C'est en 1992 que nos chemins se sont croisés dans les couloirs de l'Université Catholique de Lyon. Nous avons pris un café entre deux cours qui mettaient 50 minutes fois deux. C'était un cours sur Maître Eckhart dispensé par Mgr Pierre Gire. L’Abbé Apollinaire Malu Malu préparait alors un diplôme en droit de l'homme ce qui était une nouvelle discipline qui venait semble-t-il de Belgique. Puis nous avons été à Sciences Po Grenoble. Nous nous partagions le même bureau au CIDSP devenu PACTE que dirigeait alors le professeur Sébastien Roché fraîchement rentré des USA. 

Appolinaire résidait à la paroisse Monestier-de-Clermont, avec d'autres camarades nous avions pris nos habitudes - entre une bouteille de bière, un verre de vin, entre Afrique, Brésil, Mexique, Roumanie, Tunisie nous refaisions le monde à notre manière. Il nous arrivait tous les deux d'aller au monastère de la Chartreuse à Voiron pour un moment de prière mais aussi pour ramener quelques provisions notamment la fameuse liqueur la Chartreuse (verte ou jaune) je préférais la verte et lui la jaune, ainsi nous avions les deux couleurs pour un long moment. 

Nous lisions dans le train Achille Mbembe et moi je lui parlais de Joseph Richard qui me passionnait à l'époque il était le seul à avoir à ma connaissance travaillé sur l'UPC au Cameroun. Nous parlions de l'Eglise qui est en Afrique, des cardinaux - des mariages et que sais-je encore? 

Apollinaire avec beaucoup de cordes à son arc - je me souviens qu'il avait un amour grand pour les citations latines. Aussi il arrivait qu'une de ses copies soit lue avec délectation par les uns et les autres en guise de modèle.

Un jour que le Père vint me voir, nous passâmes la nuit, à ce jeu de citation à Saint Cyr au Mont d'Or. Il avait une culture encyclopédique, il connait l'histoire du "mouboutisme" au bout des doigts, ce sont les droits de l'homme qui l'ont conduit à l'organisation des élections. Fidèle en amitié, il a su garder le contact avec ses amis depuis le petit séminaire. Cette amitié est restée intacte jusqu’à sa disparition, malgré le poids des ans… 

Adieu, vieux frère ! Que la terre du Kivu où nous t'accompagnerons dans quelques jours te soit douce comme tu as été doux pour nous, que le peuple des Nande t'accueille dans l'arrière-case de maman Sabina. 
Apollinaire, de ma main j'écris tremblant, La vie se vit pour elle-même et pour aucune autre raison… L’amour n’a pas de pourquoi.

Apollinaire, il n'y a rien que l'on désire autant que vivre ? Qu'est-ce que vivre ? C'est être mû de l'intérieur, par sa propre impulsion. Ce qui est mû de l'extérieur ne vit pas... Nous pouvons et nous devons œuvrer par nos propres forces, de l'intérieur… Oui tu vis désormais de l'intérieur. Maître Eckhart.