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© Correspondance : Ekum'a Mbella Bwelle
- 16 Mar 2018 11:02:19
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Cameroun, LE 25 MARS 2018, UN JOUR DE DEUIL POUR LE PEUPLE SAWA, SENATORIALES 2018: Le Littoral est-il un “˜'No man's land'' ? :: CAMEROON
Depuis les années 1990, nous avons pris l’habitude d’analyser les situations sociales et politiques de l’espace culturel sawa du Cameroun (de Campo à Mamfé), et, de partager nos opinions sur tel ou tel autre problème de cette aire culturelle (cf. nos publications in Challenge Hebdo, Challenge Nouveau, Le Quotidien, Le Messager, La Nouvelle Expression, www.peuplesawa.com, etc.). Nous visons alors un seul et même objectif : inciter ceux dont la voix porte à porter la voix d’un peuple meurtri depuis longtemps dans sa chair et dans son âme.
Depuis quelques jours, notre préoccupation de l’être et du devenir de la minorité numérique que constituent aujourd’hui les Sawa au Cameroun est tournée vers l’élection sénatoriale qui aura lieu le 25 mars prochain. Notre constat est la désignation en grand nombre pour représenter le Littoral au SENAT, des personnes non natives de cette Région (par tous les partis politiques), ce qui n’est pas le cas dans les autres parties du pays… Une grave violation de la Constitution et de la Loi camerounaises !
Pour le constater, nous avons scruté toutes les listes validées et rendues publiques par Elections Cameroon (ELECAM), Région par Région et parti politique par parti politique. Notre postulat, depuis l’article commis il y a quelques jours (sous le titre Veut-on créer une zone de tensions sociales dans le Littoral ?) est que l’élection sénatoriale est la désignation des représentants des Terroirs et non l’élection des représentants du peuple.
LE LITTORAL ENCORE ET TOUJOURS SEUL PERDANT
Trente-six (36) listes de candidatures ont été retenues par ELECAM pour l’ensemble des dix (10) Régions. Deux (02) partis politiques seulement concourent sur l’ensemble du territoire national : le RDPC et l’UNDP. L’ANDP, l’UDC, l’UMS, le SDF, le FNSC et l’UPC sont les autres partis politiques ayant des candidats çà et là.
Le décompte minutieux nous donne :
Trois (03) partis politiques s’affrontent dans la Région de l’Adamaoua : le RDPC, l’UNDP et le SDF. Dans la liste du RDPC, et sauf erreur d’appréciation de notre part n’étant pas ethno-anthropologue, un seul nom, suppléante en 5ème position, est à consonance ‘’étrangère’’ à la Région. Les 13 autres paraissent bel et bel être Natifs et/ou épouses de l’Adamaoua. Le SDF aurait dans la sienne deux noms, tous les deux suppléants en première et sixième position respectivement. L’UNDP serait à 100% Adamaoua de naissance et/ou de mariage.
Dans le Centre, le RDPC, l’UNDP et l’UPC sont à la ligne de départ, le SDF ayant retiré sa liste. Le DPC est à 100% Centre. Les quatrième et cinquième candidats titulaires de l’UNDP et le quatrième suppléant seraient les Non Natifs de la Région. L’UPC serait à 100% Centre, si on s’en tient à la consonance des patronymes.
A l’Est, le RDPC et l’UNDP sont en course. Un seul candidat, septième suppléant ne serait pas Natif de la Région pour ce qui est du RDPC. En ce qui concerne la liste de l’UNDP, un titulaire et deux suppléants seraient les non Natifs.
A l’Extrême-Nord, l’ANDP, le RDPC et l’UNDP sont en compétition. L’ANDP serait à 100% Extrême-Nord. Le cinquième titulaire du RDPC, toujours selon notre logique de consonance des patronymes, serait non Natif. L’UNDP serait aussi à 100% de la Région.
Dans le Nord, le FSNC, le RDPC et l’UNDP sont dans les starting blocks. Les trois partis seraient à 100% de la Région.
Au Nord-Ouest, le RDPC, le SDF, l’UDP et l’UNDP concourent au suffrage. Le RDPC serait à 100% de la Région. Idem pour le SDF. La tête de liste de l’UDP serait le non Natif de la Région. L’UNDP serait aussi à 100%.
Dans la Région de l’Ouest, le RDPC, le SDF, l’UDC, l’UMS, l’UNDP demandent le vote des grands électeurs. Le RDPC est à 100% Ouest. De même que le SDF, l’UDC, l’UMS et l’UNDP.
