Lutte contre Boko Haram - Nigeria : l'insuffisante réponse militaire
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NIGÉRIA :: Lutte contre Boko Haram - Nigeria : l'insuffisante réponse militaire

En organisant des élections présidentielle et législatives dans le calme, malgré la menace que faisait planer Boko Haram sur ce vote, le Nigeria s’est imposé comme un modèle pour les autres pays africains qui vont connaître des scrutins au cours des deux prochaines années.

Si un sentiment d’optimisme flotte sur le Nigeria, le mastodonte économique a pourtant été lourdement critiqué pour son incapacité à faire face à l’insurrection islamiste qui sème la terreur dans le nord du pays.

Le groupe terroriste, qui n’hésite pas à tuer en masse et à utiliser des enfants pour faire exploser des bombes, a déjà provoqué la mort de plus de 15 000 personnes en six ans, selon une estimation début avril du haut-commissariat de l'ONU aux Droits de l'homme.

Tout le monde garde en mémoire le massacre de Baga en janvier dernier, au cours duquel 2 000 personnes, selon les estimations, ont perdu la vie. Face à l’inaction du Nigeria, mais aussi de l’Union africaine et de la communauté internationale, les pays africains ont pris les choses en main.
 
Une offensive qui a permis de reprendre plusieurs villes-clés.

Non sans avoir taclé l’incompétence de son voisin, c’est Idriss Déby, le président tchadien, qui a pris le leadership de cette coalition militaire début mars. Composée des forces armées des quatre pays membres de la Commission du bassin du lac Tchad (Tchad, Niger, Nigeria et Cameroun), la réponse sécuritaire, à l’instar du groupe terroriste, s’est elle aussi régionalisée.

Alors qu’au début de l’année Boko Haram contrôlait une vingtaine de districts dans les trois états du nord-est du Nigeria, l’offensive est parvenue à récupérer plusieurs villes-clés : Damasak, Gachagar, Talagam et Abadam.

Dernière en date et peut être la plus importante, Malam Fatouri a été reprise le 1er avril. La ville, qui avait été identifiée comme le dernier et plus grand bastion de la secte islamiste, était une priorité majeure pour la coalition. D’importants stocks d’armes y ont d’ailleurs été saisis. Les forces tchado-nigériennes ont alors estimé que la "capacité de nuisance" de Boko Haram avait été réduite "au maximum".
 
Le 30 mars, le Conseil de sécurité des Nations Unies a salué la Commission du Bassin du lac Tchad, dont l’action est "digne d’éloge". Pour Roland Marchal, chargé de recherche au CNRS, il était important que l’initiative sécuritaire s’organise au plus près de la menace. "Boko Haram est un problème, pas exactement transnational, mais qui a en tout cas un impact régional important autour du Lac Tchad.

Le groupe fait régner l’insécurité au Nord du Cameroun, il nuit aux importations du Tchad et menace le pipeline entre les deux pays. Les pays de la coalition protègent leurs propres intérêts en intervenant. Mais ce qui manque aujourd’hui, c’est une réponse politique, voire économique, pour stabiliser la région », souligne le chercheur.
 
"Boko Haram, un mouvement social qui s'est radicalisé"
Première économie du continent en termes de PIB, le Nigeria n’en est pas moins miné par les inégalités, qui alimentent les tensions. Loin de profiter des richesses pétrolières essentiellement localisées dans le Sud, la région du Nord-Est est la plus pauvre et la moins alphabétisée du pays : 70% de la population vit avec moins d’un dollar par jour.

Un terreau fertile, sur lequel prospère et recrute le groupe islamiste. "Avant d’être un mouvement terroriste, Boko Haram est d’abord un mouvement social, qui répond à des revendications assez anciennes", rappelle Roland Marchal.

Né dans les années 2000, Boko Haram est d’abord animé par des revendications anticoloniales et cherche à imposer la charia. Dans les années 2009-2010, une répression brutale est menée et son chef, Mohammed Yusuf, est assassiné. C’est là que la confrontation se radicalise et que la secte adopte le répertoire de violence qu’on lui connait aujourd’hui.
 
Déjà en 2013, l’ancien président Olusegun Obasanjo s’interrogeait : "Ces problèmes ne peuvent pas être résolus avec le seul bâton. Il faut trouver des solutions au problème de la pauvreté, du chômage. Boko Haram n’existait pas il y a dix ans, alors comment s’est-il développé ? Nous devons identifier les causes profondes".

Une réponse globale insuffisante, qui resterait au stade militaire, pourrait amener Boko Haram à utiliser des modes d’action différents. "Il y a eu des victoires militaires importantes. Mais le mouvement, qui bénéficie d’un fort ancrage social, peut renaître, même différemment.

C’est ce qui s’est passé avec les insurrections maliennes, toujours présentes sur le plan politique, ou somaliennes, qui représentent toujours une menace militaire et terroriste", souligne Roland Marchal. L’avenir dépendra donc de la capacité du nouveau président, Muhammadu Buhari, à proposer une solution politique sur le long terme et  éviter les erreurs du passé.

© Le Point Afrique : Laurène Rimondi

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