avec la complicité de son chef des réseaux de corruption et de monnayage des services».

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