Françoise Etoa: « Mora est une ville - martyre à qui nous devons tous »
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Présidente de l’Ong Cercle des Enfants pour la Défense de la Langue française, une organisation qui fait dans l’humanitaire, Françoise Etoa s’est confiée à nos confrères du quotidien camerounais le jour, après avoir procédé le 10 mars dernier, à la distribution de bicyclettes neuves de grande marque aux femmes déplacées internes du camp de Mémé, dans le département du Mayo-Sava (région de l’Extrême-Nord).Une interview exclusive que retranscrit in extenso pour vous ici, votre journal en ligne Camer.be

Il y a quelques semaines, on vous a vu dans la région de l’Extrême-Nord, à Mora plus précisément. Qu’y faisiez-vous ?

J’ai séjourné pendant plusieurs jours à Maroua, dans le cadre des activités liées à la 34ème Journée internationale des droits de la femme. J’y étais pour la distribution de bicyclettes neuves, et de grande marque, aux femmes déplacées internes du camp de Memé. C’est à Mora dans le département du Mayo- Sava. Il était question pour nous, de mettre en œuvre, notre concept de « Une Femme, Un Vélo ». Ce camp situé à 21 kilomètres de Mora, abrite des déplacés internes ayant fui leurs villages voisins du Nigéria, afin d’échapper aux atrocités de la secte satanique et meurtrière nigériane Boko Haram.

Ayant séjourné à Mora en mai dernier pour des entretiens avec le patriarche et maire Abba Boukar, pour mon projet de construction de supérette solidaire, j’avais fait un important don en denrées alimentaires (riz, sucre, savon, huile végétale…), aux occupants du camp de déplacés internes de Memé. Y étant, j’avais été heurtée par de longs kilomètres que ces femmes du camp parcourent à pied chaque, à la recherche de l’eau. Et vous savez que la région de l’Extrême-Nord est une zone sahélienne à la sécheresse très rude. J’avais aussi remarqué que certaines de mes sœurs de l’Extrême-Nord, avaient des vélos pour aller soit chercher de l’eau, soit de la nourriture. Ce qui leur renddonc relativement la vie plus facile. D’où depuis ce jour-là, le concept « Une Femme, Un Vélo » qui, germa dans ma tête.

Les vélos en question ont été achetés en France, puis acheminés au port de Douala, puis par camion à Mora, avec le concours de nos sponsors que sont : Vivendi Sports de Bolloré, Cimencam, Tradex, Razel et la Fondation Mtn. Leur répartition a donc eu le 10 mars dernier, à l’esplanade de la mairie de Mora.

Racontez-nous votre parcours humanitaire

Vous savez, comme le dit l’écrivain français Marcel Pagnol dans son roman « La Gloire de mon père », il est très difficile de parler de soi en bien. Je suis dans l’humanitaire depuis de longues décennies, et très loin des objectifs des caméras. Mais de manière médiatique et formelle si voulez, j’agis dans l’humanitaire, à travers notamment, mon Ong « Cercle des Enfants pour la Défense de la Langue française ». En fonction de notre champ d’intervention dans un pays ou dans une région, celle-ci peut se décliner en un thème. Aussi, verrez-vous par exemple « Cercle des Enfants pour la Défense de La Langue Française », épouser le thème « Un Sourire pour les Veuves et Les Orphelins de guerre », « Une Femme, Un Vélo », en fonction des spécificités de l’intervention humanitaire à opérer. A travers cette organisation caritative, nous avons à plusieurs reprises, offert des appuis aux enfants et veuves de nos vaillants soldats tombés contre les obscurantistes terroristes de Boko Haram. Concrètement, il s’agit de chèques pour la scolarité des enfants, et pour que les veuves de nos vaillants soldats, puissent exercer du petit commerce, et se prennent ainsi elles-mêmes en charge.

Je suis aussi la Présidente-fondatrice de la Maison de la Francophonie de Bata en Guinée-Equatoriale. Inaugurée par Son Excellence Obiang Nguema Mbasogo le chef de l’Etat, celle-ci vise la promotion de la langue française en Guinée-Equatoriale. Convaincue qu’il ne faut pas que du pain pour le bien-être, mais aussi la culture et l’éducation, nous avons déjà aussi procédé à l’ouverture des bibliothèques à travers le continent, dont une à Tombouctou au Mali, une région qui ressemble à s’y méprendre à la région de l’Extrême-Nord Cameroun.

Et enfin comme je vous disais tantôt, je ne suis pas milliardaire, mais j’aide tout le temps, quand cela est possible, ceux qui sont des situations de précarité. Je pense sincèrement que ce qui fait notre valeur et singularité en Afrique, c’est la solidarité. Il y aurait moins de souffrances et de misère si, ceux qui en ont au-delà de leurs besoins, avaient de la compassion pour les nécessiteux et les vaincus du sort. Mais les gens préfèrent amasser pour du vent et la vanité de la vie.

Quels sont vos projets futurs

Certainement plusieurs. Mais vous savez, la vie de l’Homme est limitée ; son action aussi. Cela dit, je pense qu’au milieu de nos ambitions multiples, il faut cibler un projet, et bien le conduire. Le mois prochain, l’opération Une Femme, Un Vélo, va traverser les frontières, et s’étendre à la République sœur de Centrafrique où, nous allons procéder à la distribution de bicyclettes neuves à l’Association des ressortissants de la Vakaga pour le développement (Arevad). Il s’agit d’une région centrafricaine aux conditions de vie semblables à celles de l’Extrême-Nord Cameroun. La construction de la Superette solidaire de Mora, est aussi notre projet humanitaire le plus immédiat et prioritaire. Il s’agit d’une coopérative, un espace marchand qui serait construit dans la ville de Mora. Mora est une ville-martyre. Sa résilience a permis au reste du Cameroun, de rester imperméable à la secte Boko Haram. Mais cela a un prix. Mora est une ville au tissu social et familial déchiré et désagrégé. Des familles se sont disloquées. La superette solidaire dont nous avons récemment procédé à la pose de la première pierre à Mora en présence des autorités administrative, municipale, traditionnelles et religieuses, permettra aux femmes, de vendre leurs produits en coopératives, afin de se faire de l’argent. Les cultures locales très fertiles comme la pastèque, y seront privilégiées.

