Drame : Morte faute de soins
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Loveline Miape, 27 ans, incarcérée à la prison centrale de Kondengui et enceinte de jumeaux est décédée lundi parce qu’elle ne pouvait pas payer 73 000FCfa pour une césarienne.

Une jeune dame est décédée lundi dernier à l’hôpital central de Yaoundé. Loveline Miape y avait été admise la veille dans la nuit. Enceinte de jumeaux, elle avait donné naissance au premier dans un petit centre de santé du quartier Nkolndongo à Yaoundé. Evacuée à l’hôpital central pour y subir une césarienne qui devait permettre d’extraire le deuxième bébé déjà décédé, elle a attendu plus de 24h pour que quelqu’un se porte garant d’un kit d’opération de 73 000 FCfa. En vain. Loveline Miape est morte. Elle était âgée de 27 ans. Mère de deux enfants (un garçon de 9 ans et une fille de 5 ans), elle était détenue à la prison centrale de Kondengui depuis le 22 septembre 2014.

Hier, la présidente de l’association Repcam (Relai parentsenfants du Cameroun) Claire Ndi Samba était encore sous le choc. Elle qui a recueilli la dépouille de la défunte pour la déposer à la morgue de l’hôpital centrale. C’est dans le cadre de son association qui s’occupe des femmes mère détenues que son chemin croise celui de Loveline Miape à la prison centrale de Kondengui. Nous sommes en septembre 2014. La jeune dame y a été incarcérée, confie-t-elle, pour abus de confiance à la suite d’une plainte du père de ses deux premiers enfants. Elle est enceinte et attend des jumeaux.

L’infortunée vit sa grossesse avec toute la peine que suppose le milieu infect et difficile qu’est Kondengui. Les visites prénatales sont rares et pour sa layette, elle doit compter sur quelques âmes charitables. Dimanche 1er mars dernier, Loveline est conduite dans un centre de santé au quartier Nkolndongo pour son accouchement. Seulement un des jumeaux sort vivant et viable de ses entrailles. La suite de l’accouchement se complique. Le deuxième n’a pas pu survivre aux complications. Il faut à présent procéder à une césarienne pour extraire le bébé mort et sauvé la vie à sa mère.

C’est alors qu’elle est conduite dans un état déplorable à l’hôpital central de Yaoundé. « La main du deuxième bébé était sortie. Ce qui fait que la pauvre maman est restée pendant longtemps avec les jambes écartées. Vous imaginez la douleur ? », sanglote Claire Ndi Samba. Une fois à la maternité de l’hôpital central de Yaoundé, Loveline Miape n’est pas prise en charge tout de suite. Le kit pour sa césarienne coûte environ 73 000FCfa. Il faut payer sans discuter. Ou tout au moins trouver quelqu’un qui s’engage par écrit à le faire. Les gardiennes de prison qui l’ont conduite à l’hôpital ne sont pas très chaudes pour un quelconque engagement. Elles craignent, nous confie-t-on, que ces frais soient plus tard prélevés sur leur salaire. Pendant ce temps, toute seule, Loveline souffre. Elle est mourante. Elle perd du sang. Mais rien n’est fait.

« Je suis choquée »

Le lendemain, lundi, Claire Ndi Samba entreprend une de ses visites de routine à Kondengui. Elle est porteuse de quelques présents pour près de cinq femmes enceintes de cette prison. Le paquet spécial est pour Loveline. C’est une partie de sa layette. Surprise. On lui apprend que sa protégée a accouché la veille et que les choses se sont compliquées. Une fois à l’hôpital, il est trop tard. Faute de soin, Loveline Miape est morte. Son deuxième bébé a finalement été extrait et posé sans vie sur le ventre froid de sa maman.

« Je n’arrive pas à comprendre que dans un hôpital public on laisse ainsi mourir une femme enceinte, qui plus est, prisonnière, pour un problème d’engagement, s’indigne Claire Ndi Samba. Je suis choquée. C’est moi qui suis allée à la morgue garder la dépouille. Aucun personnel pour s’en occuper. Vous êtes obligé, vous-même d’entrer, de marcher sur des cadavres et autres corps déchiquetés et jetés sur le sol, pour essayer de garder le vôtre. On vous oblige à écrire vous-même le nom du défunt et à l’afficher sur ses orteils. C’est incroyable ce que peuvent vivre les gens au quotidien. »

Depuis son incarcération, Loveline Miape était pratiquement abandonnée. Elle ne recevait presque pas de visites. Ses deux enfants de 9 et 5 ans n’étaient pas au courant de son incarcération. « En fait, explique Claire Ndi Samba, c’est le problème des femmes prisonnières. Personne ne les accepte. Elles sont rejetées par la famille, les amis, les conjoints ou les copains, etc. bref, tout le monde a honte d’elles comme s’il était dit qu’une femme ne peut pas aller en prison. C’est cette stigmatisation qui rend le séjour carcéral des femmes encore plus rude. »

Dans son bureau au quartier Mimboman, Claire Ndi Samba, en fin d’après-midi d’hier affichait son premier sourire depuis plus de 24h. Elle venait de recevoir un appel des services sociaux l’informant du placement du jumeau survivant dans une famille. « C’est effectivement un petit soulagement, souriait-elle. Après des enquêtes, le ministère des Affaires sociales a pu tomber sur des membres de la famille de la défunte qui ont accepté de recueillir le bébé. Je me prépare donc à aller le leur donner. » Seulement, elle devra acheter une nouvelle layette. Celle qui avait été préparée ayant été volée entre Kondengui et l’hôpital.

© Le Jour : Jean-Bruno Tagne

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