TRANSPORT AÉRIEN : Camair-Co asphyxié par une dette de 34 milliards Fcfa
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Le décollage de la compagnie nationale sérieusement compromis si l’Etat ne met pas la main à la poche.

La situation financière de Camair-Co est catastrophique. La dette fournisseur cumule à 34 milliards de Fcfa, le compte d’exploitation est mensuellement déficitaire de 1,5 milliard de Fcfa, les subventions de l’Etat censées alléger la dette des fournisseurs qui tombent au compte-goutte… Dans un environnement aussi délicat, comment faire face aux situations quotidiennes qu’imposent les exigences d’une compagnie aérienne ? Assurément un casse-tête pour la direction générale de Camair-Co.

Et pourtant, c’est dans ce contexte que la compagnie nationale a intégré le cercle fermé des compagnies aériennes crédibles sur le plan des normes de la gestion technique et managériale qu’est l’Iata avec toutes les retombées positives en terme de positionnement. Alors que le top management de l’entreprise célébrait cet exploit, voilà qu’une affaire de compte bloqué est venue semer le doute chez les clients de la compagnie nationale et porter un rude coup à la certification IOSA dont un nombre très restreint de compagnies aériennes africaines peut brandir.

COMPTES SCELLES À PARIS

Cet endettement considérable affecte sérieusement la crédibilité de la compagnie nationale et attenue les efforts managériaux pour redresser la barre comme l’illustre le dernier épisode des comptes de l’entreprise scellés à Paris. Pour mieux comprendre la mécanique de cette affaire, il faut remonter en 2001. Cette année-là, le Dja, propriété de Camair-Co, sort des usines du constructeur Boeing. En 2013, après 12 ans de vols, l’un des moteurs qui manifeste des signes d’essoufflement est déposé dans les ateliers de maintenance d’Ethiopians Airlines à Addis-Abeba.

A cours de liquidités pour le réparer, un premier contrat de location d’un moteur est paraphé par la direction générale de Camair-Co d’alors avec la société Willborf. Coût mensuel de la location : 100 millions Fcfa. En novembre 2015, après avoir vainement résisté, le second moteur s’essouffle également. Lui, il prend la direction d’un atelier de maintenance à Perpignan, en France. Toujours à court d’argent, Camair-Co signe un nouveau contrat de location d’un moteur avec un prestataire. Cette fois, c’est la société Honywell qui rafle la mise. Toujours à hauteur de 100 millions Fcfa le mois.

Voici Camair-Co invité à débourser 200 millions Fcfa chaque mois pour la location de ses deux moteurs alors même que l’option d’achat des deux moteurs neufs ne lui aurait coûté que 3 milliards Fcfa. Seulement, l’entreprise est à court d’argent. Si seulement les 30 milliards Fcfa du plan de relance avaient été déboursés, l’acquisition de nouveaux moteurs étant inscrite en gros caractère dans les priorités retenues. Pour Camair-Co donc, louer les moteurs est une chose. Payer en est une autre. Et ce qui devait arriver arriva.

Las d’attendre son paiement et après de multiples relances, Willborf a procédé, au cours de la deuxième quinzaine du mois d’avril 2016, à la saisie des comptes de la compagnie à Paris, en France. Est-ce un fait nouveau pour la compagnie aérienne nationale ? Franchement non ! Et pour cause, les saisies des comptes sont régulières. D’ailleurs, dans l’état actuel de la compagnie aérienne nationale qui traîne toujours son boulet paralysant de 34 milliards Fcfa de dette, il faut s’attendre à de nouvelles saisies de comptes par des fournisseurs dit «bloquants».

INVESTISSEMENTS

Il y a donc urgence de sortir  de cette situation d’autant plus que Camair-Co a des arguments à faire valoir. «Sur le continent africain, explique ce dernier, il n’y a que sept compagnies aériennes qui ont pu satisfaire aux exigences de fiabilité dans la nomenclature des normes requises par Iata. Parmi ces compagnies, figure bel et bien Camair-Co. Je vous exhorte à profiter au maximum des avantages qu’offre une telle opportunité», explique Kuiche, vice-président de l’Association internationale des transporteurs aériens (Iata).

