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© Le Jour : Younoussa Ben Moussa
- 14 Jan 2015 07:46:10
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CAMEROUN :: Paul Biya, ses mots et le peuple :: CAMEROON
Dans ses discours, le chef de l’Etat jette dans l’opinion des bouts de phrase dont se gavent ses collaborateurs et le commun des citoyens.
Lorsque les spécialistes de la littérature politique vont un jour s’intéresser aux propos de Paul Biya, ils trouveront sans doute de la matière. Il est vrai que l’actuel président de la République du Cameroun parle peu. La dernière fois qu’il a accordé une interview formelle avec des questions pertinentes, remonte à 11 ans. C’était en France en 2004. Mais dans ses différents discours à la nation, il y a des perles. Des phrases assassines qu’il lance à ses adversaires politiques. Mais il y a toujours une constante. Paul Biya ne nomme jamais sa cible.
Il est adepte de l’ellipse, cette figure de style qu’il affectionne tant et qui consiste en fait à omettre un ou plusieurs éléments en principe nécessaires à la compréhension du discours, obligeant le récepteur à rétablir mentalement ce que l’auteur passe sous silence. Dans son dernier message à la nation le 31 décembre dernier, Paul Biya a encore remis ça. « La montée des périls à nos frontières nous a amenés à prévoir des dispositions concernant les effets que cette menace pourrait représenter pour notre sécurité intérieure.
Tel est l’objet de la loi sur la répression du terrorisme que le Parlement vient d’adopter à une large majorité. Il ne s’agit aucunement, comme l’ont prétendu certains esprits mal intentionnés, d’en prendre prétexte pour restreindre les libertés publiques », disait-il. Qui sont ces « esprits mal intentionnés » ? Paul Biya ne le dit pas. Mais le Camerounais lambda qui suit l’actualité politique au Cameroun sait pertinemment qu’il s’adresse en premier lieu à ses opposants.
Il s’agit, entre autres de Maurice Kamto, qui a organisé toute une conférence de presse pour montrer que cette loi était liberticide. Paul Biya qualifie tous ceux qui ont critiqué cette loi comme étant des « esprits mal intentionnés », que cette disposition législative s’imposait et ne saurait donc être une entorse aux libertés individuelles. Paul Biya n’est pas en fait à son premier exercice. 16 juin 2012. Deux mois après l’arrestation de son ancien secrétaire général de la présidence de la République, Marafa Hamidou Yaya, il se rend dans la région du Sud pour procéder au lancement officiel des travaux du barrage hydroélectrique de Memve’ele. Après la cérémonie, Charles Ndongo, journaliste à la Crtv, lui pose la question de savoir ce qu’il pense de ses « anciens collaborateurs qui sont en délicatesse avec la justice et dont certains s’illustrent par une abondante activité éditoriale ».
En ce moment-là, Marafa Hamidou Yaya publiait dans la presse des lettres ouvertes. Paul Biya a une réponse historique et qui continue d’amuser : « Je n’ai pas à commenter les commentaires ». Il entre dans sa voiture. 27 février 2008. Les rues du Cameroun grondent. Des jeunes déchainés brûlent de spneus dans les carrefours, cassent tout sur leur passage. Paul Biya sort de son silence. Le visage grave, il prononce un discours où il condamne ces comportements et déclare que force reviendra à la loi. Mais il ne manque pas d’indiquer que ces jeunes sont manipulés. Par qui ? « Des apprentis sorciers », tapis dans l’ombre, dit Paul Biya.
Dans cette expression, l’on a également vu ses opposants : Fru Ndi notamment. Avant apprentis sorciers, l’on a aussi entendu dans les années 90 des termes comme « Marchands d’illusions », « vandales », « Qui sont-ils ? », « politiciens aux abois » ou encore « oiseaux de mauvais augure ».
Au-delà de ce discours que Paul Biya tient lorsqu’il est dans une situation de conflit avec ses opposants, ses prises de parole sont riches également en des phrases qui sont restées dans la mémoire collective. Il s’agit par exemple de « Quand Yaoundé respire, le Cameroun vit ». Ici, on est en plein dans les années de braise. Le Cameroun expérimentait la démocratie, et il y avait une sorte d’amateurisme qui consistait pour divers acteurs sociaux de tout brûler : chaussée, bâtiments publics, etc. Lorsqu’il fait le tour du Cameroun, il clôture par Yaoundé qui était épargné. Il déclare alors que tant que cette ville respire, le Cameroun vit.
Dans la même tournée, il se rend à Douala où la situation était plus complexe. Ses opposants lui interdisaient même de s’y rendre. Lorsqu’il prononce son discours, il emprunte une phrase du général français de Gaulle, et lance un mémorable « Me voici donc à Douala ».
Récupération
Mais ce qui est intéressant dans ces bouts de phrase, c’est leur récupération par le peuple. Ce constat permet de se rendre compte, à l’évidence, que le président n’est pas si déconnecté de son peule. Dans tous les cas, ces phrases sont célèbres dans les rues de Yaoundé et Douala, tout comme dans les hauts plateaux de l’Ouest, la forêt dense du Sud ou la savane de l’Adamaoua. La curiosité vient d’ailleurs de la contextualisation de ces expressions. « Apprentis sorciers », par exemple, est utilisé à tort et à travers. Y a-til un client qui refuse de payer sa dette, il est apprenti sorcier.
Un berger vient-il déclarer à son patron qu’un boeuf s’est égaré, il est « un oiseau de mauvais augure ». Et depuis peu, l’expression en vogue c’est bien « esprits mal intentionnés ». En fait, le chef de l’Etat n’invente rien. Mais le fait qu’il prononce une expression, fut-elle banale, dévient un sujet intéressant pour le peuple. Qui, souvent, la tourne en dérision, la sort de son contexte et lui donne une autre signification, finalement acceptée de manière tacite par tous.
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