Dans le Sud, l’ANDP, le RDPC et l’UNDP sont en compétition. Les trois partis présentent des listes de candidats à 100% de la Région pour ce qui est des titulaires. L’UNDP seul a réussi à glisser un nom de suppléant qui serait non Natif du Sud.
Dans le Sud-Ouest, l’ANDP, le RDPC, le SDF et l’UNDP sont de la partie. Une candidate suppléante de la liste de l’ANDP seule serait non Native et/ou épouse de la Région. Le RDPC serait à 100% Sud-Ouest. Idem pour le SDF et l’UNDP.
Dans le Littoral, l’ANDP, le RDPC, le SDF, l’UDC, l’UNDP et l’UPC sont les partis en lice. La liste de l’ANDP n’a aucun Natif du Littoral comme candidat titulaire, même pas de suppléant (encore une fois sauf erreur d’appréciation de notre part). Le sixième candidat titulaire du RDPC est non Natif de la Région. Cinq des sept suppléants ne sont ni Natifs, ni épouses du Littoral. Le SDF n’aurait que deux noms de la Région dans sa liste, un titulaire et suppléant. L’UDC est à 100% Littoral. Trois des sept candidats titulaires de l’UNDP seraient du Littoral et deux suppléants seraient aussi de la Région soit cinq sur quatorze. L’UPC aurait fait mieux en introduisant seulement un nom de non Natif de la Région en cinquième position de titulaire dans sa liste, et un suppléant aussi.
Pour la Région du Littoral qui nous intéresse, nous constatons tout de suite que c’est la Région la plus sollicitée par les partis politiques engagés dans cette élection sénatoriale. Six au total. De même constatons-nous aussi que c’est celle qui a le moins de noms de Natifs et/ou épouses de la Région dans les différentes listes, si nous excluons celle de l’UDC qui a réussi l’exploit de trouver quatorze (14) filles, épouses ou fils du Littoral.
TENTATIVE DE MARGINALISATION DES SAWA OU EXPRESSION D’UNE LOGIQUE D’EXCLUSION ?
Les six listes de candidats à l’élection sénatoriale dans le Littoral posent au moins deux problèmes : (i) une violation manifeste de la Constitution et de la Loi camerounaises par les partis politiques avec la complicité de ELECAM ; (ii) la marginalisation voire le désir d’exclusion des Sawa dans le cosmos politique camerounais.
En premier lieu, la Constitution de la République du Cameroun inscrit la protection des minorités ethniques. Ce qui devrait entrainer, dans le concept du vivre-ensemble très présent en ce moment dans
le conglomérat sociopolitique national, l’assurance par les personnes garantes de l’autorité de l’Etat, de veiller à chaque fois que les peuples minoritaires qui dans leurs territoires ont accueilli d’autres ne soient point étouffés dans les affaires de l’Etat. Or, le constat est que des dix Régions du pays et conformément aux listes de candidatures validées par ELECAM, seul le Littoral a eu à voir des partis politiques présenter des listes de candidats dans lesquelles les autochtones du Littoral sont minoritaires ou totalement absents pour représenter leur Région d’origine. ELECAM les a pourtant validées.
En second lieu, en dehors de l’UDC qui a présenté une liste de candidats tous originaires du Littoral, tous les autres partis ont fait la part belle aux non Natifs de la Région. Notons aussi ici que le RDPC, parti au pouvoir, a cru bon couper la poire en deux : six candidats titulaires du Littoral, mais cinq suppléants non Natifs. Là aussi, le Conseil électoral d’ELECAM a laissé passer.
Qu’entend-on finalement par «composantes sociologiques» ? Est-ce l’exclusion des Sawa de l’espace politique national ? En effet, nous pouvons noter que le concept de «composantes sociologiques» n’est intervenu que dans la Région du Littoral. Puisque dans toutes les autres Régions, les Natifs des lieux seraient représentés au moins à 95%. Pour ces Régions-là se serait-on appuyé sur le principe de groupes et sous-groupes ethniques constituant la population native locale ? Auquel cas, pour le Littoral, on aurait aussi souhaité que la notion de «composantes sociologiques» fasse appel, et uniquement, à la représentation des groupes et sous-groupes de la Région (Basa’a, Bakoko, Duala, Bankon, Bonkeng, Bakaka, Balong, Mbang, Basi, Badem, Banen, Mulimba, Bafut, Mbo’o, Ewodi, Pongo, etc.). Que non ! Ici, cette notion demande plutôt que les Natifs du Littoral soient mis à l’écart dans la représentation de la Région dont ils sont pourtant les autochtones. Comme quoi l’habitant représente mieux un Terroir que le Natif pour ce qui est du Littoral (revoyez la constitution des différentes listes en compétition dans les dix Régions).
