REQUISITIONS : Le procureur demande la condamnation de Gervais Mendo Ze et autres
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Le parquet général du tribunal criminel spécial estime que l’ancien directeur général de la Cameroon Radio Television et certains de ses coaccusés mis en cause dans le détournement au sein de l’office d’un peu plus de 18 milliards de francs n’ont apporté lors de la phase de défense, aucun élément susceptible de convaincre de leur innocence. Il requiert la culpabilité à leur encontre.

C’était un moment attendu dans ce procès. La phase du réquisitoire dans l’affaire qui oppose Gervais Mendo Ze, ancien directeur général (DG) de la Cameroon Radio Television (Crtv) et autres à l’office public et au ministère des Finances (Minfi) devant le Tribunal criminel spécial (TCS) depuis trois ans maintenant. Mercredi, 10 octobre 2018, le collège des juges dirigé par Emmanuel Ndjere, chef de la juridiction a donné la parole au représentant du procureur général à cette audience pour exprimer publiquement le point de vue de l’institution à la suite de l’argumentaire de défense déployé par l’ancien DG et ses camarades d’infortune au sujet des accusations de détournements de fonds publics à hauteur de 18,3 milliards de francs qui pèsent sur leurs épaules.

L’accusateur a profité de cette tribune pour revisiter les fondements du litige déclenché il y a une décennie avant de s’appesantir dans un premier temps sur les reproches faits aux mis en cause, puis sur la pertinence des différents alibis exhibés par chacun d’eux pour se tirer d’affaires. Au finish, la culpabilité de dix accusés sur les quinze en jugement dont M. Mendo Ze est requise tandis que l’étau de l’accusation se desserre sur cinq autres. Dès l’entame de son exposé, le ministère public plante le décor de la scène du crime supposé. D’après son scénario, l’ancien DG et ses complices présumés ont participé chacun à son niveau, à la construction d’un système pour «taper dans la caisse» à travers «l’hypertrophie » du compte n°470534 alloué à la Crtv dans les livres de la trésorerie générale de Yaoundé (TGY) et destiné à héberger les fonds de la redevance audiovisuelle (RAV). L’accusation soutient que les agents du ministère des Finances et ceux de la Crtv, poursuivis dans le cadre de cette procédure, amplifiaient la valeur des comptes en vue de jouir de retombées plus importantes en terme de primes et bonification diverses. En guise d’illustration, le magistrat fait observer que la circonscription financière du Littoral I à Douala a collecté pendant l’exercice décrié, 2,276 milliards de francs, tandis que les registres tenus par le personnel Crtv en poste à la TGY affichent pour la même période un montant de 7,225 milliards de francs, soit un surplus de 5,449 milliards de francs.

Gap dans les comptes

Autre spécimen, constat identique. La circonscription financière du Centre I à Yaoundé a fourni un bilan de 1,852 milliard de francs alors que les registres marquent un solde de 4,199 milliards de francs soit un décalage de 2,159 milliards de francs. En marge de la légalité, s’émeut le parquetier qui ajoute que les intervenants de cette chaîne ont en toute connaissance de cause pris de la distance avec les prescriptions de l’ordonnance du 12 décembre 1989 instituant une redevance audiovisuelle (RAV) à la Crtv et l’arrêté du ministre des Finances (Minfi) du 30 janvier 1990 fixant les modalités de fonctionnement du compte n°470.534. Pour lui, ce texte n’a jamais prévu de droits d’assiette, ni des primes de recouvrement, ni celles de rendement en faveur d’agents pourtant en service régulier. Et, encore moins l’ingérence des agents de la Crtv dans les registres et autres comptes de la TGY.

Incarcéré à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui depuis novembre 2014, Gervais Mendo Ze est poursuivi à titre personnel pour six chefs d’accusation distincts à la suite de faits étalés sur une période de gestion d’un an comprise entre le 1er janvier 2004 et le 26 janvier 2005. Le préjudice total est chiffré à environ 756 millions de francs. Il s’agit notamment de la perception jugée indue d’une indemnité de transport estimée à 600 mille francs au cours de l’année 2004 alors que selon l’accusation, il disposait déjà pour ses activités à la tête de l’office public de radio et de télévision de trois véhicules de fonction et d’une dotation conséquente en carburant.

Arguments stériles

Il est également fait au Pr Mendo Ze le reproche d’avoir prélevé dans les caisses de la Crtv une enveloppe de 39 millions de francs au cours de l’exercice querellé pour procéder aux aménagements du cabinet du ministre délégué à la Communication. On se souvient qu’en prélude à son remplacement à la direction générale de la Crtv au bout de 17 ans de service, il a été porté aux fonctions de ministre délégué. L’intéressé avait profité de cette situation pour recevoir de l’office, qu’il dirigeait encore, l’argent qui a servi à l’embellissement et à la rénovation de son nouveau bureau. L’accusation estime que cette dépense aussi était indue, le ministère de la Communication disposant de ses propres moyens. L’ancien DG est également jugé pour avoir perçu plusieurs autres sommes d’argent à l’époque où il était en fonction : une prime de représentation évaluée à 15,2 millions de francs, un décaissement de 116,2 millions de francs en «dépenses diverses n’ayant aucun lien avec les missions de la Crtv», la perception de 205,3 millions de francs au titre de frais de représentation et de déplacement, mais aussi une rallonge de 20 millions de francs en guise de prime tirée du compte alloué à la RAV et enfin 360 millions de francs représentant la revalorisation considérée comme injustifiée de crédit de fonctionnement de la direction générale.