La Superette solidaire de Mora est un grand espace. Elle comprendra en son sein, une salle multimédia, un bloc administratif, et sera alimentée à l’énergie solaire. Avec la salle multimédia, Mora s’ouvrira au monde. La structure comportera aussi des jardins et des espaces de jeux pour jeunes. Il ne faut pas oublier cette bibliothèque qui contribuera à l’éducation des jeunes, notamment de la jeune fille, afin que celle-ci, ne se fasse plus enrôler dans des doctrines obscurantistes.

Devant les crises multiformes que connait le Cameroun, quelle est la place d’une démarche comme la vôtre ?

Nous regrettons déjà que notre pays est en proie à des crises diverses depuis 2013 où les attaques de Boko Haram ont commencé à faire des morts chez nous. La crise anglophone intervenue depuis bientôt trois ans, a fragilisé davantage notre réputation de « Cameroun, havre de paix ». L’insécurité dans l’Adamaoua avec des enlèvements-rançons, des agressions meurtrières. Les incursions des groupes rebelles centrafricains à l’Est. Ce marqueur d’identification qui naguère faisait notre fierté, est sérieusement entamé aujourd’hui. Nous vivons une tragédie humaine. De quelque bord politique, religieux ou tribal qu’on se trouve, il ne faut point se le cacher : ce serait nous séduire nous-mêmes et faire dans le déni de réalité.

Toutefois, je lance un appel à notre président Paul Biya, pour qu’il impulse un vrai et profond dialogue qui sorte notre pays de cette tragédie humaine que nous vivons. Que tous les fils de ce pays soient mis autour d’une table, et se parlent sincèrement pour un retour à la paix. La langue de bois, le griotisme et la flagornerie, sont très malsains devant ces compatriotes qui tombent chaque jour au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. Devant ces morts, on se doit d’abord par pudeur et par respect, de mettre nos intérêts et avantages sous le boisseau, et se dire vraiment, que rien ne vaut une vie humaine. C’est pour cela même que nous sommes humanitaires.

Etre un humanitaire ce n’est pas seulement attendre des crises pour jouer au Zoro en faisant des dons, mais c’est aussi faire de la prévention, en appelant à la cessation des hostilités. Un médecin n’en est pas moins médecin si personne ne tombe malade dans son district de santé. Quel qu’en soit le camp, ce sont des camerounais qui meurent. Il faut tout faire pour que notre pays en sorte.

Des actions humanitaires comme les nôtres dans un tel contexte, comme vous pouvez le deviner, ont pour but, de soulager les peines et les souffrances des victimes de ces multiples crises. Mais en tant qu’humanitaire, nous aurions de loin préféré qu’il n’en fût rien. Même sans la guerre et la crise, il y a toujours des faibles et des nécessiteux à secourir.

Africaine, Camerounaise, et humanitaire, comment vous définissez-vous ?

Je me nomme Françoise Etoa. Ce qui du point de vue onomastique, trahit donc que je suis Camerounaise. Une bantoue de la région du Sud. Mais je me sens Camerounaise partout : du Nord, au Sud, à l’Est et à l’Ouest. La preuve : aujourd’hui, mes actions humanitaires profitent à l’Extrême-Nord. Je suis donc Africaine, et fière de l’être. Et quelles sont les valeurs cardinales de la société camerounaise en particulier, et de l’Afrique en général ? C’est bien évidemment, la solidarité, l’amour, le partage, quelque soit le peu que nous avons. Cela nous distingue de tous les autres peuples du monde. Je suis donc nécessairement humanitaire parce que je suis Camerounaise et Africaine.

Mais devant un monde qui se constitue de plus en plus en grands blocs influents et antagonistes, je rêve des Etats-Unis d’Afrique, pour que nous soyons plus forts et plus solidaires face aux autres zones d’influence (politique, économique et militaire) du monde.

On vous a aperçu dans certains palais présidentiels. Faut-il forcément ces bénédictions pour faire ce que vous faites ?

Pas nécessairement. Toutefois, avoir des entrées dans le haut monde politique, culturel et économique, reste un grand atout pour faire dans l’humanitaire. Cela est important pour mobiliser les donateurs qui peuvent être des entreprises, ou des particuliers. Cela est sans doute un avantage additionnel et très important.

Au risque de me jeter des fleurs, j’ai des relations avec certains chefs d’Etat et de gouvernement de la sous-région Afrique centrale. J’ai des relations avec plusieurs membres du gouvernement de par le monde. Et plus encore dans le monde économique et des affaires. Faut-il vous le rappeler, Françoise Etoa est une lobbyiste de classe mondiale. Je possède un carnet d’adresses qui me permettrait de négocier brillamment des contrats d’affaires pour un pays. Il s’agit d’un carnet d’adresses qui n’a rien à envier à ceux de ces lobbyistes que vois arpenter les couloirs des palais présidentiels. Mon carnet d’adresses est fort riche de presque toutes les grandes multinationales européennes, notamment françaises.

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