Cette déclaration faite le 7 avril 2016 lors de la remise solennelle des certificats Iosa à Camair-Co, devant un parterre constitué de membres du gouvernement, vaut son pesant d’or. Une reconnaissance qui montre que la compagnie nationale, au-delà des difficultés financières qu’elle traverse, remplit les conditions technique et managériale pour son décollage. Son seul talon d’Achille reste cependant le fonds de roulement.

La certification Iosa, faut-il le rappeler, prouve que la compagnie a passé avec succès les visites techniques et tests relatifs à la sécurité aérienne, au programme de formation technique et la fourniture des documents de référence certifiés. Qu’est ce qui fait donc problème si l’on s’en tient au fait que ce sésame est le diplôme minimum pour être compétitif dans la cour des grandes compagnies aérienne du monde ? Si la volonté politique du chef de l’Etat de faire voler plus haut l’étoile du Cameroun n’est pas à mettre en doute - c’est lui qui a ordonné le décaissement de la somme de 30 milliards Fcfa au profit de Camair-Co – des signaux indiquent toutefois des goulots d’étranglement dans la mise en application de la décision présidentielle tant et si bien que, aujourd’hui, les 30 milliards sont devenus un véritable serpent de mer.

L’Etat ne peut faire l’économie d’une réflexion profonde sur ce qu’il veut faire de l’Etoile du Cameroun. Il doit tracer une fois pour toute, le cap. Camair-Co n’est pas la seule compagnie aérienne en Afrique, détenue par l’Etat, et qui a connu ou qui connaît des tourments. Ailleurs, d’autres Etats ont pris, devant des circonstances similaires, des décisions courageuses. Prenons le cas d’Equatorial Congo Airlines (Ecair). Cette compagnie a été créée en 2011, au même moment que Camair-Co, avec un capital de 100 milliards Fcfa. Après trois années d’exploitation, les pertes cumulées vont se chiffrer à 100 ,891 milliards Fcfa.

En d’autres termes, le capital de la compagnie est négatif du montant sus évoqué en 2014 ! L’Etat congolais, actionnaire de référence, va prendre le taureau par les cornes. Il obtient un emprunt bancaire de 30 milliards Fcfa auprès de la BGFI. Objet du prêt : financement de deux aéronefs Boeing 737 et 700 et location pour une durée de quatre ans d’un B 767/300. La seule garantie est la signature de l’Etat. Sitôt signé, l’argent est mis à la disposition de la compagnie. S’en suivront des emprunts obligataires de 35 et 300 milliards Fcfa moins contraignantes que les prêts bancaires au regard de leur taux d’intérêt (5% contre 14 pour les banques) et leur durée de remboursement (20 ans contre 7 pour les banques. Aujourd’hui, la compagnie a renoué avec la croissance et a retrouvé son équilibre d’exploitation.

Elle dispose de sept gros et moyens porteurs. Tout récemment, elle vient elle-même de lancer un emprunt obligataire de 60 milliards Fcfa afin de consolider sa croissance. Air ivoire n’est pas en reste. Le gouvernement ivoirien vient d’octroyer à sa compagnie une somme de 91 milliards Fcfa pour l’acquisition de deux airbus, ce qui portera à six le nombre de ce type d’appareil dans sa flotte. En plus, bien sûr, d’une commande ferme passée sur deux Bombardiers et d’un Embrayer.

RwandAir quant à elle vient d’accéder à un financement d’environ 70 milliards Fcfa pour densifier sa flotte Au regard de ce constat, on peut s’indigner de voir Camair-Co peiner désespérément, depuis deux ans, pour accéder à un financement de 30 milliards Fcfa. Pour de nombreux observateurs Camer.be, il est plus que grand temps pour l’Etat de prendre ses responsabilités en levant des fonds sur le marché obligataire à concurrence de 150, voire 200 milliards Fcfa s’il veut vraiment faire décoller l’étoile du Cameroun.

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