Résolutions

Pour le parquet général, l’argumentaire de défense déployé par cet accusé pour justifier le caractère régulier desdites dépenses notamment qu’elles étaient adossées sur des résolutions approuvées par le conseil d’administration de l’office est inopérant en ce qu’aucune des résolutions évoquées par l’ancien DG n’a reçu le quitus de la tutelle financière de la Crtv, le ministère des Finances. Le ministère public estime que l’ex dirigeant s’est émancipé de l’approbation préalable de cette autorité. Ce qui le rend coupable des faits mis à sa charge.

Action pénale

S’agissant des coactions du détournement décrié, le Pr Mendo Ze est accusé d’avoir de concert avec quatorze personnes qui l’accompagnent sur le banc des accusés du TCS, physiquement pour certains, et virtuellement pour d’autres, facilité, et participé activement à la spoliation des biens de la Crtv et du Minfi. Il s’agit de certains personnels des services financiers de l’office, des administrations du trésor et des impôts ayant eu à gérer la collecte et les fonds de la RAV dans la période incriminée. La première branche de l’accusation concerne une coaction supposée entre le linguiste et trois accusés déclarés en fuite notamment Mme Melone née Enam Patricia, sous-directeur des finances et de la comptabilité au moment des faits pour 782,356 millions de francs, Mme Mongori Elisabeth, ex directeur de la Cameroon Marketing and Communication Agency (Cmca) pour un préjudice de 44,2 millions de francs et M. Andang Mgbwa Samuel, agent du Minfi pour un préjudice de 339 millions de francs comme primes découlant de la RAV. D’après le ministère public, les primes de rendement mises à la disposition de ces personnes par M. Mendo Ze n’avaient aucun fondement juridique. Pour cette raison, il a requis la culpabilité des quatre concernés.

Concernant les coactions de détournement supposées entre l’ex DG et les accusés Wabo Colette née Menga pour 3 millions de francs, Abena Abena Hyacinthe pour 10 millions de francs et Ondoua Ondoua Daniel Antoine pour 3 millions de francs, le parquet général souligne qu’ils n’en étaient pas bénéficiaires mais plutôt des intermédiaires mis à contribution pour faire parvenir des primes aux véritables bénéficiaires. Leur sort a été laissé à l’appréciation du collège des juges. Dans ce même volet, une extinction de l’action pénale a été formulée à l’endroit des accusés Etogo Mbezele Luc Évariste, ex trésorier payeur général de Yaoundé en jugement pour 290 millions de francs et Alima Priso devant la barre jugée pour un préjudice de 123 millions. Ces deux mis en cause sont décédés au cours de l’instruction de l’affaire. Néanmoins, l’extinction des poursuites n’exonère pas pour autant le Pr Mendo Ze. L’ensemble du préjudice lui est imputé et sur ce point aussi, sa culpabilité est requise.

Enfin, s’agissant des accusés Akono Ze Jean Marie, Nguele Ndongo Marie Christine, Abah Abah Polycarpe, Amang Bitegni Jean Paul, Nchotebah Nembongwe Jérôme, et Ramsina à qui il est fait le reproche d’avoir eux aussi perçu indument des fonds de la RAV au titre de primes respectivement à hauteur de 15,3 milliards de francs, puis 362, 205, 98, 15 et 13 millions de francs, le ministère public les trouve autant coupable faute d’avoir présenté des preuves de son innocence. En ce qui concerne Jean Marie Akono Ze désigné ici comme un «expert en manipulation des chiffres» et dont le raisonnement consiste à faire croire qu’il avait quitté la Crtv lors des faits décriés et qu’il ne peut en répondre, le magistrat soutient qu’il y était toujours en service et qu’à ce poste, il a effectivement amplifié la valeur des fonds RAV collectés. Pour ce motif, il doit être déclaré coupable.

L’accusé Abah Abah a vu son argumentaire tendant à faire admettre qu’aucun protocole d’accord n’a permis sur son initiative de spolier la Crtv balayé par le parquet général, pour qui ce document a été mis en exécution afin de ravir les fonds publics à des fins personnelles. La culpabilité des deux derniers accusés Nchotebah Nembongwe Jérôme et Ramsina se fonde selon le ministère public sur le fait qu’ils ont souvent perçu des primes émanant de la RAV «quel que soit le montant», ce qui en fait des potentiels coupables de détournement de deniers publics. Parole à la Crtv et au ministère des Finances, partie civile à ce procès le 22 novembre 2018. Les plaidoiries des avocats démarrent à la suite et s’étendent au 26, 27 et 28 novembre.

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