La question, comme on peut le voir, va donc au-delà de la représentativité du Territoire Littoral et montre à souhait qu’il s’agit d’un désir manifeste mais non déclaré d’écarter les Sawa de la vie politique nationale. Même chez eux ! En effet, si le contexte sociopolitique de l’heure a permis qu’aucun parti politique ne s’amuse dans la Région du Sud-Ouest et que les Sawa aient la place qui est la leur, on remarquera que dans les autres Régions ils sont soit mis à l’écart, soit appelés à jouer un rôle secondaire dans les différents partis politiques.
Dans la Région du Sud par exemple, aucun Batanga n’est dans une liste comme candidat titulaire. A l’Ouest, aucun Mbo’o (Mbo’o Foreko) n’est dans une liste. Le cas de la Région du Littoral, espace naturel de la plupart des sous-groupes sawa est encore plus parlant… La politique n’est peut-être que le terrain le plus visible de ce désir d’extinction des Sawa ; mais le mal est très profond. Dans les églises institutionnelles, tout est fait pour les mettre à l’écart. Au plan de la culture, le MINEDUB s’est permis d’aller à l’encontre de la politique gouvernementale et de proposer pour apprentissage dans les écoles de l’espace culturel sawa une langue autre que celle que les Sawa, depuis la nuit des temps, utilisent tous (Sud, Littoral, Sud-Ouest et Ouest) comme langue de communication commune.
Dans beaucoup de chaînes de radio, la musique d’origine sawa ne passe que lorsqu’elle est d’actualité ou alors pour des raisons commerciales.
Dans les Entreprises et autres institutions d’Etat installées dans leurs territoires, ils sont appelés à jouer tout au plus le second rôle (encore faut-il le leur accorder). Le Complexe Industrialo-Portuaire de Kribi par exemple n’accorde aucune place importante aux Batanga, Ngoumba, etc. On sait qui doit y jouer les premiers rôles... Le Port Autonome de Douala, CAMWATER, CAMAIR Co, la liste est si longue.
Au vu du constat qui précède, le Conseil Constitutionnel dont les membres ont récemment prêté serment, est interpellé pour entrer dans la maison Cameroun par la grande porte. Montrer qu’il ne s’agit pas d’une volonté manifeste d’anéantir totalement les Sawa, en prenant la décision logique qui s’impose pour corriger les violations de la Constitution et de la Loi par les partis politiques et ELECAM. Il s’agit alors pour eux : soit d’annuler l’élection sénatoriale dans les neuf autres Régions du pays pour non-conformité des listes en rapport avec la loi sur les «composantes sociologiques» ; soit d’annuler l’élection dans la Région du Littoral pour violation de la loi et non protection de la minorité pourtant fort hospitalière. Car l’expérience dans les différents pays du monde a montré que les peuples se sentant marginalisés ont toujours fini par avoir la réaction d’une bouteille comprimée.
Ekum’a Mbella Bwelle
Communicateur – Ecrivain* - Traditionniste sawa
(*) OUVRAGES DEJA COMMIS
1 – Christianisme et Ngondo : cohabitation ou rejet ? (Editions Manielle ; Douala, Cameroun ; 2010)
2 – De l’UPC au MANIDEM – Chroniques d’une rupture (L’Harmattan ; Paris, France ; 2012)
3 – Le Noir, la Bible et le Coran (autoédition ; 2013)
4 – Dindo traditionnel et Sainte Cène chrétienne (autoédition ; 2014)
5 – La NBC et le Nativisme : Réflexion pour un renouveau de la pensée native à la NBC (autoédition ; 2014)
6 – L’Amour assassin (Ifrikia ; Yaoundé, Cameroun ; 2016)
7 – Nouvelles inédites du pays (Ifrikia ; Yaoundé, Cameroun ; 2016)
EN COURS (Editions AfricAvenir ; Douala, Cameroun)
Hymnologie traditionnelle africaine en milieu chrétien : cas de l’Esew’a bosangi.
NB : La titraille est de Monsieur Patrice EKWE SILO EDIMO
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